Un groupe de chercheurs du département d’ingénierie industrielle de l’université de Qinghua a réalisé une étude sur les chauffeurs routiers. Parmi eux, Zhang Bin, qui revient sur la précarité des professionnels de la route.
Connexions : Le nombre d’accidents chez les routiers chinois est très élevé, comment expliquez-vous la dangerosité de ce métier ?
Z.B. : Il y a deux causes principales : la vitesse excessive et la surcharge des camions. Ce sont des facteurs que l’on retrouve dans 89% des accidents impliquant des routiers. Dans les deux cas, le chauffeur ou son employeur prennent des risques pour gagner plus d’argent. Le coût du transport étant très faible en Chine, il s’agit d’améliorer ses bénéfices en chargeant davantage le camion, ou bien en allant plus vite, pour faire plus de rotations. La pression est d’autant plus grande que la plupart des entreprises de transport routier sont de petites tailles, dans notre enquête, un tiers des chauffeurs sont propriétaires de leur propre véhicule. Pour eux, il est vital d’améliorer le rapport tonne transportée par kilomètre, c’est pourquoi ils décident de surcharger.
C. : Et cette surcharge est dangereuse ?
Z.B. : Bien sûr, il n’est pas rare de rencontrer des camions autorisés à transporter 5 tonnes qui sont en réalité chargés avec 15 ou 20 tonnes de marchandises ! Dans ces conditions, la distance de freinage est plus longue. Mais il faut dire que les contrôles sont difficiles à effectuer. Les frais d’entretien des routes, payés par les transporteurs, sont calculés en fonction des charges maximales des camions de l’entreprise. Le patron a donc intérêt à afficher un chiffre plus bas pour payer moins de taxe. Le résultat, c’est que les données sont faussées.
C. : Les conditions de travail des routiers sont donc difficiles ?
Z.B. : Oui, les chauffeurs rencontrés pour notre enquête parcourent en moyenne 100 000 kilomètres par an, et ils gagnent entre 1000 et 6000 RMB par mois (entre 100 et 600 euros). Surtout, ils travaillent de longues heures, d’ailleurs, il n’y a pas de contrôle sur leur rythme. Ils sont libres d’allonger leur temps de travail pour avoir une prime. Beaucoup de camions partent avec un seul chauffeur. Dans ce cas-là, le temps de repos est limité, ce qui a une influence évidente sur la sécurité.
C. : Les camions chinois possèdent-ils des équipements modernes ?
Z.B. : Non, le niveau d’équipement des camions est très médiocre et, d’ailleurs, les chauffeurs se plaignent de la mauvaise qualité des camions chinois. Sur les quelques 8 millions de poids lourds qui circulent en Chine, beaucoup n’ont même pas d’air conditionné ! Mais ce n’est pas non plus facile de changer les habitudes. Par exemple, nous avons demandé aux chauffeurs routiers si ils souhaitaient bénéficier du GPS pour améliorer leurs conditions de travail. Beaucoup ont refusé, ils n’ont pas envie que leur employeur sache en permanence où ils se trouvent…
Pour en savoir plus : http://localsite.ccifc.org/fr/publications/connexions.php