La convention fiscale signée en 2010 entre la France et Hong Kong entrera en application le 1er janvier prochain en France et le 1er avril à Hong Kong. Maître Jean Yves Toullec détaille pour ALC les changements que cela va entrainer pour les entreprises françaises établies également à Hong Kong.

ALC : Quelles vont être les conséquences de l’application de cette convention fiscale pour les entreprises ?
Cette convention redonne de la légitimité à Hong Kong comme plate- forme d’accès au marché chinois et plus généralement dans la zone Asie. Alors qu’une convention fiscale existait entre la Chine et la France, l’absence de convention entre la France et Hong Kong plaçait les entreprises françaises qui opéraient en Chine dans une certaine ambiguïté au titre des profits qu’elles réalisaient sur Hong Kong. Il existe une convention fiscale entre la Chine et Hong Kong qui favorise beaucoup Hong Kong et une convention fiscale entre la Chine et la France moins favorable au niveau des retenues à la source.
C’est- à – dire ?
Sur des dividendes rapatriés vers la France la retenue à la source en Chine est de 10% alors que vers Hong Kong elle n’est que de 5%. D’où l’intérêt de passer désormais par Hong Kong pour établir une structure qui détiendrait une activité en Chine puisque les dividendes peuvent remonter vers Hong Kong en ne souffrant qu’une retenue à la source moindre. Il n’y a pas de taxation sur les dividendes distribués à Hong Kong et la filiale peut donc rapatrier ses dividendes sans taxation locale. Grossièrement on passe de 10% à 5% uniquement en faisant le détour par Hong Kong.
Et pour les entrepreneurs qui s’installent à Hong Kong sans pour autant avoir l’intention de se développer en Chine ?
Les difficultés venaient de l’ambiguïté dans laquelle ils pouvaient se trouver car ils n’étaient pas certains de pouvoir éviter, en l’absence de convention fiscale, une double taxation. L’application de la convention ne va pas réduire le poids de la fiscalité française, mais rendra plus lisible un montage passant par Hong Kong, grâce à un mécanisme qui évite la double imposition et rend prévisible la charge fiscale qui va peser sur les résultats.
Les sociétés à Hong Kong supportent un impôt sur les profits de 16,5% mais n’en paient pas si la source du profit trouve son origine en dehors de Hong Kong. Les dividendes distribués ne sont pas taxés non plus et pourront revenir en France où ils seront alors retraités comme des revenus de filiales étrangères. Tout cela est lisible et évite les problèmes de double imposition.
Quels changements pour les entreprises françaises qui implantent une filiale et pour les Français qui créent une entreprise à Hong Kong ?
Cette convention réduit les frottements fiscaux et permet aux entreprises françaises de bénéficier de la fiscalité hongkongaise plus réduite mais ne doit pas être pour autant un instrument d’évasion fiscale ! Ainsi, si la création d’une société à Hong Kong a pour simple but d’éviter l’impôt en France il faut savoir que les dispositifs anti-abus de la fiscalité française ne sont pas désamorcés pour autant.
Ainsi, par exemple, l’article 209 B du Code Général des Impôts prévoit que lorsqu’une filiale est située dans un pays à fiscalité privilégiée ( c’est- à- dire un impôt inférieur à 50% à l’impôt français ce qui est le cas en l’espèce), ses bénéfices sont fiscalisés au taux français si l’entreprise mère détient plus de 50% des parts et qu’il n’y a pas d’activité locale réelle. Ce texte est finalement assez rarement appliqué mais, pour éviter ce risque, il faut que la filiale à Hong Kong ait de la substance.
De la substance ?
Il faut que l’installation à Hong Kong ait une justification économique réelle, que la motivation ne soit pas seulement fiscale. Cela s’apprécie aussi au vu de critères objectifs : des moyens matériels, un bureau, du personnel. Cela exclut donc les montages où manifestement il n’y a aucune présence à Hong Kong et où l’entrepreneur vient une fois par an signer des papiers.
C’est la fin des fameuses boîtes aux lettres ?
Cela continuera sans doute, mais la convention permet à ceux qui veulent faire les choses correctement de disposer de règles fiscales sur lesquelles ils pourront s’appuyer.
L’administration fiscale française aura-t-elle dorénavant un droit de regard sur les entreprises hongkongaises créées par des français ?
Pour le passé non. La convention ne peut s’appliquer que pour les exercices à venir et pour lesquels la procédure d’échange de renseignement s – à laquelle la France tenait absolument pour que la convention soit en conformité avec le modèle O.C.D.E. – pourra être appliquée.
De quelle manière ?
Il y a un certain nombre de garde-fous mis en place par la Convention et des garanties de confidentialité assurés par les règlements hongkongais. Le fisc français ne pourra pas aller à la pêche aux renseignements, il faudra que des questions pertinentes soient posées et en aucun cas sur le passé, mais le secret bancaire ne sera pas opposable aux questions posées par l’administration hongkongaise sur demande de l’administration française
La fin de la « belle époque » et à terme des « off shore » ?
Oui, mais cela va dans un sens général de transparence. Il sera difficile du fait notamment des procédures internes des banques de se cacher derrière des faux nez et bénéficier et de la fiscalité hongkongaise et de la convention. Du côté hongkongais, il n’y a pas non plus une volonté de fermer les yeux.
L’administration fiscale commence à y regarder de près et pratique des contrôles fiscaux auprès des sociétés qui ne payent pas d’impôts à Hong Kong au motif que leurs profits seraient générés en dehors de Hong Kong. Il faut que ce soit une réalité économique or en approfondissant on s’aperçoit que ce n’est pas toujours le cas.
Hong Kong reste –t-elle une place attractive ?
Plus que jamais ! Manifestement il y a une volonté politique de Pékin de faire de Hong Kong une place financière internationale reconnue comme telle et une plateforme pour ses investissements à l’étranger. Une sorte de Zurich asiatique. Les conventions fiscales signées par Hong Kong renforcent son attractivité pour l’installation de sièges sociaux internationaux.
Maître Jean Yves Toullec est avocat et solicitor au sein du cabinet hongkongais Hampton, Winter & Glynn
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