Pékin a annoncé officiellement le remplacement du populaire Chef du Parti de Chongqing. Une déchéance attendue mais regrettée par le web chinois.

Weibo avait vu juste. Depuis l’affaire Wang Lijun, les internautes chinois commentent les photos, décryptent les dépêches, analysent mot à mot les discours pour conforter leur certitude : c’en est fini de Bo Xilai.
Ce jeudi, à 10h, Xinhua leur a donné raison. L’agence officielle annonce que Bo Xilai a été remplacé à la tête du Parti de Chongqing par Zhang Dejiang, actuel vice-premier ministre. La dépêche est courte, sans détails, si ce n’est que la décision aurait été prise il y a plusieurs jours.
Depuis, les réseaux sociaux chinois sont en surchauffe, et commentent la fin d’un de leurs feuilleton favori.
Il était un fois à Chongqing
Si la chute de Bo Xilai fait autant parler d’elle, c’est qu’il avait fait du public un des instruments de sa montée en puissance. Fils d’un « immortel » du Parti connu pour avoir été le bras droit de Mao, il se fait remarquer par sa bonne gestion du Liaoning, puis en tant ministre du commerce. L’homme a du style, du charisme, un air de Kennedy chinois : enfin un homme politique dont les médias aiment parler.
En 2007, il est bombardé chef du Parti de Chongqing. Promotion ou exil forcé de Pékin, peu importe, il veut faire de la gigantesque municipalité du centre son tremplin vers de plus hautes fonctions.
Dans un système politique basé sur la cooptation, Bo Xilai veut s’appuyer sur le peuple pour satisfaire ses ambitions. Il répond au sentiment de perte de valeur des Chinois en prônant un retour à la culture communiste pure : chants rouges dans la rue et à la télévision, campagne de réhabilitation du maoïsme sur internet et les téléphones, condamnation de l’invasion culturelle occidentale… Chongqing devient un symbole du renouveau rouge, et Bo Xilai l’étoile montante de la politique chinoise.
C’est surtout une campagne anti-corruption sans précédent qui assurera sa popularité à l’échelle nationale. Chongqing est connue pour être l’une des capitale des mafias chinoises et Bo va y mener une guerre aussi violente que médiatique, assisté du chef de la police local, le désormais célèbre Wang Lijun.
Les grands procès d’officiels évacuent au passage quelques concurrents, la répression passe par la torture et de nombreuses condamnations à mort, mais la fermeté du « roitelet » de Chongqing plait aux médias et aux Chinois. Certes, quelques-uns voient en lui un despote décomplexé, symbole de l’impunité des hauts dirigeants. Ils relaient les rumeurs de corruption, d’investissements à l’étranger ou les frasques de son fils, amateur de grosses cylindrées et de jolies femmes.
La grande majorité du pays se laisse toutefois convaincre par sa communication : de Dalian à Chongqing, Bo rend les rues plus sûres, assure un développement à grande vitesse et offre une identité « rouge » à la population.
Son populisme est en revanche moins apprécié par les pontes communistes, qui critiquent son style personnel et son manque de respect pour les convenances du Parti. Qu’importe, Bo sait que l’acclamation publique peut le ramener à Pékin… La « star rouge » fait partie des favoris pour l’un des 9 sièges au Comité permanent du Politburo, qui règne officieusement sur la Chine.
Excès d’appétit
A quelques mois du renouvellement de cet organe tout-puissant, l’affaire Wang Lijun paraît tomber à point pour les opposants de Bo. Sur le web, on théorise même un coup monté par la frange progressiste du Parti, avec la bénédiction de Hu Jintao. L’ex chef de Chongqing reste malgré tout populaire : « Ce soir, les mafieux doivent faire la fête », commente un weibonaute.
Si on ne sait toujours pas quel a été le rôle de Pékin, ni celui de Bo Xilai, dans la fuite puis l’arrestation de son bras droit, beaucoup s’accordent à dire que le scandale a été pour le pouvoir une bonne occasion d’évincer un dirigeant trop ambitieux. « Son ventre est trop grand, son appétit l’a brûlé », lit-on sur Weibo.
L’affaire est traitée dans la plus grande opacité par les autorités, mais les internautes ont décortiqué les signes avant-coureur d’une déchéance que la majorité regrette.
La presse de Chongqing qui n’a pas couvert une rencontre importante entre Bo et le premier ministre canadien, une absence troublante devant la presse nationale… L’aura du prince rouge semblait s’estomper, mais il était tout de même présent à la réunion pléniaire du Parlement, aux côtés des autres cadres du Parti.
Le internautes ont relevé les moindres détails : un sourire crispé, une attitude distante, une absence dans une réunion…
Lors de la conférence de presse de la délégation de Chongqing à l’ANP, vendredi dernier, il présente ses excuses, pour avoir failli dans la surveillance de ses subordonnés. « Je n’ai rien vu venir », mais l’affaire Wang Lijun est « un cas isolé », et « je ne suis pas la cible de l’enquête » explique-il. Bo regrette au passage d’avoir trop attiré l’attention sur lui. Il est loin « le Kennedy chinois » qui avait enthousiasmé au delà des frontières du pays.
Ce mea culpa n’aura pas suffit à sauver sa carrière. La conférence de presse de Wen Jiabao scelle le destin de Bo mercredi.
Bye bye Bo, hello Zhang
L’affaire de Chongqing est au programme des sujets abordés, et le premier ministre critique ouvertement la gouvernance du Parti local. « Ils doivent sérieusement tenir compte et apprendre de l’affaire Wang Lijun », dit-il. La référence à la Révolution Culturelle semble elle aussi pointé vers Bo : le « risque » dont Wen parle, c’est celui d’un dirigeant trop intéressé par ses intérêts et prêt à toutes les dérives pour réussir.
Les critiques entre hauts gradés du PCC sont rares et veulent dire beaucoup. L’annonce du limogeage de Bo confirme bien que le premier ministre parlait pour l’ensemble du Parti.
Bo Xilai est donc remplacé par Zhang Dejiang, un dirigeant au profil beaucoup moins atypique qui évolue dans les plus hautes sphères du Parti depuis plus de 10 ans. Lui aussi est un protégé de l’ancien président Jiang Zemin et appartient par conséquent à la même « faction » du Parti. Diplômé de l’Université Kim Il-Sung, en Corée du Nord, il n’a que rarement fait parler de lui, si ce n’est lors de l’épidémie de SRAS de 2002, à laquelle les autorités chinoises avaient tardé à réagir. Alors chef du Parti dans le Guangdong, il avait choisi d’étouffer l’affaire, laissant le virus se propager vers Hong-kong puis dans le monde.
Alors que les entreprises de Chongqing pleurent le départ de Bo à la Bourse, les effets de l’annonce dépasse largement le cadre de sa carrière personnelle. «Cela soulève de grande incertitude concernant le futur leadership » du pays, explique un spécialiste à Reuters. Ses alliés conservateurs pourraient en effet être déstabilisés, à quelques mois d’un renouvellement de la tête du Parti, qui définira la ligne politique chinoise pour les 10 prochaines années.
Sur Weibo, « Bo xilai » fait partie des sujets les plus commenté. Certains internautes s’attendent à une enquête contre Bo Xilai, d’autres à ce qu’il rebondisse et garde sa place dans les hautes instances du Parti. Tous espèrent que leur feuilleton n’est pas terminé…
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« Alors chef du Parti dans le Guangdong, il avait choisi d’étouffer l’affaire, laissant le virus se propager vers Hong-kong puis dans le monde ». Encore un exemple pour tous dans les haut-dirigeants! Il correspond parfaitement aux critères de recrutement!
不管黑猫白猫,能抓老鼠就是好猫 – 邓小平
La sagesse de la Chine et des leaders chinois sera de jamais permettre l’invasion culturelle occidentale ni de l’argent et la corruption comme le moteur de la société … sans doute les ennemis de la Chine essayerons de la détruire de dedans … en poussant les jeunes chinois à assimiler les « valeurs occidentales » qui sont fortement responsables de la décadence d’occident et de l’exploitation des pays sous-développés .. Si un leader chinois n’est pas capable de gérer m^me ses enfants qui deviens de « bobo » / « bling-bling » à l’occidental .. si il les envoi aux Universités USA pour être assimilés par l’ Empire … il est complice de trahison à son pays …
Votre sagesse chinoise a du en prendre sacrément un coup après l’ouverture économique de la Chine, et les années 2000! L’invasion culturelle est déjà en Chine : si l’on regarde les jeunes chinois d’aujourd’hui ce sont iPhone à la main, sac LV au bras, basket Nike aux pieds… En gros tout ce qui ressemble de près comme de loin aux sociétés occidentales!
Et si nous parlons d’argent et de corruption, alors là la sagesse n’existe même plus en Chine! Beaucoup sont prêt à mettre en danger la vie de leurs compatriotes tout ça pour augmenter le profit de leur entreprise de quelques yuans par jours : scandale du lait frelaté, bicarbonate de soude dans les baozi pour blanchir la farine, huile des égouts (地沟油), j’en passe et des meilleures! A tel point qu’il est devenu très compliqué de savoir ce que l’on mange en Chine!
Et puis l’exploitation des pays sous développé, même si la Chine n’est pas tout à fait un pays développé encore, elle n’a attendu personne pour aller envahir l’Afrique… D’ailleurs le mot « colonisation » revient régulièrement lorsqu’on parle des relations Sino-Africaines 😉
Donc à priori, si l’on reprend votre pensée, il existe quand même encore beaucoup de traîtres en Chine!
不管黑猫白猫,能抓老鼠就是好猫 – 邓小平