Récemment libéré pour être placé en résidence surveillée, l’artiste dissident Ai Weiwei a interdiction de parler aux médias, ainsi que d’utiliser Twitter. Deux règles qu’il a enfreint cette semaine.

« Ai Weiwei speaks » (Ai Weiwei parle). C’est sous ce titre accrocheur que les lecteurs du quotidien gouvernemental conservateur en langue anglaise Global Times ont pu découvrir, cette semaine, la première interview de l’artiste depuis sa récente « libération ».
Le 22 juin dernier, les autorités avaient en effet mis fin à la détention illégale de l’artiste, mis au secret pendant 81 jours et officiellement accusé d’évasion fiscale.
Mais cette « libération », qui lui a permis de retrouver son studio de Caochangdi – un village d’artiste à l’orée de Pékin -, était accompagnée de restrictions : interdiction de sortir de la capitale pendant un an, interdiction de donner des interviews, ainsi que de s’exprimer sur Internet, et notamment sur son compte Twitter, suivi par plus de 98 000 personnes.
Une interview douteuse
Mercredi, le Global Times, qui il y a quelques mois encore publiait des articles très virulents a son encontre, a donc créé la surprise en publiant une double page d’interview, sous-titrée « Relaxé mais fringant, Ai Weiwei acquiesce : « personne n’est au dessus des lois« .
Une interview d’autant plus surprenante qu’on y trouve un Ai Weiwei vraisemblablement assagi, qui déclare que « renverser le régime au travers d’une révolution radicale n’est pas la solution pour résoudre les problèmes de la Chine« , et que « la chose la plus importante est d’avoir un système politique scientifique et démocratique« .
Des opinions modérées qui tranchent avec ses propos passés, lorsqu’il qualifiait les dirigeants chinois de « gangsters » et le régime actuel d' »inhumain« .
« Je n’éviterai jamais la politique, aucun d’entre nous ne le peut. Nous sommes dans une société politisée », concède-t-il tout de même, en ajoutant que si « on peut vivre une vie plus facile en abandonnant certains droits« , lui « n’arrêtera jamais de se battre contre les injustices« .
M.Ai a cependant déclaré hier au South China Morning Post que certaines informations relatées par le quotidien n’étaient « pas précises, et pas objectives ».
Le retour d’Ai sur Twitter
Depuis la semaine dernière, Ai Weiwei a également commencé à revenir sur Twitter, enfreignant ainsi les conditions fixées à sa libération. Et s’il a commencé par poster des messages anodins, disant juste « bonjour » ou parlant de sa perte de poids, il n’a pas tardé à revenir au ton plus offensif qui le caractérise.
« Si vous vous levez pas pour Wang Lihong, ni pour Ruan Yunfei, non seulement vous êtes de ceux qui ne se lèvent pas pour l’équité et la justice, mais en plus vous n’avez pas d’amour propre« , a-t-il écrit le 9 août.
Ruan Yunfei, un bloggeur dissident arrêté en février dernier, a depuis été « libéré » et placé en résidence surveillée. Wang Lihong, quant à elle, est une militante dont le procès pour avoir « perturbé l’ordre public » a commencé ce vendredi matin.
Dans un autre Tweet, Ai Weiwei s’est également lamenté sur le sort de quatre de ses collègues « illégalement détenus à cause de moi« , et qui ont subi des « actes de torture physique et mentale« .
81 jours dans 4m2
Après les déclarations sur le sujet de sa soeur, en juillet, de nouvelles informations sur ses conditions de détention sont par ailleurs sorties dans la presse, via des sources proches de lui qui ont souhaité rester anonymes.
Selon une source de Reuters, il aurait été interrogé plus de 50 fois durant sa détention, et menacé d’écoper d’une peine de 10 ans de prison pour incitation à la subversion. Lors de ces interrogatoires, il aurait été très peu question de fraude fiscale, mais plus particulièrement de son implication supposée dans les appels aux manifestations de jasmin, en février dernier, qu’aucun fait connu ne vient pourtant attester.
Selon une autre source de la BBC, Ai Weiwei a passé la plupart de ses 81 jours de détention dans une pièce de 4 m2 sans fenêtre, en compagnie de deux gardiens qui le fixaient en permanence et a qui il devait demander l’autorisation pour boire ou aller aux toilettes. Ces conditions, qui étaient destinées à le briser mentalement, lui ont fait se sentir « proche de la mort« .
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Pour suivre Ai Weiwei sur Twitter en chinois: @aiww
Le compte commun @aiwwenglish propose également une traduction (non officielle) de ses Tweets en anglais.
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