Comme toutes les villes chinoises, Guangzhou (Canton), la grande métropole du sud de la Chine, a connu un boom immobilier phénoménal. Et comme dans les autres villes, les puissances financières des gigantesques sociétés immobilières nationales s’arrangent, avec la complicité d’élites locales corrompues, pour rendre les petits propriétaires impuissants devant la saisie des biens qui leur appartiennent pourtant de plein droit. De notre partenaire Rue 89.

Le petit village de Xiancun, à Canton, est l’un de ces territoires prisés par les géants du béton. Pressions, menaces, agressions sont devenues le quotidien des propriétaires qui tentent toujours néanmoins de lutter.
Surplombant le village de Xiancun, des gratte-ciels, immeubles de bureaux ou d’appartements de trente étages. Nous sommes à Zhujiang New Town, le quartier le plus dynamique de Guangzhou. Tout y est neuf, tout y est propre, et surtout, les terrains y sont extrêmement chers.
Xiancun, village figé dans le temps
Xiancun, petit village bardé de vieux immeubles, abrite principalement des Cantonais d’origine, ou d’autres Chinois installés ici depuis des années. Le style de vie y est placide et reposé, comme figé dans le temps et renvoyant à la Chine de voilà quelques décennies.
La presse chinoise en parlait en ces termes voilà quelques années :
« Xiancun, un village traditionnel, caché et oublié au beau milieu du CBD [“central business district”, ndt] de Guangzhou. Sombre, moite, odorant et bruyant, on reconnaît bien là tout ce qui fait les particularités des villages dans la ville.
Bien que nous soyons en plein dans le centre financier, impossible ici de ressentir l’atmosphère du quartier portant tout le potentiel économique futur de la ville. […] En pénétrant dans le village, on y trouve des habitants extrêmement placides. La vie locale y est imperturbablement animée. On ne devinerait pour rien au monde que l’endroit se prépare à être mis en pièces. C’est encore une affaire bien lointaine, pour les résidents. »
Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi le terrain a été très vite prisé. Comme il l’a été dit, les « villages dans la ville » sont très répandus en Chine, et sont en train de disparaître progressivement pour laisser la place aux gratte-ciel modernes.
Des contrats fantoches
Contrairement à une croyance répandue, il est possible pour des particuliers de posséder des terrains de manière définitive en Chine. Une grande partie des propriétaires de Xiancun possèdent ainsi légalement leur propre terrain.
L’accord concernant les parties communes du village a été ainsi défini que tout projet de modification se devrait d’obtenir l’approbation de 90% des propriétaires du village. Cela rend toute récupération massive relativement complexe, car les villageois sont attachés à leur quartier, et c’est pourquoi le gouvernement a abandonné son propre plan décennal de démolition.
Ce sont finalement de puissants promoteurs immobiliers qui ont su trouver le cadre du village, M. Lu, pour signer des contrats de cessation dont la légitimité est contestable et contestée. Signés unilatéralement contrairement à la règle définie, ils ne sont techniquement pas valables.
Mais les promoteurs sont en réalité parfaitement conscients du caractère fantoche de ces contrats : ce qu’ils recherchent dans l’affaire, c’est obtenir l’accord et le soutien des autorités locales pour la suite des événements.
Leur but est de récupérer des terrains constructibles le plus rapidement possible, et au coût le plus bas possible. Ceux qui en payent le prix seront, dans l’idéal, les petits propriétaires, soit la partie la plus désarmée de l’équilibre de force subtil qui se met en place.
Les promoteurs usent d’abord de diplomatie…
Les promoteurs ont un but simple : récupérer les terrains et détruire ce qui y existe le plus rapidement possible, pour reconstruire et revendre.
Xiancun n’est pas le premier, et ne sera pas le dernier quartier à subir un tel traitement. Les démolitions forcées sont chose commune en Chine. Les méthodes employées sont diverses, variées, et dépendent principalement de l’imagination et des moyens à disposition.
Pour le cas de Xiancun, il n’est pas exagéré de dire que ces moyens ne manquent pas, et que la stratégie d’expulsion à moyen-long terme s’appuie sur un très vaste, et très puissant réseau.
Pour parvenir aux fins souhaitées, les promoteurs usent aux prémices de diplomatie pour tenter de convaincre les propriétaires de céder leur terrain, et de partir. Des compensations sont présentées, le plus souvent via diverses propositions de relogement, dont les conditions sont bien plus modestes que la valeur réelle des terrains (habitats de piètre qualité, construits dans des banlieues isolées, etc.).
Si beaucoup n’entendent pas accepter ces compensations, une partie préfère néanmoins s’en tenir là, et signer. Soit par anticipation des problèmes futurs, soit par attrait de gains rapides, ou désintérêt pour la cause. Pour le cas de Xiancun, des relogements en banlieues, accompagnés de « primes » de 10 000 yuans (1 200 euros) ont été proposés dans une grande partie partie des cas.
Un nombre significatif des ex-habitants de Xiancun faisaient partie du gouvernement, et/ou avaient des relations directes avec le cadre du village. Ces derniers ont été relogés dans de bien meilleures conditions que leurs voisins « sans guanxi ».
Pour ceux qui ont refusé de signer à ce stade, la tempête commence.
Pressions psychologiques et physiques
Nous sommes en 2010, et c’est à ce moment-là un véritable siège qui se met en place. Les villageois passent de citoyens à « Dingzi hu », des « têtes de clous », comme désigne la presse ces propriétaires refusant de soumettre leur propriété à l’avidité des agents immobiliers.
Les pressions qui vont être exercées seront à la fois psychologiques, et physiques. Les mafias vont remplacer les négociateurs.
2012. Médiatiquement, Xiancun n’existe déjà plus. Le moteur de recherche Baidu (le Google chinois) a été nettoyé de toute référence à son histoire récente. Seuls subsistent des histoires ou quelques reportages datant d’avant les faits.
En utilisant Google, on peut bien trouver quelques articles de médias hongkongais et taiwanais, mais Google est déjà largement muselé en Chine. Les habitants du village n’ont à ce stade plus aucune opportunité de se faire entendre.
Une lettre ouverte d’un habitant de Xiancun aux autorités comme celle-ci n’a aucun écho médiatique :
« Plus de 3 000 habitants de Xiancun ont signé la pétition demandant le renvoi de M. Lu Suigeng. Pendant plus de trente années passées à la tête du village, M. Lu a géré les affaires de manière clanique et corrompue, allant à l’encontre de l’intérêt des habitants, et de l’intérêt général.
De nombreuses propriétés appartenant à la collectivité ont été ainsi cédées à des prix dérisoires.
Dans le but de protéger leurs intérêts devant la loi, les habitants de Xiancun ont entrepris de se rassembler et demander audience devant diverses institutions locales, municipales, provinciales, sans qu’il ne soit jamais donné suite.
Chaque jour, des manifestations ont eu lieu à Zhujiang New Town, sur l’avenue Huangpu, jusque devant les portes de la direction du village. Des sit-in pacifiques ont été organisés sur les chantiers.
Une année durant, aucun bureau, aucune administration ne s’est occupée de nous. Aucun média sur aucun support n’a délivré le moindre exposé de la situation, tous ont été verrouillés et réduits au silence.
Plus d’une quarantaine des habitants ont été détenus illégalement par la police du quartier de Tianhe pour avoir protesté. »
Des gardes harcèlent les journalistes
Le quartier est progressivement bouclé, entouré de murs en béton, et des gardiens font leur apparition aux entrées. Ils n’ont aucun statut légal, ce sont des hommes de main employés par la mafia. Leur rôle est jusqu’à aujourd’hui, de surveiller les entrées et sorties, et prévenir les « anomalies ».
Chaque nouvelle tête entrant dans le quartier est une anomalie, surveillée et suivie. Chaque éventuel journaliste est une anomalie, suivi et harcelé, son matériel confisqué par la force. Les étrangers sont des anomalies, suivis de plus près encore, jusqu’à leur sortie.
Si le séjour est trop long, c’est la police régulière qui est appelée pour procéder à un contrôle d’identité. Le message à faire passer : rester à Xiancun, c’est s’exposer à des problèmes.
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Bizarre.
Les parents de ma copine a Shanghai esperent etre « expulses » de leur logement ancien.
Ils m’ont dit que l’indemnite touchee vaut largement le coup et permettrait d’acheter un logement de bien meilleure qualite (ce qui est vrai).
Pendant deux longues années (2004-2006) j’ai parcouru de jours comme de nuits la ville de Guangzhou (Canton) !
Vous publiez : « Xiancun, petit village bardé de vieux immeubles, abrite principalement des Cantonais d’origine, ou d’autres Chinois installés ici depuis des années. Le style de vie y est placide et reposé, comme figé dans le temps et renvoyant à la Chine de voilà quelques décennies. »
C’est une honte que d’écrire de tels mensonges !!
Ces village (il y en reste plus de 6) sont des tas d’ordures géants, n’ont pas de tout à l’égouts et sont aussi des lieux de crimes sauvages, des lieux de prostitutions inhumaines, les repérés des voleurs, des bandits, du crime organisé !!
Les Cantonais (les vrais) ont quitté ces lieux maudits bien avant 2004 (soit abandonné, soit mis en location) et ces « village » sont habités par des ouvriers, des émigrants qui refusent de quitter la ville (repartir dans leur province) après avoir terminer leur contrats de constructions !
Ils s’entassent dans ces « villages » et les plus honnêtes deviennent livreurs, taxi, serveurs, cuisiniers en toute illégalité ! …
Vous êtes un grand malade, et les gens de votre sorte devraient être bannis de toutes publications !
Rien de sert de courir, il faut partir à point …