Dans l’affaire du limogeage de Bo Xilai et de l’enquête pour meurtre de sa femme Gu Kailai, la figure la plus mystérieuse reste bien l’architecte français Patrick Henri Devilliers. Traduction d’un article du New York Times.

Quand Bo Xilai a fait reconstruire la ville de Dalian dans les années 90, Patrick Devilliers, qui était marié à l’époque avec une femme issue d’une famille locale très influente, lui a donné des conseils d’urbanisme.
Dans les années 2000, Monsieur Devilliers était le partenaire de Gu Kailai, la femme de Bo Xilai, au sein d’une société chargée de sélectionner des architectes européens pour la réalisation de projets en Chine qu’elle avait monté en Grand Bretagne.
Histoire de rajouter du piment à cette intrigue, ils ont alors donné la même adresse : un appartement à Bournemouth, sur la côte sud-est de l’Angleterre.
Lorsque Monsieur Devilliers et son père ont ouvert une société immobilière au Luxembourg en 2006 chargée de gérer un patrimoine immobilier d’une valeur de plusieurs dizaines de millions de dollars, l’adresse que Monsieur Devilliers a inscrite alors sur les documents d’enregistrement était, là encore, la même que celle du cabinet d’avocat de Madame Gu.
Ces différentes connections ont amené les médias internationaux à se passionner pour le cas de Monsieur Devilliers, les journalistes se bâtant pour le retrouver, à travers la Chine et l’Europe. En vain. Même son apparence demeure un mystère, aucune photo de lui n’étant sortie sur Internet.
Mais récemment, une nuit, à Phnom Penh, l’homme a ouvert à contrecoeur la porte d’entrée de sa maison. Et c’est une homme bien différent de l’image qu’on se faisait de lui qui est apparu.
Patrick Devilliers, 51 ans, a des cheveux gris et des épaules voutées. Sourire ironique aux lèvres, l’homme a un comportement calme qui provient probablement de ses années d’études du taoïsme.
L’architecte a refusé de répondre aux questions dans sa modeste maison, un monument colonial à deux étages très peu décoré datant de l’époque Khmer. Après des e-mails échangés suite à cette visite, Patrick Devilliers a accepté mercredi soir tard qu’un commentaire lui soit attribué, issu du célèbre Tao Teking.
Avec cette citation, Patrick Devilliers a voulu montrer le mépris avec lequel il considère l’attention que lui ont porté les médias, démentir avoir fait du blanchiment d’argent en Chine et être impliqué dans de mauvaises actions. Il a également manifesté son espoir que le monde extérieur le laisse tranquille.
« Je suis tombé sur cette citation issue du Tao Teking de Laozi qui, pour moi, résume bien le sujet. « Ne vous opposez pas à l’enfer, il disparaitra de lui-même ». « Je pense que cet enseignement est plein de sagesse et j’espère vraiment que les faits lui donneront raison ».
Patrick Devilliers se retrouve, contre son gré, au centre de l’attention internationale pour être l’un des deux occidental à avoir été l’un des proches associés de Madame Gu, aujourd’hui suspecté du meurtre de l’homme d’affaires anglais Neil Heywood. Devilliers n’a, de son côté, pas été accusé par les autorités chinoises de faute professionnelle.
Au final, « Adad », la compagnie qu’il a monté avec elle en Grande Bretagne dans les années 2000, n’aura duré que trois ans et fait peu de business.
Gilles Hall, un cadre qui a travaillé avec Patrick Devilliers et Gu Kailai en Grande Bretagne, a décrit Devilliers comme « un être charmant et enthousiaste » qui a prêté à une époque son appartement de Pékin à la famille Hall et qui était le « négociateur » de Gu Kailai.
En mars 2006, Patrick Devilliers et son père Michel Devilliers ont monté conjointement une holding au Luxembourg, D2 Properties, l’alimentant avec des capitaux provenant de leurs activités dans l’immobilier.
Cette transaction a alimenté les spéculations supposant que D2 Properties aurait été utilisé pour aider Gu Kailai et d’autres personnalités en Chine, a faire sortir de l’argent de Chine sans passer par les contrôles chinois très rigoureux de capitaux.
Michel Devilliers, dans une interview donnée dans sa maison de Rainans, en France, a cependant dit des choses assez contradictoires au sujet de D2 Properties. Il a expliqué que son fils avait monté cette société avec l’intention de vendre des biens immobiliers à des investisseurs chinois. Michel Devilliers a également dit que Patrick était incapable de mener à bien des projets d’affaires. « Il est très mauvais en affaire » a dit Michel Devilliers. « C’est un artiste ».
Michel Devilliers a expliqué que son fils aurait peut-être eu des relations sexuelles avec Gu Kailai et qu’elle aurait peut-être voulu utiliser Patrick Devilliers pour mener à bien ses projets financiers. Michel Devilliers a décrit son fils comme un dandy globe trotter qui ne passait la tête en France qu’une fois toutes les quelques années et qui ne lui avait même pas dit où il vivait.
Patrick Devilliers a eu, au fil des ans, plusieurs relations amoureuses, parmi lesquelles une avec une femme de Dalian qu’il a épousé et dont il a divorcé mais d’après un ami qui a accepté de parler sous condition d’anonymat parce qu’il ne veut pas être mêlé à cette controverse, il n’aurait jamais fait allusion à une romance avec Gu Kailai.
Bien que les lois relatives au secret au Luxembourg rendent très difficile de suivre surveiller les activités financières de Devilliers, il n’existe aucune trace prouvant que de l’argent chinois serait entré dans D2 Properties ou dans l’autre compagnie de Michel Devilliers Rainans Investissements.
Michel Devilliers achète et vend des biens immobiliers depuis des décennies. D’après un ami, il aurait quitté la Chine fin 2005 parce que son père avait de sérieux problèmes au coeur. Il vit depuis au Cambodge, plus ou moins en continu depuis 6 ans.
En plus de la maison qu’il loue à Phnom Penh, Monsieur Devilliers a acheté un petit morceau de terre à Kep en 2009, un village situé au bord de la mer à 3 heures de voiture vers le sud.
La maison est dans les terres sur une route sale chauffée au soleil, en face d’une petite ferme. Monsieur Devilliers qui a gardé un vieux pickup Toyota à Phnom Penh, se déplace sur l’île avec un vélo électrique chinois.
« Il n’est ni escroc, ni businessman de l’ombre. Il est plutôt poète », précise un de ses amis.
Lire cet article sur le site du New York Times
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Compliqué votre histoire ! Du fric, du sexe, de l’exotisme, de la politique !
J’ai bien lu jusqu’au bout mais j’ai toujours pas compris si quelqu’un avait acheté le pain.
Tant pis on mangera des biscottes.
C’est pas ça ?