Affaires de corruption, train de vie luxueux des candidats, manifestations, pression de Pékin, manque de transparence du système électoral…Les hong-kongais n’ont pas élu le chef de l’exécutif mais se félicitent d’avoir vécu une campagne dont l’issue était imprévisible.

Fin d’une campagne mouvementée, les résultats sont tombés. Leung Chung-ying est le nouveau chef de l’exécutif de Hong Kong. Le candidat favori des Hongkongais a remporté hier 689 des 1 132 votes donnés par le Comité d’élection composé de l’élite de l’ancienne colonie britannique.
Henry Tang, l’ancien protégé de Pékin dont la réputation avaient été ternie par de multiples scandales, n’a quant à lui obtenu que 285 voix.
A l’approche des résultats, la tension était encore palpable. Les habitants de l’ancienne colonie britannique sont de nouveau descendus dans les rues hier pour exiger le vote au suffrage direct.
Parmi les quelques 2000 hongkongais venus manifestés, certains ont campé durant la nuit de samedi à dimanche devant le Centre des congrès où se tenait le scrutin pour être au premières loges au moment des résultats.
D’autres citoyens ont exprimé leur désapprobation envers le système d’élection à petit cercle en participant samedi à de fausses élections organisées par Robert Chung, le directeur du Programme de l’Opinion Publique à l’université de Hong Kong.
Plus de la moitié des 222 990 faux électeurs ont voté blanc. Ces résultats soulignent « le ridicule de ne pas être réellement en mesure de voter » explique Loh, l’un des organisateurs.
Les premiers mots du vainqueur
Lors de la conférence de presse ayant suivi sa victoire, Leung reconnaissant envers le peuple qui l’a majoritairement soutenu, s’est engagé à œuvrer pour que le suffrage universel soit instauré. « Je vais travailler avec l’ensemble de Hong Kong au cours des cinq prochaines années pour m’assurer que le vote au suffrage universel ait bien lieu lors des élections du chef de l’exécutif de 2017 ».
Le nouveau chef de l’exécutif a également appelé à la fin des tensions et prôné l’union. « Nous sommes une famille. Maintenant que la compétition est finie, il est temps de se réunir, nous devons travailler à l’unisson pour être inclusif » .
Les autorités chinoises ont félicité le nouveau numéro 1 et précisé que l’élection « s’est déroulée conformément à la loi fondamentale » de Hong rapporte Xinhua, l’agence officielle.
Les résultats de cette élection sont une bouffé d’air frais pour de nombreux hongkongais pressés de se débarrasser de Donald Tsang, l’actuel dirigeant devenu bien encombrant.
Elu en 2005, le numéro 1 du gouvernement a réussi l’exploit de s’attirer les foudres du peuple, de l’élite et de Pékin après avoir été accusé de corruption par la presse locale. Les magnats locaux auraient soudoyé Tsang en lui offrant de luxueux voyages en yacht et en jet ainsi qu’un appartement à Shenzen.
Révoltés, des milliers de Hongkongais sont descendus dans les rues les 3 et 4 mars dernier pour exprimer leur indignation et exiger la démission immédiate de leur dirigeant. Bien que le chef de l’exécutif ait refusé de céder sa place avant la fin de son mandat en juillet prochain, l’espoir de Hong Kong semblait reposer sur Henry Tang, son successeur annoncé car grand favori de Pékin.
Le Parti Communiste Chinois joue en effet un rôle décisif dans les élections de l’ancienne colonie britannique. Le chef de l’exécutif est élu par un comité d’élection rassemblant 1200 membres majoritairement composés d’hommes politiques et d’affaires très influencés par Pékin. Les citoyens n’ont donc pas leur mot à dire, privés d’élections directes au suffrage universel.
Ainsi, depuis plusieurs mois, on connaissait déjà l’identité du futur dirigeant hongkongais, Henry Tang, un proche de Jiang Zemin, l’ancien Président chinois. Mais durant les dernières semaines de la campagne, l’ancien numéro 2 du gouvernement est devenu le nouvel homme à scandales remplissant les colonnes des journaux locaux. Retour sur une campagne très mouvementée.
Un vent de scandale sur la campagne
Le protégé de Pékin est accusé d’avoir entrepris des travaux de construction illégaux dans l’une de ses propriétés. Henry Tang a cependant trouvé une excuse imparable pour justifier cet écart de conduite.
« C’était l’idée de ma femme et je savais que c’était illégal. Mais comme notre mariage traversait un passage difficile, je n’ai pas agi assez rapidement » explique-il à la presse locale.
Mais ce qui a le plus choqué l’opinion, c’est l’envergure des aménagements effectués dans la demeure du candidat. Cave à vin, salle de dégustation, salle de cinéma… Le train de vie luxueux de Tang n’est pas du goût des citoyens.
« Je voulais juste avoir un foyer confortable pour ma famille et m’en occuper moi-même car mon mari est très pris par son travail… J’espère que vous allez me pardonner et que vous laisserez une chance à mon époux» a supplié Mme Tang.
Malgré un mea culpa bien orchestré et les larmes de désespoir de l’ancienne première dame annoncée, l’opinion publique ne veut pas laisser passer un nouveau scandale ternissant l’image de l’ancienne colonie britannique. Un récent sondage a ainsi révélé que les deux tiers des Hongkongais souhaitaient que Tang abandonne la campagne. L’ancien secrétaire des finances reste cependant le grand favori du comité électeur.
Un système d’élection remis en cause
Ces récents scandales ont mis en évidence les défaillances d’un système d’élections peu démocratique et non représentatif de la population hongkongaise. Les citoyens de l’ancienne colonie britannique ont manifesté au début du mois pour exiger le vote au suffrage universel.
« Je me sens tellement impuissante d’être une citoyenne de Hong Kong puisque nous n’avons pas notre mot à dire sur l’élection du chef de l’exécutif » explique Karen Yuen, une étudiante venue manifester.
Pour Vincent Cheung, un autre activiste « Chaque personne élue sous ce système est un fléau, elles ne peuvent rien accomplir parce qu’elles sont élues par un groupe de privilégiés et représentent uniquement ces petits groupes. »
Les autorités hongkongaises ont cependant annoncé que le vote sera étendu à tous les citoyens lors des élections de 2017 comme en 2007 pour celles de 2012.
Une issue du scrutin imprévisible ?
Le scandale Tang pourrait changé la donne. Chung-ying Leung, l’ancien coordinateur des non officiels est le nouveau favori des hongkongais. Ce candidat proche du peuple promet d’augmenter la construction de logements publics et de réduire la pauvreté. « Mon travail de campagne ne vise pas seulement le comité d’élection mais aussi le grand public » explique Leung.
Un sondage a récemment révélé que Leung avait désormais 64% d’opinion favorable mais Pékin semble encore hésiter à le soutenir.
“ Pékin est dans une position très délicate » explique Chor-yung, le doyen de l’Université de Hong Kong et ancien membre du gouvernement. « Si les autorités décident de soutenir Tang cela reviendra à dire qu’elles soutiennent un candidat sans intégrité mais si elles encouragent Leung, elles devront trouver un moyen d’apaiser les craintes des grands promoteurs ».
L’écart se resserre entre les deux candidats. Leung a en effet obtenu 293 nominations de la part du comité d’élection tandis qu’il ne pensait pas en récolter plus de 150. Tang reste cependant en tête avec 378 nominations.
Pour convaincre les électeurs les plus réticents, Leung se dit prêt à coopérer avec ses adversaires en cas de victoire. « Je n’exclurai pas ceux qui se sont présentés contre moi, qui ont aidé mes adversaires ou les membres du Comité d’Election qui ont nominé d’autres candidats que moi de la liste des personnes avec qui je pourrai coopérer »
En attendant l’issue du scrutin, « si le vainqueur final de cette campagne est largement détesté, cela ébranlera la légitimité du prochain gouvernement hongkongais pour lequel le gouvernement de Pékin sera responsable » résume Dixon Sing, un professeur à l’université des sciences et technologies de Hong Kong.
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