Huang Guangyu, parti de rien pour fonder Gome, géant chinois des appareils électriques, a été condamné pour corruption, délit d’initié et opérations de change illégales. Sa chute a entraîné celle de nombreux officiels.

Le fondateur de la plus importante chaîne de distribution d’appareils électriques de Chine a été condamné mardi à quatorze années de prison ferme. La deuxième cour intermédiaire du Peuple de Pékin, où le procès s’est déroulé le 23 avril, a rendu son verdict et jugé Huang Guangyu, fondateur de Gome, coupable de délit d’initié, d’opérations de change illégales et de corruption. Il devra par ailleurs payer une amende de 600 millions de yuans (69 millions d’euros) et se verra saisir 200 millions de yuans (23 millions d’euros) d’actifs. Les groupes Gome et Pengrun, une société spécialisée dans les investissements immobiliers, sont condamnés à payer respectivement 5 millions de yuans (576 000 euros) et 1,2 million de yuans (138 000 euros) d’amendes.
Le tycoon était un modèle de réussite dans la Chine d’après les réformes économiques, un de ces entrepreneurs dont le succès fulgurant inspire des livres placés en tête de gondole. Sa condamnation est également un retour de bâton exemplaire.
Parti de rien dans la province du Guangdong, Huang Guangyu a quitté l’école à 16 ans puis est monté à Pékin où il crée en 1987 Gome, une enseigne de vente d’électroménager et d’appareils audio et vidéo devenue une marque en 1993. Arrêté en novembre 2008, à 39 ans, il était alors classé première fortune de Chine par le magazine Hurun pour la troisième fois, avec un pécule estimé à 6,3 milliards de dollars.
Il avait tenté de se suicider 6 mois après son arrestation, selon la presse chinoise.
Huang est condamné pour son implication personnelle dans le versement de l’équivalent de 520 000 euros de pots-de-vin à plusieurs officiels entre 2006 et 2008, afin d’huiler les affaires de Gome et de Pengrun.
Il était également jugé pour avoir procédé à des opérations de change illégales à Hong Kong à hauteur de 800 millions de yuans (83 millions d’euros), changés directement auprès d’individus, parmi lesquels Lian Chao. Surnommé le « roi des jeux en haute mer », il est l’un des propriétaires du Neptune, un paquebot hongkongais transformé en casino lors de croisières en eaux internationales au cours desquelles le fondateur de Gome se faisait des amis politiciens. Il a lui-même été arrêté dans une affaire de blanchiment d’argent en lien avec les fonds de Huang.
Le milliardaire était enfin accusé de délit d’initié pour avoir gagné plus de 309 millions de yuans (36 millions d’euros) en réinvestissant dans un groupe côté à la bourse de Shenzhen et dont la restructuration, décidée par ses soins en tant qu’actionnaire majoritare, allait faire grimper le cours des actions.
La chute du richissime fondateur de Gome aura entraîné celle de nombreux officiels, dont Xu Zongheng, maire de la jeune métropole de Shenzhen, aux portes de Hong Kong.
Dans une note de l’Institut d’Asie du Nord Est de l’Université nationale de Singapour, Chen Gang et Zhu Jinjing remarquent que l’affaire du fondateur de Gome a mis en cause de multiples officiels, non seulement au sein du gouvernement central, dans des ministères tels que ceux de la sécurité publique ou du commerce, mais aussi d’importants responsables à l’échelon local.
Les deux chercheurs soulignent que les factions rivales usent régulièrement de « guerres contre la corruption » pour affaiblir leurs concurrents politiques et leurs soutiens économiques et ainsi gagner du terrain au sein du Parti communiste. Ils constatent : « un certain nombre d’officiels importants qui sont cantonnais et ont des liens de longue date avec Huang, un Cantonnais lui-même, ont été démis de leurs fonctions dans ce qui ressemble à un remaniement qui a affaibli la faction cantonnaise au sein de la bureaucratie ».
Les Cantonnais ne sont toutefois pas les seuls à tomber ces derniers temps. Le 29 mars dernier, alors qu’une cour de Shanghai condamnait quatre employés du groupe minier australien Rio Tinto à des peines de 7 à 14 ans de prison ferme pour vol de secrets commerciaux et corruption, le premier ministre Wen Jiabao appelait à accélérer la lutte contre la corruption dans le monde des affaires. Après 30 années d’ouverture qui ont souvent mené à la collusion entre nouveaux entrepreneurs et responsables politiques, le Parti semble vouloir montrer qu’il faudra désormais s’imposer certaines règles de conduite.
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