Mme Wang observe du coin de l’oeil ses élèves quinquagénaires qui évoluent gracieusement sur une musique sirupeuse: elles portent toutes comme elle la qipao, robe moulante emblématique du Shanghai des année 20

C’est le film « In the mood for love » où l’actrice Maggie Cheung arbore des qipaos toutes plus chic les unes que les autres « qui m’a donné l’inspiration », avoue Wang Weiyu, robe vert amande brodée main de fleurs fushia, brushing impeccable et pendants aux oreilles. « Mais autrefois ma mère portait ces robes tous les jours ».
Le « salon de la qipao » qu’elle a créé en 2007, a décollé après une émission de télévision et fait tant d’émules que des groupes de fans se retrouvent régulièrement dans tous les districts de la métropole. « La qipao a 300 ans d’histoire », explique Mme Wang, « c’est l’un des signes distinctifs de la culture shanghaienne ». Shanghai s’était réappropriée à partir des années 20 ce large et long vêtement de cour porté sous la dynastie mandchoue des Qing, mais en le redessinant avec une coupe très près du corps. Portée par les actrices et les intellectuelles dans la « perle de l’Orient », la qipao était devenue le symbole d’une femme moderne qui montrait soudainement ses jambes et ses bras, la quintessence de la féminité et du raffinement.
Aujourd’hui 370 Shanghaiennes « de 22 à 70 ans » – enseignantes, avocates, comptables, retraitées – se pressent dans le salon de Mme Wang plusieurs fois par semaine pour faire vivre cette robe de soie moulante au petit col montant, sous le genou, fendue des deux côtés jusqu’à mi-cuisse et brodée main de fleurs ou de dragons.
La qipao est « plus qu’une robe, elle touche à la culture et à la tradition », dit Mme Wang, ancienne enseignante de japonais de 62 ans. D’ailleurs ses élèves apprennent chez elle non seulement comment danser en portant la célèbre robe, mais aussi « l’étiquette: comment s’asseoir, marcher, se comporter, ou choisir les bons accessoires pour accompagner la qipao ».
Dans la salle de danse où elles s’entraînent ce jour-là face aux miroirs, des dizaines de femmes toutes vêtues d’une qipao différente, port altier et manières délicates, répètent sur des mélodies langoureuses ou entraînantes une danse avec des ombrelles de couleur, des éventails, des lanternes rouges. Elles sont de plus en plus souvent invitées à des galas de charité, des réceptions officielles et voyagent jusqu’à Taiwan.
Toutes ces femmes, généralement d’âge mûr, et « de bonne éducation » insiste Mme Wang, ont réussi à rester minces. L’une d’entre elles avoue avoir perdu 10 kg depuis qu’elle porte la qipao, une robe absolument sans pitié pour les rondeurs. « Les femmes de cet âge n’ont pas pu, à leurs 20 ans, à l’époque où elles étaient les plus belles, porter des robes colorées », explique Mme Wang en allusion aux rigueurs de la Révolution culturelle, « elles ne savaient pas porter ces robes! » Ca a changé.
« Quand je porte la qipao je me sens belle, ça me met de bonne humeur », dit Wei Jiali, 47 ans, qipao bleu Klein brodée de jaune d’or.
Zhou Fengying, elle, robe rose aux motifs fleuris, qui n’avait pas l’occasion de porter la qipao avant, s’en pare pour aller au salon de thé avec ses « vieilles amies ». Elle est devenue incollable sur la robe qui peut coûter jusqu’à 5.000 yuans (500 euros) et sur le code vestimentaire. « Il faut toujours certaines couleurs pour certaines occasions », dit cette comptable de 53 ans impeccablement coiffée.
« Si vous allez au concert, vous ne voulez pas être trop voyante, mais plutôt classique, alors par exemple portez une robe foncée avec des broderies dorées ». « Si vous allez à la maison de thé », poursuit-elle, « plutôt une robe assez sobre, jaune clair ou gris clair, avec des motifs brodés, comme des bambous ». Et surtout, « si vous allez à un mariage, la robe ne doit pas être trop colorée ni extravagante: il ne faudrait pas voler la vedette à la mariée, ce serait très embarrassant! »
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