En ouverture de la programmation théâtre du festival croisement, Loin d’Hagondange/Faire bleu, présenté à partir de demain, mêle les époques et les cultures dans une digression autour des thémes de la retraite et des bouleversements sociaux.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la pièce de Jean-Paul Wenzel qui ouvrira demain à Pékin les rencontres du Théatre, a toute sa place dans un festival nommé « croisements ».
Car des croisements, il y en a dans cette oeuvre singulière, créée spécialement pour l’occasion. Interprétée par des acteurs chinois et français, chacun dans leur langue respective (et sous-titré dans les deux langues), il s’agit en effet d’une mise en miroir de deux pièces de Jean-Paul Wenzel, écrites à 25 ans d’intervalle, sur les mêmes thèmes des bouleversements sociaux et du grand vide de la retraite.
Dans la Loin d’Hagondange, écrite en 1975, l’auteur distillait les éclats de vie d’un couple d’ouvriers d’Hagondange (nord-est de la France), dont l’existence ne fut rythmée que par le travail aux aciéries, et qui sont soudain rendus à la vie oisive à l’aube de leur vieillesse.
25 ans plus tard, Jean-Paul Wenzel racontait avec Faire Bleu la pré-retraite d’un couple de mineurs mis au rebut par la fermeture de leur aciérie (remplacée par un parc d’attraction de Schtroumphs!), et qui tentent de combler le vide de la retraite par leur découverte de la société de consommation.
Dans l’oeuvre qui est présentée pour croisements, les deux pièces se télescopent pour en créer une troisième, qui met en parallèle deux périodes historiques, toutes deux présentes dans la Chine d’aujourd’hui.
« Je crois que cette pièce ne serait pas possible ailleurs qu’ici. Car la Chine est l’usine du monde, mais elle est aussi dans la surconsommation de la deuxième pièce« , estime Jean-Paul Wenzel.
La désindustrialisation, un thème présent en Chine
L’histoire de ces vies bouleversées par la désindustrialisation fait également écho à celle des « xiagang », ces ouvriers qui se sont retrouvés sur le carreau lors du désengagement de l’Etat dans l’Industrie, conséquence de la transformation économique du pays. Une histoire de désindustrialisation qui rappelle aussi « à l’ouest des rails », le documentaire de Wang Bing qui raconte la fin d’une classe ouvrière autrefois promise à d’autres gloires par la Révolution chinoise.
Et la pièce croise aussi les cultures et les langues. Montée en partenariat avec le Théâtre National de Pékin, elle est jouée en partie par deux grands noms du théâtre chinois, qui interprètent avec brio une traduction du texte en mandarin.
« Croiser tout cela, c’était un pari un peu fou« , s’amuse Jean-Paul Wenzel. Mais le mélange ne choque pas, au contraire : il donne à l’ensemble une résonance particulière, et un caractère presque universel à ces morceaux de vie.
« En Chine, nous vivons les deux époques au même moment, confirme Chuyan Ning, qui a assisté M.Wenzel dans la mise en scène de la pièce, et en a assuré la traduction. Je pense que les Chinois peuvent être touchés par cette histoire, d’autant que l’écriture est très dépouillée. Ici, nous n’avons pas beaucoup de pièces qui traitent de la condition ouvrière, et le peu qui le font prennent un ton élogieux; elles collent aux grands thèmes de campagne du gouvernement« .
Mais dans Loin d’Hagondange/Faire bleu, pas d’éloges, pas de grandiose. Juste un peu moins de deux heures dans le quotidien de deux couples un peu perdus, qui, à travers le temps et l’espace, interrogent la place de l’Homme dans les bouleversements historiques.
Loin d’Hagondange/Faire bleu, de Jean-Paul Wenzel, coproduit par le Théâtre National de Chine et l’Ambassade de France en Chine à voir du 12 au 19 mai au nine theatre. Tarifs : VIP 380 / 180 / 100 / 80 /40 RMB (étudiants)
La pièce est sous-titrée en chinois et en français
Plus d’infos sur le site du festival croisements
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