Des spécialistes des « relations publiques en ligne » permettent à leur clients privés de supprimer des contenus gênants sur le net. Pour une poignée du yuans, ils font marcher leurs connexions chez Sina ou Tudou, les géants des médias sociaux, déjà habitués à la censure.

McDonald’s qui triche avec les règles de sécurité sanitaire, Carrefour qui joue avec les étiquettes pour faire gonfler les prix et oublier les dates de péremption… Une mauvaise publicité qui peut coûter cher sur le très rentable marché chinois.
Car pour quelques secondes d’enquête à charge dans les médias, c’est plusieurs milliers de commentateurs qui esquintent l’image des marques sur les réseaux sociaux. Or c’est devenu une des spécialités des internautes chinois : dénoncer les pratiques douteuses d’un magasin, ou les qualités d’un produit.
Si les fraudes des entreprises étrangères font souvent la une des médias chinois, le net, lui ne fait pas le tri : les producteurs d’oeufs qui rebondissent, les banquiers-hackers, les pastèques explosives ou les opérateurs de téléphonie qui encouragent le spamming… tous les « mauvais comportements » sont dénoncés, et les réseaux sociaux tentent de prendre à leur charge une protection du consommateur souvent oubliée des autorités.
Les mercenaires de la censure
Le gouvernement n’est donc pas le seul à être effrayé par la critique en ligne, et ne dispose d’ailleurs pas du monopole sur la censure. Les entreprises privées peuvent elles aussi profiter de ce précieux outil, et faire effacer de Weibo, QQ ou Tudou les contenus gênants pour leur image.
Rien d’officiel, bien sûr, dans ces lifting en ligne, ce sont des opérateurs très en vue sur internet qui tiennent la gomme et qui se font facturer à la pige. Pour en trouver, rien de plus simple, une recherche sur Baidu et voilà l’entrepreneur soucieux de faire taire la critique comblé par des centaines de mercenaires de la censure. (Intéressé par une réputation toute neuve sur le net chinois ? Regardez ici, ici ou ici)
Zhou Wei, est le patron d’une de ces sociétés de « relations publiques en ligne ». Basé à Canton, il offre ses services dans tout le pays et dit pouvoir supprimer des contenus des réseaux sociaux, des forums, des blogs et micro-blogs ou des services de partage de vidéos comme Tudou. « Nous pouvons aussi intervenir sur des portails majeurs comme Sina, QQ ou 163.com », explique-t-il au China Daily.
Le prix du nettoyage ? « 1000 yuans pour supprimer un post et toutes ses réponses, plus s’il a été énormément reposté ou que le commentateur dispose de beaucoup de « followers » ».
Des « canaux » et des forfaits propreté
M. Zhou reste en revanche beaucoup plus vague sur ce qu’il appelle ses « canaux » de suppression : des employés des grandes firmes de l’internet qui disposent des autorisations nécessaires pour supprimer les posts. Et si l’on n’entend peu de plaintes d’utilisateurs quant à ce filtrage discret, c’est qu’ils en ont l’habitude : le gouvernement ne prend pas plus de pincettes pour retirer les contenus jugés « subversifs ».
Un bon guanxi (réseau) peut coûter cher. Un « nettoyeur » de Dalian explique qu’il reverse 85% du prix de sa prestation à ses contacts chez Sina ou Tencent. M.Zhou cherche à faire bonne figure, mais à l’essai, les services de ces compagnies de nettoyage peuvent se révéler plus onéreux que les 1000 yuans annoncés. Ainsi le Fazhi evening News a testé différentes sociétés de relations publiques spécialisées.
3800 yuans pour faire retirer un post d’un forum populaire, 1500 s’il s’agit d’un portail local… Les compagnies proposent même un forfait de suppression en temps réel des contenus gênants : 100 000 yuans par an, et l’assurance qu’on ne retrouvera pas de squelette dans votre placard.
La fête à la fraude
Les entreprises comme celle de M. Zhou connaissent généralement un pic d’activité en mars. Tous les ans, le 15, les autorités et médias chinois pointent les micros et caméras vers les entreprises aux pratiques douteuses le temps de la Journée des Droits des Consommateurs.
Les entrepreneurs prennent les devant en faisant disparaître les dénonciations en ligne avant cette date, évitant ainsi d’être pris pour cible devant le public de tout le pays. Et pour ceux qui n’y auraient pas échappé, le nettoyage de son image devient une tâche herculéenne…
McDonalds et Carrefour, objets d’enquête de la CCTV cette année, ont dû formuler des excuses publiques et fermer leurs magasins de Sanlitun et de Zhengzhou … Mieux vaut supprimer une enseigne plutôt que les millions de critiques qui ont pullullées sur le web.
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