Lokmane, 29 ans, est passionné de médecine chinoise. Il est l’un de ces Occidentaux qui étudient en Chine cette tradition plusieurs fois millénaire.

« Au début, j’avais une vision un peu fantasmée de la Chine, sourit Lokmane. Quand j’étais petit, j’était fan de Bruce Lee, et je voulais être un moine Shaolin ». D’un père professeur de judo et d’une mère passionnée par les plantes, Lokmane tire pourtant une réelle passion pour l’Asie. « J’ai toujours été attiré par les concepts d’harmonie et d’unité entre l’homme et la nature, très présents dans la culture asiatique », explique t-il d’une voix calme, en proposant une tasse de thé vert.
Lokmane commence la médecine chinoise en 2001, par une formation de quatre ans, à Paris. A l’époque, on trouve de plus en plus de ces formations en France, car l’intérêt pour les médecines « douces » et « alternatives » se développe en Occident, notamment avec l’arrivée des salons bios et diététiques. Mais après un moment, estimant que les formations et les soins dispensés en France sont trop déconnectés de la réalité de la pratique traditionnelle, Lokmane décide de « se rapprocher de la source ». Intéressé par toutes sortes de médecines traditionnelles, il passe d’abord par plusieurs pays comme le Japon et la Thaïlande, où il s’initie à différentes techniques de massage, et à l’hypnothérapie.
Mais en 2005 il débarque à Pékin avec la ferme intention de se concentrer sur l’apprentissage de la médecine chinoise, qu’il estime plus formelle que d’autres médecines traditionnelles car elle repose sur des écrits datant de plus de 2000 ans. A l’université de médecine traditionnelle chinoise de Pékin, il commence une formation de cinq ans, qu’il considère malgré ses études antérieures comme « un retour à zéro ».
L’une des particularités de la médecine traditionnelle chinoise est qu’elle tente de comprendre chaque être dans son ensemble, aussi bien sain que malade. « Il s’agit en fait d’un mode vie, visant autant à prévenir qu’à guérir, explique Lokmane. Car comme dit le proverbe, il ne faut pas attendre d’avoir soif pour creuser un puits. Mais il faut savoir qu’en fait, il n’y a pas une mais des médecines chinoises, précise t-il. Il y a différents styles : les herbes « chaudes », « froides », l’acuponcture, les styles du sud, du nord, la numérologie… Et en plus dans chaque style il y a plusieurs écoles !»
Au contraire de la médecine occidentale, qui ne se base que sur ce qui est démontré scientifiquement, la médecine traditionnelle prend autant en compte les symptômes visibles qu’invisibles. « La médecine occidentale est basée sur une pensée de la confrontation, alors que la médecine traditionnelle chinoise recherche l’harmonie, explique Lokmane. Par exemple, en Occident on cherche à éliminer les bactéries, alors que nous, on préfère les évacuer, par les selles ou les sueurs. »
Mais les deux médecines ne sont pas totalement étanches l’une à l’autre, et les cours que suit Lokmane sont divisés entre médecine chinoise et occidentale. Ils se font entièrement en chinois, car les concepts utilisés sont difficilement traduisibles en anglais. L’université propose une formation globale rassemblant tous les styles majeurs de la médecine chinoise.
Par ailleurs, les élèves peuvent assister à des conférences sur les autres styles, dispensées par de vieux maîtres. Rapidement, Lokmane se lie avec certains d’entre eux, dont il deviendra l’élève. L’occasion pour lui de découvrir en plus des cours à l’université d’autres pratiques plus authentiques, et de renouer avec le mode d’apprentissage traditionnel. « Le mode de transmission du savoir est très important dans la tradition. Il doit normalement se faire de père à fils ou de maître à disciple », assure t-il.
Pour les praticiens occidentaux, peu de débouchés
Aujourd’hui en quatrième année, Lokmane est le seul à venir d’Europe de l’ouest de sa classe. « Il y a une Russe, et il y avait quelques autres Occidentaux en première année (français et américains) mais aujourd’hui certains ont abandonné, d’autres font des pauses… ». Le reste de la classe se compose de quelques Thaïlandais, et d’une grande majorité de Coréens.
En effet, du fait de la complexité des médecines chinoises, les occidentaux qui décident de s’y consacrer sont rares, et la plupart ne viennent que pour des formations de quelques mois. Pourtant, explique Lokmane, « la médecine traditionnelle chinoise implique tout un mode de vie basé sur la patience, la persévérance et l’harmonie. Pour la pratiquer, il faut avoir l’humilité nécessaire pour apprendre à penser comme un chinois ».
Diplômé dans un an, Lokmane ne sais pas encore ce qu’il fera de son savoir faire dans le futur. Même avec le diplôme d’état chinois, les étrangers ne peuvent pas vraiment pratiquer en Chine, sauf sous la tutelle d’un médecin chinois. En France, cette médecine n’est toujours pas reconnue, et l’on ne peut officiellement pas la pratiquer. Certaines plantes thérapeutiques sont considérées comme toxiques, et l’acuponcture n’est pas autorisée si le praticien n’est pas diplômé en médecine occidentale.
En fait, Lokmane ne s’en préoccupe pas vraiment. Peut être finira t-il par aller pratiquer en Australie ou dans d’autres pays anglophones où sont présentes de fortes communautés chinoises. Mais quoi qu’il arrive, il aura assouvi sa passion d’enfant à travers la médecine traditionnelle chinoise, qu’il considère, sans doute à juste titre, comme l’une des belles choses de la culture chinoise.

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