L’Egypte de Moubarak avait coupé Internet au plus fort du soulèvement. La Chine a une approche plus ciblée : elle punit les réseaux sociaux qui ont diffusé des « rumeurs » en privant de commentaires les internautes pendant trois jours.

Seize sites ont également été fermés et six personnes ont été interpellées pour « propagation de rumeurs » (une première information officielle avait fait état de 1 000 interpellations, mais a vite été retirée).
Ce sont les récentes rumeurs de coup d’Etat dans le pays, consécutives à l’éviction d’un des principaux dirigeants du Parti communiste, Bo Xilai, qui ont suscité cette mesure sans précédent de censure visant Weibo, l’équivalent chinois de Twitter lancé par le groupe privé Sina.com et qui compte plus de 200 millions d’utilisateurs, ou la très populaire messagerie instantanée QQ de Tencent.
La crise politique à la direction communiste a été suivie jours après jours en direct sur la Toile, là où, une décennie plus tôt, les Chinois n’en auraient rien su jusqu’au jour où un dirigeant aurait manqué sur la photo, selon les meilleures traditions.
Ainsi, le dessin impertinent ci-dessus, signé « le poivre perverti », et présentant la direction du Parti communiste chinois, toujours dirigé par Mao Zedong, embarquant à bord du Titanic, a été mis en ligne le 26 mars sur un compte de la plateforme de microblogging Weibo comptant plus de 100 000 abonnés, puis « harmonisé », le mot humoristique employé par les internautes pour parler de la censure. Une capture d’écran avait été faite à temps par le site China Media Project de Hong Kong…
Les rumeurs de remous dans l’armée ont été largement relayées par Weibo ou Tencent, aujourd’hui victimes des représailles des autorités.
« Procéder à un nettoyage »
L’annonce qui a surpris tout le monde est effective de samedi à mardi, et prive de la fonction de commentaires les utilisateurs des deux plateformes. Les internautes peuvent toujours émettre des messages, mais ne peuvent plus commenter ceux des autres, un des vecteurs les plus efficaces pour relayer les rumeurs…
Tencent, une société privée, a ainsi expliqué la mesure à ses utilisateurs :
« Les rumeurs et les informations illégales et nuisibles propagées par microblog ont eu des mauvaises répercussions sociales. Il est nécessaire de procéder à un nettoyage. »
Les réactions sont vives parmi les internautes chinois, devenus de plus en plus audacieux et habiles. Certains se sont exprimés par dessins.
D’autres appellent carrément à la résistance, et prônent le recours aux plateformes étrangères interdites, comme Twitter, accessible via des proxies, des logiciels de contournement de la « muraille de Chine électronique ». Les Chinois sont devenus experts dans l’utilisation de ces systèmes anticensure.
Comme le souligne Séverine Arsène, dans une thèse publiée intitulée « Internet et politique en Chine » (éd. Karthala) :
« L’existence de plateformes d’expression en ligne permet la formation de mouvements de masse qui ont des conséquences importantes sur la vie politique chinoise. Le gouvernement ne peut plus l’ignorer, il n’est plus entièrement maître de l’agenda et il doit montrer qu’il réagit. »
En bloquant les commentaires pendant trois jours, le gouvernement montre qu’il est en effet capable de réaction et n’entend pas perdre le contrôle. Il est fort à parier que ce ne sera pas suffisant pour faire taire des citoyens/internautes qui ont pris goût à la parole libérée.
Les internautes avaient déjà trouvé le moyen de contourner la récente imposition de la règle de la véritable identité pour pouvoir créer un compte sur les plateformes de microblogging.
Cette affaire est le signe le plus sûr de la nervosité des autorités chinoises face à la libération de la parole générée par le développement du Web, et singulièrement depuis le succès fulgurant des sites de microblogging comme Weibo.
« Plus entièrement maître de l’agenda »
Jusqu’ici, la cybercensure avait réussi à contenir les retombées politiques de cette liberté toute relative, surtout sur les sujets sensibles. Elle était moins efficace à empêcher les émotions collectives, comme l’an dernier lorsqu’une vidéo montrant une fillette écrasée par une camionnette dans l’indifférence générale avait bouleversé la Chine.
C’est la première fois que sur une affaire interne à la direction du Parti communiste, surtout à quelques mois d’une échéance majeure avec le renouvellement de toute la direction du Parti, Internet joue le rôle de témoin et commentateur en direct des événements.
Un article de notre partenaire Rue 89
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C’est cool la Chine.
La pire des cyber-répression consisterait en 16 sites et 3 jours de commentaires bloqués…
Autant interdire à un chat de pisser dans le Yangtsé pour réduire la salinité du pacifique…
Encore un double plus fort tour de vis sans précédent augmenté comme jamais !