En ce début d’année, les médias chinois montrent que la Chine bouge, mais souvent d’une manière que l’opinion publique occidentale a du mal à imaginer. Sur le plan économique, les autorités affichent le soucis de tenter de maîtriser la croissance. Sur le plan politique, l’interdiction des télévisions sur internet semble coexister avec l’expression non censurée d’une opinion publique de plus en plus active. Enfin, certains magistrats affirment leur souhait de voir la peine de mort abolie d’ici 2049.
Selon l’agence Chine Nouvelle, les politiques macroéconomiques chinoises de l’année 2007, qui fait suite à quatre ans de croissance à deux chiffres, seront orientées vers la stabilisation et les ajustements structurels, selon le nouveau principe « d’à la fois bien et vite » (NDT : qui a supplanté celui de « vite et bien »).
Alors qu’en Occident la plupart des analystes financiers vantent les mérites de la croissance de la République Populaire, les éditorialistes chinois pointent presque toujours ses défauts et ses dangers. Cet article n’y fait pas exception, et s’inquiète du déséquilibre entre la consommation et les investissements, dont la croissance est deux fois plus rapide. C’est pourquoi l’Etat s’efforcera en 2007 de faire augmenter les revenus des villes et des campagnes, revalorisant par exemple les salaires minimums afin d’inciter à la consommation. De même, il se préoccupe de la question des excédents commerciaux, et un de ses objectifs sera de diminuer la dépendance du pays aux exportations, en exerçant un contrôle particulier sur les industries polluantes (NDT : source de nombreuses contestations dans les campagnes) et celles grandes consommatrices d’énergie.
Dans le même registre, Zhou Xiaochuan, le gouverneur de la banque de Chine, a rappelé devant l’Assemblée du Peuple que la Chine avait encore des efforts à faire pour la réforme de son système financier. Au delà de considérations techniques sur la réforme de l’actionnariat des banques commerciales d’État et sur les institutions financières rurales, il a jeté un coup de projecteur sur « trois grands problèmes économiques qui doivent être résolus » : la consommation intérieure reste insuffisante pour permettre un développement équilibré de l’économie (qui demeure trop dépendante des exportations), le déséquilibre (favorable) de la balance commerciale, qui se traduit par une « perte de souveraineté de la politique monétaire » (allusion aux pressions américaines à la hausse sur le yuan en raison de l’excédent commercial), et le mauvais fonctionnement du système financier, qui demeure incapable d’assurer une répartition efficace des ressources.
Petite chronique du web chinois : réactions face aux interdictions de télévisions internet
L’agence Chine Nouvelle a informé que sept chaînes de télévision sur internet basées à Pékin avaient été « découvertes » par le bureau de la radio-télévision et qu’elles seraient illégales. Il s’agit de CCNETTV, CIMN, CCENTV, CNTV, VCTV, TVCH et ZYTV. Leurs sites internet restaient accessibles le 4 janvier, à part celui de TVCH. Leur contenu vidéo avait cependant été retiré. Selon cette dépêche, l’ouverture de ces télévisions internet violerait la « loi sur la diffusion de programmes d’information multimédia sur internet » du 10 février 2003, et leurs responsables seraient passibles d’une amende de 10 000 à 30 000 yuan (1000 à 3000 euros).
En réalité, l’obligation d’obtention d’un permis spécial pour diffuser du contenu vidéo sur internet semble dater d’août 2006, édictée par le bureau de radio-télévision, rebaptisé « commission urgente pour la radio-télévision ». Elle s’était faite à l’époque copieusement moquée sur le fameux blog de Wang Xiaofeng, certains commentateurs n’hésitant pas à persifler ouvertement : « interdire leur fait croire qu’ils existent », « il n’y a que la Chine qui ait des règles aussi rétrogrades », « mais quelle idée aussi d’être né en Chine », « les actualités de CCTV sont les programmes de télévision les plus nocifs du monde, on ne pourra jamais avoir pire sur internet ».
L’inquiétude et les réactions des internautes, alors que de plus en plus de blogs vidéos ouvrent en Chine, comme ceux de Sina, ne semblaient pas être censurées. Ont-elles émues les autorités? Une variante de la dépêche initiale est parue deux jours plus tard sur Sohu, avec plusieurs lignes supplémentaires se voulant rassurantes : non, les vidéos personnelles et les blogs ne seraient pas en danger, l’interdiction ne concernerait que les véritables chaînes de télévision d’information sur internet. Cette mise au point n’a apparamment pas convaincu les internautes, qui se sont déchaînés dans les commentaires sur la page de l’article : « le parti communiste est expert en manipulations, l’auteur de cet article n’est qu’un p… de fils de chien, il ment comme il respire », « super, on ne va plus regarder que les télévisions étrangères alors », « pourquoi ne pourrait-on pas faire une télévision du peuple? Le peuple veut entendre la vérité et regarder de vrais informations », « autant être lobotomisés »…
La peine de mort sera abolie en 2049
Depuis près de deux mois, de nombreux articles, souvent écrits ou inspirés par des magistrats de la Cour Suprême, semblent préparer l’opinion à une abolition de la peine de mort (voir notamment notre revue de presse du 9 novembre 2006). Le dernier numéro de l’hebdomadaire libéral Nanfang Zhoumo s’empare lui aussi du sujet, publiant une photo choc d’un condamné à mort en première page, les chaînes aux pieds.
L’hebdomadaire célèbre le retour de l’exclusivité de la peine de mort à la Cour Suprême. Ainsi, elle « revient au ciel », le ciel étant le pouvoir suprême (NDT : anciennement, seul le tribunal de l’empereur pouvait prononcer la peine capitale). Il dévoile aussi l’objectif de certains hauts magistrats et intellectuels chinois : réduire de 2/3 le nombre de condamnations à mort d’ici 2021, et les abolir définitivement en 2049.