Lors d’un entretien exclusif accordé à Aujourd’hui la chine, l’ancien Ministre de la Coopération a jugé l’attitude du Maire de Paris irresponsable pour les relations franco –chinoises.

Chef de Service à l’Hôpital Cochin, le Professeur Bernard Debré est depuis 2002 Chef de Service associé et co-fondateur du service d’urologie de l’Hôpital Est de Shanghai où il se rend plusieurs fois par an avec ses équipes. Une collaboration franco-chinoise concrète et réussie pour ces «petits docteurs des pauvres» avec un seul mot d’ordre : «aider ceux qui en ont besoin et faire rayonner la médecine Française».
Comment a commencé votre coopération avec l’Hôpital Est de Shanghai ?
En 2002, j’ai commencé par faire des démonstrations opératoires dans les salles du bas, j’ai ensuite envoyé mes assistants et c’est là que l’on m’a demandé si j’accepterais d’être professeur associé puis chef de service associé. J’ai accepté et nous nous sommes partagé le service avec le Professeur Chum. J’ai également financé avec ma fondation tout l’équipement nécessaire à la création du service d’urologie (matériel lourd, matériel chirurgical moderne, médicaments…) et les Chinois ont construit en un temps record de 8 mois le 7 ème étage de l’hôpital, un service magnifique inauguré par Xavier Bertrand alors Ministre de la Santé et Christine Lagarde Ministre du Commerce Extérieur. Aujourd’hui, 80 personnes par mois sont opérées dans le service. Nous envoyons tous les mois une équipe de mon service de l’hôpital Cochin (chirurgien, anesthésiste, infirmières) qui reste une semaine à Shanghai et depuis cinq ans ces équipes tournent. Dans le même temps j’ai accueilli dans mon service pendant 4 ans le docteur Mao Kaili et une infirmière pendant 2 ans. Nous les avons formés à la langue française mais aussi aux technologies nouvelles et techniques du matériel français. Parallèlement, nous avons développé l’enseignement à l’Université de Tongji où nous faisons périodiquement des cours en anglais traduit mais de plus en plus en français. Enfin, je reçois régulièrement à Paris les responsables de la santé et les médecins chinois afin d’entretenir cette cohésion. J’ai fait nommer le Professeur Liu, Directeur de l’Hôpital Est de Shanghai, professeur associé à Paris dans un service de chirurgie cardiaque à l’hôpital Georges Pompidou et il vient régulièrement en France pour donner des cours et participer au jury de thèse. C’est un partenariat tout à fait exceptionnel, il n’y a pas d’équivalent.
Vous êtes aussi très populaire en dehors de Shanghai…
Nous allons très régulièrement dans les « petites villes » de province (entre 3 et 5 millions d’habitants) faire des consultations gratuites, des consultations de masse annoncées par les journaux, la télévision et des affiches. En une journée, avec mes équipes et des interprètes nous consultons entre 250 et 500 personnes et souvent la police est là pour faire respecter les filles d’attentes ! Nous sommes les petits médecins des pauvres dans un pays très riche où la richesse n’est pas partagée comme elle peut l’être en France. Nous faisons cela bien entendu bénévolement et prenons tous nos frais en charge.
Parlez-nous de votre action au Sichuan
L’an dernier, lors du tremblement de terre, j’ai envoyé immédiatement sur place les équipes de l’hôpital de Shanghai et nous les avons rejoint quelques jours après avec deux chirurgiens, deux infirmières et une anesthésiste. Nous sommes restés dans le Sichuan et avons fait un très gros boulot. Les Chinois sont très attentifs à cela et si nous retournons au Sichuan cette semaine c’est parce qu’ils veulent nous remercier de notre action, de l’argent que nous avons donné (plusieurs dizaines de milliers d’euros) et également du matériel que j’ai apporté cette fois – ci (pour une valeur de 100000 euros), matériel offert à l’Hôpital Est pour les hôpitaux de Chengdu car les petits dispensaires situés sur la zone du seïsme n’ont pas besoin de ces matériels sophistiqués.
Ce déplacement n’était pas prévu dans votre agenda, serait-ce une opération de relations publiques permettant de réchauffer les liens franco-chinois ?
Il y a inconstestablement des hauts et des bas dans les liens franco-chinois ou sino-français avec le problème de l’ombre du dalaï lama sur ces relations. Le fait que Delanoë, le Maire de Paris, va recevoir et va même instituer le Dalai Lama comme citoyen d’honneur de Paris est une provocation pure et simple parce que c’est un acte contre la Chine et non pas pour le dalaï lama. Il faudrait savoir ce que l’on veut : ou l’on veut développer les échanges commerciaux, l’amitié entre les dirigeants, les intellectuels, les cadres diplômés entre la France et la Chine, à ce moment là on prend un certain nombre de précautions ou on considère que la Chine n’a pas d’importance dans le monde actuel – ce qui serait une énorme bêtise – et on peut faire effectivement ce que l’on veut avec le dalaï lama. Bien entendu cela ne fera pas avancer les affaires de la Chine, ni les affaires du Tibet, ni les affaires du Dalai Lama parce que ce dernier n’attend pas d’être citoyen d’honneur de Paris pour faire ce qu’il fait ! C’est une provocation qui a deux sens : une provocation contre le gouvernement Français, une façon irréfléchie et dangereuse de savonner la planche des relations franco-chinoise et puis c’est l’espèce d’habitude un peu tiers-mondiste gauchiste mielleuse de Delanoë. Ce tiers-mondisme, ce gauchisme qui ne coûte pas cher et qui consiste, sans sortir de Saint Germain des Prés, à prendre fait et cause pour tous les drames dans le monde sans évidemment y mettre le doigt ni y tremper la main parce que ça pourrait salir, être dangereux et qui malheureusement a parfois des conséquences importantes. Alors en effet je vais jouer un peu les pompiers en montrant que la France a besoin de la Chine pour le commerce, pour l’équilibre du monde, n’oublions pas que la Chine a une influence extraordinaire en Corée du Nord, au Laos, au Vietnam, au Cambodge et, on a tendance à l’oublier, possède des frontières communes avec l’Afghanistan. Alors titiller la Chine sur son amour – propre peut avoir des conséquences sur toutes les zones de la planète et je trouve ça irresponsable. À mon niveau, qui est plus important qu’on ne le croit, je suis parlementaire français, je porte le nom que je porte ce qui est aussi important pour les Chinois, j’essaye de montrer que l’on peut avoir à travers la médecine, la recherche, l’humanisme, des rapports qui sont décomplexés par rapport aux contingences politiques. Il faut regarder devant et agir.