Dans le centre du Zhejiang, une province de l’est de la Chine, Yiwu, le plus grand marché au monde de petits biens de consommation, ne rêve que d’expansion, en plein coeur d’une crise qui a pourtant commencé à mordre sur son activité.

Yiwu, c’est un inventaire à la Prévert, à perte de vue: quincaillerie, parapluies, objets de décoration, de cuisine, chaussettes, jouets, bijoux, petits appareils électriques, sacs, matériel de camping…
Depuis octobre et l’ouverture de sa troisième tranche, le « marché international des petits articles » et ses 62.000 stands, s’étalent sur quatre millions de mètres carrés, sept ans après le premier coup de pioche sur le site. « A raison de trois minutes par fournisseur durant les huit heures d’ouverture quotidiennes, il faut seize mois pour en faire le tour », relève le vice-maire de la ville, Li Xuhang.
Pourtant, une nouvelle extension est déjà dans les tuyaux, pour arriver à 5 millions de m2 en 2010. « Parfaitement, le moment est approprié. Nous avons déjà une partie des financements, nous saisissons l’occasion », affirme Ding Yunfeng, vice-président de CCC, China Commodities City group, gestionnaire du marché, dont les autorités locales détiennent 56% des parts. « J’ai absolument confiance », dit-il dans un éclat de rire. « Parce que nous ne faisons pas le même métier qu’ailleurs ». « Yiwu s’en sort plutôt bien. Nous faisons des produits de forte demande. Riches, pauvres, tout le monde les utilisent. Avant la crise, la préférence du consommateur va peut-être au luxe mais après, il y a le produit chinois », explique de son côté Li Xuhang. Il est vrai que la chaussette ou la fermeture éclair sont des articles incontournables et que Yiwu se targue de compter les cinq plus grands fabricants au monde de chaussettes et la première usine de fermetures éclair (Lalian Zipper).
Néanmoins, les responsables locaux le reconnaissent: l’activité ralentit « depuis la fin du premier semestre 2008 ». Li y voit trois raisons principales: l’augmentation de 12 ou 13% des coûts du travail, l’appréciation du yuan et la hausse des prix des matières premières, le tout durant une année olympique avec restriction de visas. La crise mondiale a exacerbé les difficultés. Résultat: 12% de progression du produit intérieur brut, contre 15% et plus habituellement. La fréquentation aussi a baissé, notamment à la grande foire annuelle d’octobre. Les commandes ont chuté de 3,2%, au lieu de progresser de 10-15%; le nombre de visiteurs étrangers a reculé de plus de 5%. « En 2008, 55% de nos marchandises ont été exportées contre plus de 60% l’année précédente », admet Ding Yufeng.
Pour certains, la crise frappe dur. « Les affaires, quelles affaires? Depuis des mois, on n’en fait plus », s’exclame Mme Liao dans sa boutique bourrée de bric à brac, du porte-clefs au collier de chien. « Mon chiffre d’affaires a dû chuter de 20-30% depuis le deuxième semestre. On espère que ça ira mieux après le Nouvel an chinois », soupire Miss Wang tout à sa broderie dans son stand de parapluies vide. Le matin dans les allées, on ne se bouscule pas. Après le déjeuner, c’est même désert. Les commerçants commencent à baisser le rideau, dix-douze jours avant le Nouvel an lunaire. « D’habitude, ils travaillaient jusqu’à cinq jours avant la fête », comment Yann Salaün, un jeune entrepreneur français installé à Yiwu.
Un peu partout des affichettes proclament qu’il y a du stock disponible. « On prévoit un premier semestre 2009 difficile, mais après ça va s’améliorer, surtout avec la chute du baril de pétrole », assure Ding. D’ici là, certains travailleurs précaires prendront leur temps pour revenir à Yiwu. A la gare, chargée de paquets, Xie Chunling, « travailleuse manuelle » s’apprête à rentrer dans sa province du Jianxi: « on reviendra, oui, mais on verra quand ».