Après le boum de ses exportations de matières premières vers la Chine, le Brésil subit la concurrence des produits manufacturés chinois, au point que son excédent commercial avec ce grand pays émergent se mue en déficit.
« Cette année nous allons certainement enregistrer un déficit commercial avec la Chine », déclare à l’AFP Fernando Ribeiro, économiste en chef de la Fondation Centre d’études du commerce extérieur (Funcex).
Le solde des échanges en janvier-février est déjà négatif de près de 390 millions de dollars. Et l’excédent qui atteignait 2,4 milliards de dollars en 1983 a fondu à 410,5 millions l’an dernier .
« La Chine est venue au Brésil en 2001-2002 à la recherche de matières premières, puis elle a continué à venir pour connaître le marché brésilien », explique Rodrigo Maciel, secrétaire général du Conseil des entreprises Brésil Chine (CEBC).
Alors que les exportations brésiliennes ont quadruplé entre 2001 et 2006 (à 8,4 milliards de dollars), les importations de produits chinois ont sextuplé (à 7,99 milliards). Une envolée favorisée par le renchérissement du real brésilien face au dollar.
Depuis janvier, la Chine détrône même l’Argentine comme deuxième pays fournisseur du Brésil, derrière les Etats-Unis.
Selon la Confédération nationale de l’Industrie, les produits chinois concurrencent 54% des exportations brésiliennes. Au Brésil, une entreprise sur quatre est en concurrence avec des produits chinois importés. Certaines ont arrêté d’exporter ou ont perdu des clients.
« Il y a une grande similitude entre les produits exportés » par les deux pays. « Mais la Chine a créé un environnement beaucoup plus compétitif que le Brésil si l’on compare la fiscalité, les infrastructures, le coût du capital ou la législation du travail « , souligne Rodrigo Maciel.
Outre le bas coût de sa main d’oeuvre, le grand atout de la Chine est son taux d’investissement, le double de celui du Brésil, selon Fernando Ribeiro. « La Chine investit massivement dans l’éducation, les infrastructures et la technologie », renchérit M. Maciel.
« On a l’impression trompeuse que la compétitivité de la Chine ne repose que sur sa main d’oeuvre bon marché et le piratage ». Mais les produits pirates qui s’étalent sur les stands des vendeurs à la sauvette ne représentent qu’une faible part, souligne-t-il.
La concurrence chinoise s’exerce actuellement surtout aux dépens de quelques secteurs à main d’oeuvre intensive: chaussure, textile, électroménager.
En 2005 les fabriquants de chaussures ont vendu 23 millions de paires de moins que l’année précédente et supprimé 15.000 emplois.
Le Brésil entend d’ailleurs proposer à ses voisins du Mercosur (Uruguay, Paraguay et Argentine) de relever le tarif douanier commun dans le textile, la chaussure et les meubles.
Mais dans cinq ans, c’est l’automobile, où la Chine affiche des ambitions gigantesques, qui représentera un défi majeur pour le neuvième producteur mondial de voitures.
« Le Brésil serait l’un des grands perdants, car il exporte des voitures populaires bon marché », estime Fernando Ribeiro.
Dans les pièces automobiles, la concurrence chinoise se profile déjà. « Ce n’est qu’un avant-goût de ce qui nous attend », estime M. Ribeiro.
De leur côté les exportations brésiliennes, dominées par les matières premières, continuent de croître « à un rythme raisonnable », selon l’économiste du Funcex.
Rodrigo Maciel déplore toutefois « le manque d’initiative des entreprises brésiliennes ». « La Chine n’importe pas seulement du minerai, du soja ou du pétrole », relève-t-il. Dans l’aéronautique, le brésilien Embraer a réussi une percée sur le marché chinois.
« Il y a un marché gigantesque qui n’est pas exploité pour les produits industriels brésiliens », selon Maciel.
En 2004 le président Lula avait pris la décision controversée de reconnaître à la Chine le statut d’économie de marché. Mais les investisseurs chinois ne sont pas au rendez-vous, invoquant la bureaucratie ou les lourdeurs fiscales brésiliennes.
« Le Brésil manque d’une stratégie à long terme vis-à-vis de la Chine », conclut Rodrigo Maciel.