Un Américain dont « l’enquête » avait frappé le monde entier a reconnu avoir inventé une partie de son témoignage. Embarras du côté des médias, les ONG appellent à ne pas relâcher la pression sur Apple.

« Les outils du théâtre ne sont pas ceux du journalisme ». Mike Daisey a soigneusement évité le mot « mensonge », mais a reconnu qu’une partie de son témoignage sur les conditions de travail chez Foxconn avait été inventée.
Dans un monologue qui a fait sensation à New-York, The Agony and the Ecstasy of Steve Jobs, cet acteur américain explique comment il a campé plusieurs jours devant les grilles du sous-traitant d’Apple, pour constater de lui même quel était le coût humain de la fabrication des iPhones et autre iPads.
En plus de sa pièce, il avait fait la tournée des médias pour parler de son expérience, présentée comme une enquête de terrain dans une dizaine d’usines chinoises. Daisey avait été cité partout – par Associated Press, notamment -, avait signé une colonne dans le New York Times, et surtout fait un passage retentissant dans la très respectée émission « This American Life », de la radio publique américaine.
L’écho donné à ses propos avait largement participé à la fronde des consommateurs contre Apple, qui avait dû prendre des mesures (dont l’augmentation des salaires de 25%) et diligenter des enquêtes sur les conditions de travail chez ses partenaires en Chine, pour éviter le lynchage médiatique.
Pas de gardes armés, pas d’enfants brûlés
« Quel âge as-tu ? « J’ai treize ans », me répond-elle. Treize ? C’est jeune. Est-il difficile d’être embauché par Foxconn lorsque tu — et elle dit « oh, non. » Tous ses amis acquiescent, ils ne vérifient pas vraiment l’âge. Je vous le dis… pendant les deux premières heures du premier jour que j’ai passé devant les grilles, j’ai rencontré des ouvriers de 14, 13, 12 ans. Pensez-vous vraiment qu’Apple ne le sait pas ? »
Ce passage de son monologue, Mike Daisey reconnaît l’avoir totalement inventé. Tout comme celui sur les gardes armés postés sur des miradors.
C’est un journaliste américain, correspondant à Shanghai de MarketPlace (autre émission de la radio publique), qui a découvert le pot-aux-roses en retrouvant l’interprète chinois que l’acteur avait embauché lors de son « enquête » en Chine.
Selon lui, il n’aurait pas visité « une dizaine » d’usines, mais seulement trois, la plupart des scènes évoquées auraient été déformées, exagérées voire inventées. Daisey n’a vu ni d’enfant exposés à des substances dangereuses et ni de gardes armés.
Pire, l’acteur aurait fait en sorte de brouiller les pistes des médias voulant vérifier son témoignage, en déclarant avoir « perdu la trace » de ce traducteur.
Désolé, mais fier
Mike Daisey, qui s’était attaqué auparavant à Wal-Mart, ou à la démocratie dans l’après 11 septembre s’estime toujours « fier que son travail ait attiré l’attention sur les conditions parfois épouvantables dans lesquelles travaillent ceux qui fabriquent en Chine ces produits de haute technologie que nous aimons tant ».
Abrité derrière sa licence théâtrale, il s’excuse d’avoir relaté son enquête dans « This American Life », et de l’avoir présenté comme un travail journalistique. Pour Ira Glass, producteur de l’émission, les conséquences sont graves en terme de crédibilité : « Nous avons diffusé une histoire qui n’est pas vraie (…) C’est la première fois que ça arrive. (…) Nous n’aurions jamais dû diffuser cette émission« , explique-t-il.
Le New York Times a pour sa part amendé l’un de ses articles d’un paragraphe relatant les propos de Daisey, sur son site internet. Mais le quotidien américain ne revient pas sur la dénonciation des conditions de travail chez Foxconn, pas plus que le Times. Les deux journaux avaient publié de longues enquêtes sur le coût humain de la fabrication des iPads, qui faisaient état des conditions de travail déplorables chez Foxconn, qui ont abouti à des suicides ou à des accidents du travail parfois mortels.
Même si les résultats de l’enquête indépendante commandé par Apple dans les usines chinoises devraient être connues dans les semaines à venir, l’efficace fronde médiatique semble tourner au fiasco. Des ONG de défense des droits des travailleurs ont certes publié un communiqué indiquant que malgré le scandale les conditions dans les usines n’avaient pas changé, mais c’est tout le mouvement qui pourrait être décrédibilisé.
Mike Daisy, lui, a retiré de sa pièce certains passages contestés, et continue de faire salle comble aux Etats-Unis.
Pollution, Conditions de travail, succès monstre et batailles juridiques, retrouvez l’actualité d’Apple en Chine
Comment l’Etat Japonais a trahit les travailleurs de Fukushima
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certains médias démagogiques et opportunistes pratiquent l’approximation « utile » ou le bidonnage idéologique.
Recemment sur une grande radio française, j’ai entendu l’annonce d’une manif au Japon pour protester contre « Fukushima qui avait fait 19000 morts ». Dans 10 ans ce sera acquis; et alors les sceptiques seront taxés de révisionnisme.
Tres bonne comparaison…