Les jeux Olympiques ont accéléré l’installation à Pékin de restaurants occidentaux de haut niveau, dans une capitale dominée par les cuisines régionales chinoises et le canard laqué, mais leur avenir économique reste incertain malgré l’existence d’une clientèle fortunée.

Ouverts au compte-goutte depuis deux ans, ces restaurants peinent souvent à remplir leurs salles.
« Chez moi c’est loin d’être plein, et c’est pour tout le monde pareil », confie Guillaume Galliot, chef à 27 ans du Jaan. « On n’est pas à Shanghai ou à Singapour. A Pékin, les gens ne sont pas prêts » pour ce type de cuisine et ces prix, juge le cuisinier qui importe le gros de ses produits, jusqu’à l’ail rose de Lautrec (sud-ouest de la France).
« L’argent est là. Mais beaucoup de Pékinois vont préférer un restaurant chinois, même cher, plutôt que payer mille yuans (près de 100 euros) pour un repas français », estime-t-il.
« Après le coup d’accélérateur en vue des JO, pour rattraper le niveau d’autres capitales, il n’y aura plus de nouvelles ouvertures pendant un moment », prévoit le Français, estimant qu’il faudra au moins deux ans pour que la gastronomie de haut niveau décolle.
Au Pré Lenôtre, le chef Frédéric Meynard est plus optimiste. En milieu de semaine, sa salle à manger est remplie aux deux tiers, dont une majorité de Chinois.
« On s’est créé une clientèle de réguliers. A Pékin, il y a beaucoup de potentiel, donc de la place » pour plusieurs établissements de haut vol, estime le Périgourdin, qui prépare un foie gras frais aux citrons confits, rhubarbe, champignons shiitaké et émulsion de citronnelle.
Mais il reconnaît, comme ses confrères proposant ce type de gastronomie, que le cérémonial d’un menu dégustation à la française est souvent déroutant pour la clientèle locale. En Chine, les plats arrivent très vite, souvent en même temps et sont placés au milieu de la table pour être partagés par les convives.
Alors les mises en bouche, qui n’ont pas été commandées, la succession des plats individuels, les couverts en abondance, les plats clochés, le fait de débarrasser toutes les assiettes en même temps, le pain et les produits importés: tout tranche avec un repas chinois.
Dans le nouveau restaurant de Daniel Boulud, star française de la gastronomie new-yorkaise, ouvert début juillet à deux pas de la place Tiananmen, le service promet de s’adapter.
« On propose de la gastronomie française. Maintenant si un client veut être servi à la chinoise, on s’arrange. On a prévu de la vaisselle et des plateaux pour pouvoir le faire », dit son directeur Ignace Lecleir.
Et comme aux Etats-Unis, ce n’est pas parce que la cuisine est raffinée que le service doit ête guindé. « Si le client réclame du ketchup ou du tabasco, on lui apporte tout de suite ».
Pour Jim Boyce, auteur de blogs sur le vin et la vie nocturne dans la capitale chinoise, plusieurs des nouveaux restaurants gastronomiques ne survivront pas aux JO, notamment ceux qui « arrivent avec des modèles calqués sur Londres, New York ou Shanghai, et qui n’ont rien compris à Pékin ».
« Les Pékinois ont un palais sophistiqué. Mais ils ne vont pas forcément accrocher, pour des raisons culturelles », assure le Canadien qui dénonce l’arrogance de certains Occidentaux, convaincus qu’il faut « éduquer » les consommateurs chinois.
Mais en attendant que la sauce prenne, les JO auront déjà permis de projeter Pékin bien loin de l’époque, il y a seulement cinq ans, où « le repas le plus sophistiqué se résumait à quelques raviolis facturés au prix fort », selon le guide des sorties Beijing Time Out.
