Nombreux sont les groupes qui, à l’image des Carsick Cars, créent une musique inspirée et pas commerciale sur la scène underground chinoise. Porté par l’ouverture du pays, le rock indépendant chinois n’a plus rien à envier à Londres et New York, qui n’ont qu’à bien se tenir.

Les Carsick Cars étaient en concert au Yugong Yishan, à Pékin, vendredi 26 juin, pour clore une tournée à travers le pays et présenter leur nouvel album « You Can Listen, You Can Talk ». Tournée au cours de laquelle ce trio a pu constater qu’il s’était fait rapidement connaître hors du milieu underground de la capitale chinoise.
« Dans certaines villes, nous avons été très surpris, explique Shou Wang, l’emblématique chanteur. Nous imaginions que les gens n’avaient jamais entendu parler de nous, mais en fait ils connaissent nos paroles par coeur ».
La formation de rock indépendant n’a que 4 ans mais elle s’affirme comme l’une des références incontournables de la scène chinoise et pourrait même en devenir l’emblème.
Ce nouvel album, plus sombre, moins rapide et mieux produit que les précédents pourrait même lui ouvrir des portes à l’extérieur du pays. On y retrouve nettement les influences que le groupe revendique: les lignes de basse de Joy Division et le chant tracassé de son défunt leader Ian Curtis, le Velvet Underground et Lou Reed. Difficile de ne pas entendre non plus l’inspiration des guitares des new-yorkais de Sonic Youth, groupe emblématique du rock dissonant dont l’un des premiers producteurs s’est chargé de l’enregistrement de You Can Listen, You Can Talk et dont les Carsick Cars ont déjà assuré les premières parties.
Si elle s’inspire de l’extérieur, en matière de rock, la Chine ne donne pourtant pas dans la contrefaçon. « Nous avons écouté beaucoup de groupes occidentaux. Mais nous sommes chinois. Notre histoire est différente et cela se ressent forcément d’une manière ou d’une autre dans notre musique » dit Shou Wang. Les Carsick Cars sont à l’image du rock indépendant chinois : ils font une synthèse de ce qui s’est fait d’intéressant à l’étranger mais y ajoutent leur touche et ne cherchent pas à s’intégrer dans un courant particulier.
A New York et Londres, un passé trop pesant pour les groupes
Surtout, le groupe fait preuve d’une insolente créativité, comme le reste de la scène underground pékinoise, une inspiration à faire passer les capitales mondiales autoproclamées du rock pour des maisons de retraite. « Les portes du pays se sont ouvertes. Le public a soif de choses nouvelles, les musiciens veulent proposer des choses nouvelles. C’est donc beaucoup plus libre pour la création ici » estime Shou Wang, assis dans un canapé dans la loge, guitare sur les genoux, quelques minutes après la fin du dernier rappel.
Dans un fauteuil à côté de lui, un Américain hoche la tête en guise d’acquiescement. « A New York ou à Londres le passé est tel musicalement que cela devient pesant pour les groupes. A Pékin, c’est encore nouveau, ils ont tout appris en 6 ou 7 ans » dit Michael Pettis, professeur de finance à la prestigieuse Université de Pékin et fondateur du D-22, salle devenue le point de repère des amateurs de rock indépendant.
En Chine, les groupes ne s’identifient pas nécessairement à un courant musical particulier puisque ces courants n’ont pas un long passif dans le pays. Ils sont portés par un public de jeunes extrêmement curieux de ce genre de musique et désireux de voir émerger des groupes de qualité Made in China. Le nombre de formations qui montent sur la scène pékinoise est donc impressionnant. Toutes ne sont pas promises à la gloire et toutes n’ont pas le succès des Carsick Cars, mais l’atmosphère de créativité est bien présente.
Beaucoup d’Occidentaux arrivant en Chine s’attendent à trouver une musique plus traditionnelle et s’étonnent de voir des groupes tels que les Carsick Cars. « En Europe ou aux Etats-Unis, les gens connaissent mal la Chine, il leur est difficile de s’imaginer qu’il y a du bon rock chinois » explique Shou Wang.
Force est pourtant de constater que la capitale de la République Populaire voit se former une quantité importante de groupes très créatifs. D’autant plus que les perspectives commerciales restent limitées. Les groupes peu inspirés ou en quête d’une gloire instantanée sont vite balayés de la scène.
« La scène musicale pékinoise est excitante parce qu’elle reste underground sans devenir commerciale, dit Michael Pettis. Personne ne se bat pour l’argent parce qu’il n’y a pas d’argent ».
Ecouter les morceaux des Carsick Cars en streaming sur leur site
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