Décisions nationales, notices locales, les autorités chinoises ont, en un an, multiplié les restrictions pour l’accès des étrangers au secteur immobilier. Il existe notamment une incroyable clause interdisant aux étrangers de revendre leurs biens immobiliers…

Depuis un an, deux décisions ont modifié rigoureusement l’accès des étrangers à la propriété en Chine. Le marché immobilier chinois fonctionnait jusqu’à présent de manière plutôt libérale et les investisseurs étrangers pouvaient comme les particuliers acquérir directement un bien en leur nom ou entreprise propres. Dorénavant, le gouvernement a imposé aux étrangers de nouvelles contraintes à l’acquisition immobilière. Guillaume Rougier-Brierre, avocat associé au cabinet Gide Loyrette de Pékin, entreprise de conseils en droit des affaires, explique les changements.
Guillaume Rougier-Brierre
Si nous parlons des particuliers qui souhaitent acquérir un bien, ceux-ci sont soumis à une première règle appelée la « Décision 171 » qui légifère au niveau national. Elle est entrée en vigueur le 11 juillet 2006. Les particuliers qui souhaitent acquérir un bien immobilier ne pourront désormais le faire qu’après avoir passé un an en Chine avec un statut de résident.
D’autre part, ils ne peuvent acheter un bien que pour leur usage propre, c’est-à-dire non destiné à la location par un tiers. Une notice du 29 janvier 2007 vient s’ajouter à ces contraintes, et ne s’applique qu’à Pékin. Elle confirme la « Décision 171 » en exigeant par exemple que les particuliers fournissent les preuves de leur statut de résident et que leur acquisition est bien pour leur usage propre. En d’autres termes, les étrangers pourront acheter un bien en tant que résidence principale mais il leur est interdit de le louer.
Le texte stipule enfin et non sans difficulté qu’il leur est interdit de le revendre.
Comment est-il possible d’acquérir un bien sans considérer qu’on puisse le revendre?
Guillaume Rougier-Brierre
Tout d’abord, il faut comprendre que ces textes ne sont directement adressés aux particuliers même s’ils les englobent. Ils concernent avant tout les investisseurs étrangers c’est-à-dire les professionnels de l’immobilier. Le gouvernement tente de freiner la spéculation sur un marché qui ne cesse de croitre. Il a interdit les investissements étrangers directs en Chine.
Les professionnels de l’immobilier doivent aujourd’hui constituer une société de droits chinois pour acquérir des biens dans laquelle ils ont l’obligation de capitaliser 50 % de leurs investissements. C’est très contraignant car une partie du capital est immobilisé et les bénéfices dégagés sont soumis aux taxes et aux impôts chinois.
Les particuliers sont donc pris dans le tourbillon de ces décisions. L’intention, sous-jacente à l’interdiction de revente, est compréhensible. Il s’agit de freiner un marché très spéculatif en empêchant les reventes rapides. Mais la formulation d’interdiction de vente n’est pas claire car trop générale. On peut imaginer qu’un particulier qui quitte la Chine puisse revendre son bien mais ce n’est pas marqué.
Les seuls cas de revente concernent des bureaux de représentation ou des succursales étrangères qui mettent fin à leurs activités. A terme, le gouvernement devra nécessairement spécifier cette interdiction, par exemple un départ de Chine ou une limitation dans le temps. Mais ce qui est certain c’est qu’un particulier n’a pas le droit de louer.
Quelles sont les conséquences pour ceux qui sont déjà propriétaires d’un bien qu’ils louent ou souhaitent vendre ?
Guillaume Rougier-Brierre
La notice concerne tous les biens acquis à n’importe quelle époque. Elle est donc rétroactive. Aucune sanction n’est explicitement prévue dans cette notice mais les acquéreurs pourraient avoir du mal à louer si les autorités locales refusent d’enregistrer la domiciliation du futur locataire par exemple. De même pour la revente, l’enregistrement de la vente et donc l’obtention du titre de propriété au nom du nouveau propriétaire pourrait être refusée.
Pourquoi ces mesures? Les investissements étrangers sont-ils réellement une menace pour la Chine?
Guillaume Rougier-Brierre
Les investissements étrangers ne représentent que 2% du marché immobilier chinois et ce sont surtout les Hongkongais et Singapouriens qui sont majoritaires. Ces mesures ont en fait un caractère symbolique car le gouvernement s’en est d’abord pris au secteur chinois et ne pouvait pas feindre d’ignorer les étrangers. D’autre part, il y a des considérations sociales étrangères à cette règlementation.
La partie spéculative la plus grande concerne le secteur du luxe alors que les besoins sont ailleurs. Le but est donc de réorienter les investissements vers ce que le gouvernement considère comme plus prioritaire. Il l’a déjà fait en 2006, avec des mesures qui s’appliquent également aux chinois, en exigeant une mise de fonds plus importante pour les appartements de grandes tailles. Si l’appartement dépasse 90 m2, l’apport personnel doit représenter 30% du prix contre 20% pour un appartement de plus petite taille.
L’idée étant de rendre plus facile l’acquisition des petites surfaces. Mais ce qu’il faut savoir c’est qu’en Chine, l’état reste irrémédiablement toujours propriétaire du terrain. Les acquéreurs n’achètent qu’un droit d’usage de 30 ans pour les terres agricoles à 70 ans pour les terrains en ville.
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