Un groupement politique veut provoquer des élections partielles et en faire un « référendum » sur la démocratie à Hong Kong. Le gouvernement chinois est monté au créneau, pour montrer que sur la question du suffrage universel, c’est lui qui aura le dernier mot. Mais les démocrates hongkongais perdent patience.

Pour les démocrates hongkongais, « République populaire de Chine » et « suffrage universel » semblent de plus en plus incompatibles. La lecture que le Parti communiste chinois se fait du slogan « un pays, deux systèmes » se précise, et ses détracteurs dans l’ancienne colonie britannique réalisent qu’il faudra lutter pour que les promesses soient tenues.
Après une importante manifestation pour la démocratie pour marquer la nouvelle année, c’est par le biais de l’isoloir qu’ils tentent de mobiliser la société. Le Parti civique et la Ligue des sociaux démocrates, tous deux en faveur de l’adoption accélérée du suffrage universel, envisagent de demander à l’un de leurs représentants dans chacun des cinq districts de la Région administrative spéciale (RAS) de quitter son siège. Il en résulterait des élections partielles qu’ils souhaitent transformer en « référendum » sur la démocratie.
Un défi flagrant pour Pékin
Le geste est risqué pour ces partis qui se réclament du plus large mouvement pan-démocrate. S’ils perdent ne serait-ce qu’un siège, il sera difficile de présenter le vote comme un plébiscite pour le suffrage universel. Le geste est inutile, estiment les éditorialistes de l’influent South China Morning Post, « nous n’avons pas besoin d’un « référendum » pour découvrir si les Hongkongais veulent le suffrage universel, nous savons qu’ils le veulent ».
Ces élections partielles auraient donc pu être une simple formalité et le geste des pan-démocrates passer relativement inaperçu si Pékin n’était intervenu dans le débat. En guise de réponse, le gouvernement central chinois, qui pour ses affinités limitées avec la démocratie suscite la méfiance des Hongkongais, a mis les pieds dans le plat. Le bureau des Affaires de Hong Kong et de Macao du Conseil d’Etat, le gouvernement chinois, a qualifié de « défi flagrant » « fondamentalement en opposition » à la Loi fondamentale l’idée d’un « soi-disant référendum ». Cela « provoquerait des disputes et serait dommageable pour ce qui a été durement gagné. Ce n’est pas ce que le peuple de Hong Kong veut voir » préviennent les autorités chinoises.
Le noeud du problème réside dans l’article 45 de la Loi Fondamentale, la Constitution de Hong Kong depuis son rattachement à la République populaire de Chine en 1997, selon lequel « le but ultime est de choisir le chef de l’exécutif par le suffrage universel sur nomination par un comité de nomination largement représentatif et selon les procédures démocratiques. » Pour le moment, le chef de l’exécutif est nommé par 800 grands électeurs, qui se rangent derrière le choix de Pékin.
Depuis la Rétrocession, la question est donc de savoir quand arrivera le suffrage universel tant attendu. Après avoir échoué à le faire adopter pour 2007, les partisans de la démocratie veulent qu’il soit mis en place en 2012. Pas question pour Pékin, qui a fixé la transition démocratique à 2017, au mieux.
Pourquoi patienter ?
Pour Jean-Philippe Béja, chercheur au Centre d’études français sur la Chine contemporaine à Hong Kong, la question du suffrage universel est au cœur des revendications du courant démocrate depuis sa fondation. « Pour eux, les justifications de Pékin sur les délais pour la mise en place du suffrage universel ne tiennent pas. De plus, ils craignent que Pékin n’accorde pas un véritable suffrage universel direct. Ils veulent montrer que les Hongkongais sont prêts et sont favorables à des élections directes » explique-t-il.
Les dirigeants de Pékin craignent par dessus tout que Hong Kong ne fournisse un exemple aux habitants du Continent, note M. Béja. « Ils ne peuvent donc pas tolérer un véritable suffrage universel car ils savent – et les élections depuis 1991 l’ont prouvé en accordant 60% des voix de façon constante aux démocrates – que leurs partisans perdront les élections. Ils craignent donc par dessus tout un référendum qui montrerait que la majorité des habitants de la RAS est favorable au suffrage universel direct. Et ils ne font confiance à personne pour empêcher le rérérendum de se tenir. C’est pourquoi ils interviennent directement, affaiblissant encore un peu plus un Donald Tsang déjà fort impopulaire ».
Le lendemain du communiqué du gouvernement central, c’est le chef de l’exécutif hongkongais lui-même qui est monté au créneau, en précisant qu’il n’était pas question de parler de référendum sur la question. Son intervention a conforté un peu plus le camp démocrate dans l’idée que M. Tsang est inféodé à Pékin et est intervenu après s’être fait remonter les bretelles.
Ne plus jouer le jeu du démocrate sympathique
Mais l’intervention directe du gouvernement central dans le débat pourrait se révéler maladroite. « Cela a tendance à donner une valeur de référendum à une élection que les Hongkongais avaient du mal à comprendre. Ils braquent les projecteurs sur cette affaire et lui donnent une publicité qu’ils ne souhaitaient pas lui donner » relève Jean-Pierre Cabestan, professeur à l’Université baptiste de Hong Kong.
Or si le PCC, décomplexé, a décidé de se faire entendre, le moment est mal choisi. « Il y a un durcissement de certains segments de la société hongkongaise, notamment dans la jeunesse. On l’a vu lors des manifestations du 1er janvier (en faveur de la démocratie), on l’a vu ces derniers jours avec les manifestations contre un coûteux projet de nouveau train (entre Hong Kong, Shenzhen et Canton) », constate M. Cabestan. « Avec la crise et cette relation extrêmement confortable de complicité entre l’establishment capitaliste de Hong Kong et le pouvoir communiste de Pékin, il y a un ressentiment, notamment dans la jeunesse, et une certaine polarisation politique. Certains ne veulent plus jouer le jeu du démocrate sympathique ».
Pour Jean-Pierre Cabestan, ce ressentiment fusionne « avec une prise de conscience des Hongkongais par rapport à la Chine, avec l’affaire Liu Xiaobo ou la censure de l’internet« . « Quand on a des avenues de l’information électronique qui fonctionnent extrêmement rapidement, évidemment on regarde avec perplexité toutes ces entraves à la liberté d’information en Chine. Les jeunes Hongkongais comprennent qu’il va falloir qu’ils se battent pour obtenir les choses » dit-il.
Car c’est ce même régime, montrant à l’heure actuelle des signes de durcissement sur les libertés politiques, qui est censé leur concéder le suffrage universel. Lorsqu’il évoque la démocratie à Hong Kong et les échéances qu’elle implique, le Parti communiste parle au conditionnel et entend procéder à sa manière.
Ainsi, fin décembre 2009, Lew Mon-hung, représentant de Hong Kong au Comité National de la Conférence Consultative du Peuple Chinois et consultant dans la finance, expliquait que le système « une personne, une voix » n’est écrit nulle part dans la Loi fondamentale et que Hong Kong devrait respecter les décisions du gouvernement central, avant de préciser sa penser:
« Hong Kong fait partie de la Chine. Certaines personnes se trompent si elle pensent que Hong Kong peut avoir son propre système politique ».
A lire aussi:
– Pour Pékin, pas question d’organiser un référendum à Hong Kong
– Les autorités hongkongaises accusées d’avoir livré un dissident à la Chine continentale