Quasiment inconnu à l’étranger il y a quelques mois, le photographe chinois Chen Jiagang déclenche aujourd’hui les passions.

Dernier succès en date, la vente d’un grand format aux enchères de Sotheby’s à New York le 16 octobre dernier. Montant de la transaction ? 37 000 dollars. Avant cela, le Moma et le Centre International de la Photographie a New York se sont déjà portées acquéreurs de photos de l’artiste et pour clore le tout, Chen Jiagang fait actuellement la couverture du catalogue d’Art Basel a Miami, une des foires d’art contemporain parmi les plus réputées au monde.
Villes fantômes
Mais l’exposé de ce palmarès édifiant ne nous dit pas ce qui en fait la force. La réponse réside d’abord dans le choix de son sujet, à savoir ces villes qui jadis formèrent la « Third Line ».
Retour dans les années 1960. Mao, inquiet des tensions avec le voisin soviétique, décide de déplacer à l’intérieur des terres les industries lourdes et les usines d’armement situées près de la frontière russe. C’est ainsi que des millions de Chinois affluèrent dans les montagnes du Sichuan, du Guizhou et du Yunnan pour travailler dans des usines construites de toutes pièces.
Mais après une période faste, survient un nouveau revirement deux décennies plus tard avec l’arrive au pouvoir de Deng Xiaoping, qui pousse la Chine vers une économie de marché. Résultat, les cites industrielles de la « Third Line » se trouvent désertées aussi vite que sorties du sol.
C’est le souvenir de ces lieux oubliés de la mémoire chinoise, jadis symbole de la gloire nationale, que Chen Jiagang parvient à raviver avec force.
Lui-même originaire de Chongqing, Chen Jiagang a assisté à ces bouleversements. Marqué par l’image de ces lieux qui disparaissent en silence, il a choisi d’y retourner pour les immortaliser. Son objectif ? Montrer au reste du monde l’absurdité de cette course au développement. Une cible largement atteinte. Quoi de plus explicite en effet que le spectacle de ces villes fantômes et de ses bâtiments en ruine assaillis par la grisaille ?
Le prix à payer
Mais son raisonnement va plus loin. Chen Jiagang observe d’un œil critique tous ces grands travaux qui bouleversent aujourd’hui la Chine à une vitesse fulgurante: barrage des Trois Gorges, projet de transfert des eaux jusqu’à Pékin, la liste est longue. « Maintenant on pense que c’est une bonne chose mais peut-être que dans 50 ans, ces constructions subiront le même sort que la Third Line ». Il interroge : « Le développement, au prix de quel sacrifice ? »
Et l’artiste parle ici en connaissance de cause. Ancien architecte, il a participé à la construction de certains quartiers chics de Pékin, avec des matériaux tirés à la force de bras des travailleurs pauvres des provinces. Ecoeuré, il en a tiré depuis les conclusions : « C’est pour ça que j’ai arrêté de faire ce métier et choisi de me consacrer uniquement a la photo. »
Une initiative valeureuse. Et malgré son succès fulgurant, l’artiste entend poursuivre sa tâche : « Je ne suis pas encore habitué au succès. J’ai vraiment été surpris. Mais il faut que j’aille encore plus loin pour atteindre la vraie réussite car j’ai encore plein de choses a raconter. Pour moi, ce n’est pas encore parfait. »
Les photos de Chen Jiagang « Third Front » sont actuellement exposées à la Galerie Paris-Beijing, du 14 au 30 novembre 2007, tous les jours de 10h à 17h.
The Old Factory 798 Art District, Dashanzi, Jiuxianqiao lu 4 hao,
100015 Beijing.
Tel : 0086-10-84599263
www.parisbeijingphotogallery.com