En Chine, élever son enfant dans de bonnes conditions n’est pas chose facile, même pour ceux qui appartiennent à la « classe moyenne ». Le cruel manque d’infrastructures, de services publics, ainsi que le prix de l’éducation entraînent de plus en plus de jeunes couples à hésiter à procréer.

Dans un quartier résidentiel de la banlieue de Pékin, au-delà du 5e périphérique, des dizaines de tentes sont plantées devant une école maternelle. Voilà quelques jours que des parents y campent, et ils comptent bien y rester encore quatre jours.
Car le 8 octobre, c’est l’ouverture des inscriptions pour l’année scolaire 2011. Et dans ce quartier où vivent près de 7000 familles, dont beaucoup de jeunes couples, c’est la seule école maternelle. Seuls 68 enfants auront la chance d’y être inscrits.
Cette anecdote, rapportée le 4 octobre dans la presse chinoise, est révélatrice des difficultés que rencontrent beaucoup de Chinois qui veulent élever leurs enfants dans des conditions décentes.
Hier, quand nous arrivons devant l’école pour y interroger les parents, l’endroit est vide; il n’y a plus de tentes. Juste un communiqué du bureau de l’éducation du district de Chaoyang, que lisent quelques parents : « l’inscription a finalement eu lieu hier, de 22H15 à 23H. Si vous n’y étiez pas, veuillez repasser le 8 octobre, à 17H« .
Pour les parents qui ont raté l’inscription, la déception est grande : « Ils ne nous ont même pas prévenus!« , lance une femme. « Comment voulaient-ils qu’on vienne à 22H15 pour s’inscrire?« , peste une autre en surveillant du coin de l’oeil son bambin.
« Dans ces conditions, nous, les gens du commun, nous n’avons aucune chance de trouver une place pour nos enfants« , marmonne un vieux. « Il y avait au moins 100 personnes qui campaient hier, et qui se sont inscrites. Pas la peine de revenir le 8! Comment pourrait-il rester des places?«
« Les Chinois sont trop nombreux »
« Mon enfant a 1 an et demi. Je voulais l’inscrire en internat ici, car moi et ma femme sommes souvent en voyage d’affaires à travers le pays. Mais il n’y a plus de places, maintenant« , soupire Zhou, amer.
A 35 ans, Zhou travaille dans l’immobilier, et sa femme dans le commerce international. Il y a quelques années, ils ont réussi à se payer un appartement dans ce quartier de banlieue assez moderne.
Bien que Zhou ne gagne pas des fortunes, il était prêt, avec sa femme, à payer les 2000 yuans par mois que demande cette école privée. « Ce n’est pas donné, explique-t-il. Mais là, ce n’est plus une question d’argent. Nous pourrions consacrer presque tout notre salaire à notre fils, car nous n’avons pas le choix ».
En effet, la seule option, pour ceux qui n’ont pas réussi à inscrire leur enfant, reste de le faire garder par l’une des nourrices privées qui abondent dans le quartier.
Mais cette perspective ne l’enchante pas : « les conditions sont très insuffisantes chez les nourrices, par rapport à cette école où ils peuvent apprendre l’anglais. Ça ne le fait pas partir sur de bonnes bases. En plus, je ne serais pas très rassuré de le laisser à un inconnu« .
« Le problème, c’est que les Chinois sont trop nombreux, explique Zhou. Surtout à Pékin. Et les services publics ne sont pas du tout assez développés. Pour aller consulter à l’hôpital, il faut faire la queue des jours entiers pour espérer obtenir un numéro, puis il faut attendre son tour. Sans compter le prix! Et sur le marché du travail, il y a dix personnes pour un poste! Et maintenant, comment je vais faire si mon enfant ne va pas à l’école?«
Ceux qui ne veulent pas d’enfant
Conséquence de ces difficultés : de plus en plus de jeunes renoncent, et décident tout simplement de ne pas faire d’enfant.
C’est le cas de Xiao Ming. A trente ans, cette cadre d’entreprise gagne 4000 yuans par mois, ce qui est déjà supérieur de 1000 yuans au salaire moyen des Pékinois.
« Un enfant, c’est un investissement énorme, non seulement de la part des deux parents, mais aussi des quatre grand-parents« , explique-t-elle.
« Les frais scolaires mensuels coûtent cher, et dans l’immense majorité des cas, ils ne suffisent pas. Comme il y a trop de gens pour trop peu de places, il faut non seulement avoir si possible des « pistons » (guanxi), mais il faut aussi payer des sortes de pots de vin à l’école, qui peuvent facilement valoir 80 000 yuans… Et une fois que tu as réussi à inscrire ton enfant à l’école maternelle, il faut penser au primaire, puis au collège, à l’université… Pour espérer qu’il ne se retrouve pas au chômage! »
Comme elle n’estime n’avoir ni les moyens financiers, ni le temps puisqu’elle travaille beaucoup et fait régulièrement des heures supplémentaires, Xiao Ming a donc décidé de ne pas faire d’enfants. Et parmi ses amies, ce n’est pas la seule à y être résolue, malgré les pressions des familles.
« Dans ce système, tout est compétition. il faut jouer des coudes pour n’importe quelle petite chose. C’est trop dur. Par contre, avec nos maigres retraites, c’est sûr que ceux qui ont un enfant auront au moins l’avantage d’être soutenus quand ils seront vieux« , concède-t-elle.

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