La chine s’apprête à fêter la Saint Valentin. A quelques jours du nouvel an chinois, les traditions occidentales battent leur plein. Fleuristes, bijoutiers et restaurants affichent leurs déterminations à fêter ce que les chinois appellent la fête des amoureux (qing ren jie).

La tradition occidentale de la Saint Valentin semble s’être propagée à tous les types de commerce dans la capitale chinoise. Les boutiques, quelles qu’elles soient, ont orné leurs devantures de cœurs ou de boites de chocolats aux empaquetages rosés. Les restaurants les plus branchés ont inventé des menus de circonstance où tout est servi par paire et les fleurs abondent chez les fleuristes jusque sur les trottoirs.
L’usage, aussi neuf soit-il, consiste à offrir à sa bien aimée un cadeau en signe d’amour, en particulier des roses rouges que l’on trouve pendant une semaine à tous les coins de rue dans les grandes villes. « Les roses rouges sont les préférées des chinois. En général on fait des bouquets de 11 car il y a deux fois le chiffre 1, cela fait un couple » confie une fleuriste et sa fille à Pékin. La boutique est envahie de cœurs, rubans et cartes multicolores prêtes à signer pour sa Dulcinée. « Les roses sont hors de prix ce jour là » estime Lily, étudiante en langues étrangères à Pékin « pour l’instant je n’ai pas d’amoureux mais quand j’en aurais un, j’attends de lui qu’il y pense sincèrement, et non qu’il me fasse un cadeau hors de prix ».
Comme souvent, les fêtes occidentales en Chine apparaissent comme une vaste entreprise de marketing. Les prix des roses sont en pleine inflation depuis une semaine. « C’est assez cher, confie la fleuriste, d’habitude nous vendons nos roses 4 yuans l’unité mais cette semaine on les vend à 25 yuans pièce ».
Les hommes ne sont cependant pas les seuls à devoir montrer leur amour. Les filles sont aussi tenues de participer, même si ici comme ailleurs la note du diner aux chandelles revient à monsieur. Elles offrent généralement des chocolats. « J’ai voulu changer et je viens de lui acheter un portefeuille » dit Qin Chengxiu sortant de son emballage précieux une contrefaçon Louis Vuitton. « Avant on allait au restaurant mais aujourd’hui nous avons un enfant alors on reste à la maison. ». Les grands restaurants occidentaux, les cafés branchés et les hôtels luxueux ont leur programme pour la fête. Tous sont armés de l’incontournable champagne ou du vin rouge façon occident, de roses rouges et petits cadeaux en tout genre comme les photographies des amoureux en forme de cœur à garder dans son portefeuille.
Pourtant au–delà de l’idée de faire des affaires plane un désir nonchalant de vivre pleinement une belle romance. « Pour mes amies filles c’est un jour très important car elles sont très romantiques, peut-être plus que leur compagnon » explique Lily « elles ont toujours l’idée qu’elles vont trouver le prince charmant, et elles sont de plus en plus exigeantes ». Après le film Qing ren jie (fête de saint valentin) du réalisateur Jian Qi Huo qui met en scène une romance entre deux jeunes gens sur les traces de leur amour d’enfance, les programmes télévisés ne désemplissent pas de séries romantiques ou les garçons déclarent leur flamme à genoux ou courent les bras chargés de fleurs implorer le pardon de leur future épouse. « Il faut dire que plus il y a de fleurs, mieux c’est ! » estime la fleuriste.
Cet entrain pour la Saint Valentin concerne majoritairement les plus jeunes, plus friands de mode occidentale, coréenne ou japonaise que leurs ainés. « Mes parents ne fêtent pas la Saint Valentin, ils commencent à peine à savoir ce que c’est, à cause des publicités. Je crois qu’ils trouveraient ça ridicule pour eux-mêmes. ». Les restaurants typiquement chinois ne se sont pas encore mis à la page et les personnes âgées redoutent souvent une occidentalisation forcée de la jeunesse chinoise. Excepté peut-être ce buraliste pékinois quarantenaire, Zhuang li, qui a décidé d’offrir à sa femme neuf roses car le chiffre neuf en chinois se prononce comme le mot longtemps « on est marié depuis douze ans, et je trouve cela amusant de pouvoir être dans le coup. Et puis comme ça notre amour durera longtemps ».
Il faut dire qu’en Chine il existe déjà une sorte de Saint Valentin à la chinoise qu’on appelle du nom du jour et du mois où elle a lieu, le Qi qi (7,7) c’est-à-dire le septième jour du septième mois du calendrier lunaire . C’est l’histoire d’un jeune bouvier orphelin qui sur les conseils d’un buffle s’enfuit vers un lac où il vole les vêtements de la septième fée, fille du ciel et tisserande. Ils s’aiment, mais puisque la terre et le ciel doivent rester séparés, la reine mère, s’apercevant de la disparition de sa fille, vient arracher de force la tisserande au domaine humain pour la ramener au ciel. La Reine Mère céleste voyant que le bouvier tente de la rejoindre, tire une épingle de son chignon et trace un trait dans le ciel . C’est la naissance de la voie lactée. Désormais devenus deux étoiles séparées par l’infini du ciel, le bouvier et la tisserande ne peuvent se réunir qu’une fois par an , quand les étoiles seront au plus près grâce à un pont formé par les pies à travers le fleuve céleste…
Les nombreuses versions du Qiqi font que la fête n’est pas seulement associée à une fête amoureuse. Elle peut représenter la fête du tissage c’est-à-dire des travaux féminins ou l’éloge du travail et de fait, ne connait pas une grande ferveur du côté des amoureux. Tout au plus certains rituels continuent-ils d’exister dans les campagnes. A Taïwan par exemple, les jeunes filles sortent seules au temple prier et offrir une pagode en papier à la déesse tisserande pour implorer un mari.
Tout cela semble, peut-être, un peu loin de la nouvelle conception de la jeunesse chinoise du romantisme.