Confrontée au vieillissement de sa population, la Chine s’interroge sur la politique de l’enfant unique. Des représentants à l’Assemblée ont remis en question ce dogme, le débat a été repris par le très officiel Quotidien du Peuple

«Un groupe de législateurs fait pression pour assouplir la politique de planification familiale en Chine, faisant valoir qu’elle n’est plus adaptée à l’époque et cause des problèmes économiques et sociaux».
Cette entrée en matière dans un article du Quotidien du Peuple, le journal du Parti, vient montrer que la sacro-sainte loi sur l’enfant unique commence à être sérieusement remise en question au plus haut niveau de l’état chinois. Certes, il y a déjà quelques années que les démographes chinois sont alarmistes et cette politique a connu quelques assouplissements : les conjoints qui sont eux-mêmes enfants uniques ont désormais le droit d’avoir deux enfants. Aujourd’hui, des experts demandent ouvertement l’abolition de cette loi pour que tous les Chinois aient le droit de mettre au monde deux enfants.
Cette politique – un seul enfant en ville, deux à la campagne si le premier est une fille – appliquée depuis trente ans a donné des résultats spectaculaires. 400 millions de naissances ont été évitées et la fécondité moyenne des Chinoises est passée de 5,7 enfants à environ deux, selon les statistiques officielles. La Chine a ainsi accompli en une génération ce que les pays occidentaux ont réalisé en l’espace de 150 ans. Les conséquences sociologiques et économiques sont difficilement mesurables et les experts craignent surtout que le vieillissement de la population soit un obstacle majeur au développement économique dans un futur très proche. La Chine comptera un quart de personnes au-dessus de soixante ans en 2050, ils étaient déjà 8 % en 2008.
A Shanghai, les personnes âgées représentent déjà près d’un quart de la population. C’est pourquoi le gouvernement a lancé des campagnes pour exhorter les jeunes couples à faire deux enfants. Mais ce n’est pas gagné : les mentalités en changé et seulement 20 % de ces couples se déclarent prêts à avoir deux enfants.
Outre les problèmes liés au vieillissement dans un pays où le système des retraites est loin d’être généralisé, d’autres effets pervers inquiètent les spécialistes et les autorités, notamment la masculinisation de la société. Les statistiques montrent qu’en 1980, le ratio des naissances était de 107 garçons pour 100 filles, mais il a grimpé à 120 pour 100 aujourd’hui. Dans quelques années, ce sont environ 40 millions d’hommes qui ne trouveront pas d’épouse.
Ce qui n’apparaît pas dans ce débat officiel, c’est le tragique bilan humain, dénoncé depuis longtemps par quelques intellectuels courageux. Pour l’expert Yang Zhizhu, les violences faites aux femmes depuis 30 ans sont incommensurables. Il estime à environ 50 millions le nombre de foetus éliminés de force avant la naissance. Toujours selon lui, les comportements brutaux des agents du planning familial sont en diminution ces dernières années, mais pas vraiment par souci humanitaire : « Ces abus on diminué, d’une part parce que les gens font spontanément moins d’enfants et d’autre part parce qu’à travers tout le pays, les finances locales sont en difficulté : l’amende pour enfant hors quota est devenue une source non négligeable de revenus».
Une histoire de gros sous aussi donc, car toucher à la loi sur l’enfant unique, c’est mettre en péril le gagne-pain de dizaines de milliers de personnes. C’est ce qu’explique le journaliste Chen Bin dans un article publié en février 2009 sur le site Nanfang wang. Le grand recensement effectué en 2000 a conclu à un taux de fécondité de 1.2 en Chine, alors que la Commission du planning familial continue d’affirmer depuis un taux à 1.8. «La vraie raison, c’est que le taux de 1.8 correspond à sa raison d’exister» écrit-il. Et dans le débat d’aujourd’hui, la Commission continue effectivement de se battre contre tout amendement à la loi, avec des arguments parfois limites, comme cette déclaration de Zhao Baige, la vice-ministre de la «Population nationale et de la planification familiale de Chine: «Grâce à cette politique, il y a eu 400 millions de naissances en moins en Chine, ce qui a entraîné 18 millions de tonnes de moins d’émissions de CO2 chaque année».
Si personne ne peut contester que la Chine était surpeuplée et faisait trop d’enfants dans les années 70, les effets pervers d’une politique trop radicale sont déjà là et l’abolition de la loi interviendra de toute façon trop tard pour les corriger.
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