Alors que certains espèrent que la disparition du « Cher Dirigeant » fasse évoluer la situation du pays, Pékin réaffirme son soutien au régime et protège son pré-carré diplomatique. Avec rue89.

Il est parfois des amis encombrants : la Corée du nord de Kim Jong-il était de ceux-là pour la Chine.
Mais à un moment délicat, un ami reste un ami, et la Chine a voulu montrer mardi qu’elle se place résolument au côté du régime nord-coréen : un soutien en guise d’avertissement à ceux qui, à commencer par les Américains, auraient la tentation de profiter de la disparition du « cher leader » nord-coréen pour précipiter un changement de pouvoir à Pyong Yang.
C’est le message sans ambigüité de cette Une du quotidien anglophone officiel China Daily, qui titre mardi « A friend’s departure », « un ami s’en va »…
Le China Daily est publié en direction des lecteurs étrangers, et en particulier diplomates. C’est donc ce message que les dirigeants chinois veulent faire passer au reste du monde : « touche pas à ma Corée du nord ».
Agacement mais soutien
En privé, depuis plus d’une décennie, les dirigeants chinois n’avaient guère d’estime pour les « camarades » nord-coréens, incapables de comprendre la voie chinoise vers le socialisme, c’est-à-dire un capitalisme autoritaire, préférant celle, plus hasardeuse, de l’isolement économique, de la militarisation à outrance avec l’arme nucléaire, et de la tension régionale permanente.
Mais pour des raisons géopolitiques, Pékin n’a jamais lâché Pyong Yang, et a apporté, au contraire, le soutien économique, énergétique et militaire indispensable à la survie du régime.
Il suffit de voir la file de camions de ravitaillement qui attend chaque jour l’ouverture du « pont de l’amitié », la frontière terrestre entre les deux pays, à Dandong, où l’on peut toujours contempler les ruines de l’ancien pont détruit par les Américains lors de la guerre de Corée au début des années 50. L’armée chinoise a participé à cette guerre au coté de la Corée du nord, et le fils de Mao Zedong y a même trouvé la mort.
Aujourd’hui, avec la disparition de Kim Jong-il, « un proche ami de la Chine », selon le communiqué officiel de condoléances publié à Pékin par toutes les instances dirigeantes, étatiques, politiques et militaires, ce soutien est réaffirmé avec force.
Pas question de fragiliser le régime nord-coréen à l’heure où le fils ainé de Kim Jong-il se retrouve propulsé à la tête d’un Etat nucléarisé, épicentre du dernier grand « front » de guerre froide au monde.
Le cauchemar de Pékin serait un effondrement du régime nord-coréen à la manière de celui de l’Allemagne de l’Est après la chute du mur en 1989, précipitant la réunification à marche forcée des deux Corée comme celle des deux Allemagne en 1990.
« Modèle allemand »
Ce « modèle allemand » est dans toutes les têtes depuis les années 90. Dès 1991 j’ai assisté à l’Université de Séoul à une grande conférence pour étudier ce qui s’était produit en Allemagne sous tous les angles : humain, économique, stratégique…
Ce scénario est la hantise de Pékin car il pourrait :
précipiter un afflux de réfugiés nord-coréens en territoire chinois, au-delà du petit flot de réfugiés qui, chaque année, parvient à traverser les eaux gelées du fleuve Yalu pour tenter de gagner la Corée du sud via la Chine. Dès lundi, à l’annonce de la mort de Kim Jong-il, Pékin a envoyé des troupes renforcer le contrôle de cette frontière dans le nord-est de la Chine.
Une Corée réunifiée pourrait amener les troupes américaines stationnées avec des armes nucléaires en Corée du sud jusqu’à la frontière chinoise, tout comme l’ex-RDA s’est trouvée intégrée dans l’Otan à la réunification allemande et a amené l’Alliance atlantique un peu plus près de l’URSS de l’époque.
La Chine s’estime « encerclée » par les Etats-Unis, avec des troupes ou une influence américaine forte chez tous les voisins de la République populaire : troupes en Corée du Sud, au Japon, aux Philippines ; influence croissante au Vietnam, en Asie centrale, en Mongolie… La Corée du nord, dans une telle vision de la région, reste un rempart à l’extension de l’influence américaine.
Pour Pékin, le scénario idéal est une transformation graduelle de la Corée du nord en une « autre Chine », c’est-à-dire un pays moins agressif, s’ouvrant économiquement, où la Chine pourrait investir sans crainte et même délocaliser certaines de ses productions en recourant à une main d’oeuvre plus aisément corvéable que celle de la Chine aujourd’hui.
Ce scénario n’a pas été possible avec Kim Jong-il qui, malgré plusieurs voyages d’étude en Chine, où les réussites du néo-capitalisme chinois lui ont plusieurs fois été présentées dans l’espoir de le « convertir », n’a que peu ouvert son pays ermite. Regardez ce documentaire très propagande années 50 sur la visite de Kim Jong-il en Chine l’été dernier (allez directement à 1’11)
Le changement graduel souhaité par Pékin sera-t-il possible avec Kim Jong-un ? Difficile de avoir à ce stade si le troisième membre de la dynastie Kim à accéder au pouvoir sera cet homme, ou si un général couvert de médailles ne serait pas plus apte à diriger cette puissance nucléaire ruinée.
Toujours est-il que la Chine se pose en « parrain » du pouvoir nord-coréen, et que les Etats-Unis sont prévenus de ne pas se mêler de ce qui se passe ou pourrait se passer à Pyong Yang, sous peine de devoir trouver la Chine sur son chemin. C’est ce que signifie ce « départ d’un ami » qui barre la première page du China daily.
Revivre le Direct d’Aujourd’hui la Corée sur la mort de Kim-Jong-Il
Kim Il-sung se receuille sur la dépouille de son père
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Il me semble que vous n’allez pas au bout du raisonnement: le nouveau « leader suprême » ne sera-t’il pas une marionnette dans les mains du parti militaro-industriel?
Une légitimité apparente enfin obtenue après la vraisemblable incapacité d’un sosie de Kim Jong Il et la certaine incrédibilité du trop vert Kim Jong Un, pourrait ouvrir la voie d’une agression sur le Sud, conventionnelle bien sûr. Je vois mal dans ce cas la Chine, pas plus que les Etats Unis, s’engager pour une nouvelle et horrible guerre de Corée. Cf. linconnudetiananmen.typepad.fr
linconnudetiananmen