L’explosion la plus meurtrière depuis 2 ans dans une mine en Chine a fait au moins 104 victimes. Les autorités estiment que les contrôles des risques ont manqué et les familles, qui disent manquer d’informations, demandent des comptes

Les familles des mineurs victimes d’un coup de grisou dans une mine du nord-est de la Chine sont en colère et demandent des comptes: le bilan s’est alourdi à 104 morts et l’espoir de retrouver des survivants est très mince. Lundi, à Hegang, dans la province du Heilongjiang, près de la frontière russe, les autorités devaient faire face au désespoir et à l’ire des proches des victimes, plus de 48 heures après le plus grave accident minier depuis près de deux ans.
Devant l’un des bureaux principaux de la mine de Xingxing appartenant au groupe public Longmai, l’une des grandes et plus anciennes du pays avec une production de 1,45 million de tonnes par an, un groupe de femmes attendait des nouvelles dans un froid glacial, criant et pleurant. « Je n’ai aucune nouvelle de mon mari, il a 42 ans, je n’en ai que 40 », a expliqué l’une d’elle, totalement perdue. Une autre s’est aussi plainte de n’avoir reçu aucune information au sujet de son frère qui se trouvait dans la mine. Les deux femmes, qui ont refusé de donner leurs noms, ont ensuite été accompagnées à l’intérieur des bureaux.
Ensuite, des dizaines de personnes se sont rassemblées apparemment pour manifester leur colère, mais la police a bouclé la zone et empêché les journalistes de s’approcher. Zhang Jinguang, porte-parole de la mine, a affirmé que cela n’avait rien à voir avec la catastrophe.
Selon le China Daily, chaque famille va recevoir au moins 250.000 yuans (24.600 euros) de compensation, soit 25% de plus que normalement. Une aide psychologique a été mise en place pour assister les familles, a assuré Zhang.
« Cet accident est clairement lié à un manque de responsabilité »
Selon les premiers éléments de l’enquête, la responsabilité des responsables de la mine est engagée. « Le système de responsabilité pour la sécurité de la mine n’a pas marché, il n’y avait pas assez de contrôle des risques potentiels », a déclaré à la télévision nationale CCTV Luo Lin, directeur de l’Administration d’Etat pour la sécurité au travail. « Cet accident est clairement lié à un manque de responsabilité », a-t-il souligné. Une enquête a été ouverte pour déterminer s’il n’y avait pas eu collusion entre les autorités de la mine et des responsables locaux pour ne pas appliquer les règles de sécurité. Le numéro un, le numéro deux et l’ingénieur en chef de la mine ont été démis de leurs fonctions, selon les médias officiels chinois.
D’une des entrées de la mine sortait lundi encore de la fumée, alors que les équipes de secouristes étaient à la recherche des quatre derniers mineurs portés disparus après en avoir récupéré 12 corps. L’explosion de samedi est survenue alors que 528 mineurs étaient au fond du puits, mais 420 ont pu remonter, grâce à la détection de niveaux anormalement élevés de gaz, une cinquantaine de minutes avant l’explosion. Lors d’une réunion dimanche, le gouverneur de la province, Li Zhanshu, a estimé que si « le développement est la priorité numéro un, il ne peut se faire au prix du sang et de la vie des employés ».
L’hiver est une période à haut risque dans les mines, qui tournent à plein régime car la Chine dépend essentiellement du charbon pour nourrir sa croissance et chauffer ses habitants. Depuis plusieurs années, le pays s’est engagé dans une restructuration du secteur minier pour fermer des milliers de petites mines, où se produisent la majorité des accidents. Les mines chinoises de charbon sont parmi les plus dangereuses au monde. Plus de 3.200 mineurs y sont morts l’an dernier, selon des statistiques officielles généralement jugées très sous-estimées.
« Je ne peux pas avoir peur, je dois gagner de l’argent pour survivre »
Si le métier est à haut risque, c’est pour beaucoup de mineurs le prix à payer pour survivre financièrement. « Le travail n’est pas sûr, dangereux, regardez ce qui s’est passé, mais le salaire est plus élevé qu’ailleurs », a expliqué Gao Shujun, 31 ans, petit et trapu, sous perfusion dans une chambre d’un hôpital de Hegang, où l’a envoyé l’accident.
Dans la mine, ce célibataire gagne jusqu’à 2.000 yuans (200 euros) par mois en travaillant plus de dix heures par jour. Avant 2002, il avait eu tout un tas de petits emplois, dont cuisinier. Mais rien ne lui a donné autant de stabilité que son poste à la mine d’Etat. « Je n’aime pas ce travail, mais je n’ai pas fait d’études, voilà le résultat », ajoute-t-il, fataliste et encore sous le choc après le coup de grisou qui a failli le tuer.
Il en a réchappé. Il se souvient juste qu’il tentait de s’échapper avec des collègues avant de se retrouver à l’hôpital, blessé à l’abdomen, à une jambe et à une main. L’un de ses amis et anciens camarades de classe n’a pas eu la même chance. Il est l’un des 104 morts emportés par le coup de grisou de samedi matin. Mais, affirme Gao, il n’a pas peur et retournera au fond. « Je ne peux pas avoir peur, je dois gagner de l’argent pour survivre », explique-t-il, alors qu’une infirmière change sa sonde.
Sur le lit voisin, Zhang Ping’an, les yeux injectés de sang après l’explosion, est veillé par sa femme Huang Qinyun. Agés tous deux d’une trentaine d’années, ils ont un fils de huit ans. C’est elle qui parle à sa place car il a du mal à s’exprimer. Pour elle, la vie des sept millions de mineurs en Chine est « très dure ». « Il se lève à 05h du matin et certains soirs ne revient qu’à minuit », témoigne-t-elle. Ils travaillent plus et les heures supplémentaires les conduisent parfois à passer près de 20 heures à extraire du charbon, principale source d’énergie de la Chine.
Article mis à jour lundi 23 novembre à 18h37 en Chine (11h37 en France)
