La chancelière Angela Merkel vient de quitter la Chine après une courte visite durant laquelle le partenariat entre les deux plus gros exportateurs mondiaux a été renforcé. L’Allemagne est le premier partenaire économique de la Chine en Europe, loin devant la France. Comment expliquer cet insolent succès?

L’industrie allemande a de beaux jours devant elle en Chine. Durant sa visite de quatre jours qui s’est terminée dimanche, Angela Merkel et sa délégation ont signé une série d’importants accords incluant entre autres la création de joint-ventures entre de grandes entreprises des deux pays, le renforcement du partenariat économique et un plan de coopération dans le secteur des énergies vertes.
L’Allemagne semble donc bien partie pour conserver son statut de premier partenaire économique européen de l’empire du milieu. En 2009, les deux pays avaient échangé près de 700 milliards d’euros, soit presque le double de l’année précédente.
La visite de la chancelière allemande tranche avec celle du Président français, en avril dernier. Tentant de faire oublier la brouille qui avait accompagné les jeux Olympiques de 2008, M.Sarkozy s’était alors efforcé de se réconcilier avec les dirigeants chinois, première étape nécessaire au futur établissement de partenariats économiques.
La différence dans la teneur de ces deux visites d’Etat illustre également le succès prononcé des entreprises allemandes en Chine.
« On ne sais pas travailler ensemble »
Pour Hervé Denis, directeur général adjoint de l’entreprise de protection périmétrique DIRICKX, le succès des entreprises allemandes en Chine est avant tout dû à une certaine culture d’entreprise.
« Les entrepreneurs allemands qui viennent en Chine possèdent un esprit de groupe qui leur est très utile, alors que nous autres Français, nous marchons chacun pour soi, explique t-il. Par exemple, j’ai observé qu’à la Chambre de Commerce Européenne, quant un entrepreneur allemand rencontre un problème, il se met autour d’une table avec d’autres pour en discuter. Nous, quand on fait des erreurs, on préfère prétendre que tout va bien« .
Selon Hervé Denis, cet esprit de groupe ne se limite pas à la discussion, mais va jusqu’à la coopération entre les différentes entreprises. « Les entreprises allemandes, quand elles viennent en Chine, ont recours à d’autres entreprises de leurs pays, par exemple pour la sous-traitance. Nous, les PME françaises, quand on demande de travailler avec les grands groupes, on est trop souvent regardé avec dédain. Le problème, pour résumer, c’est qu’on ne sais pas travailler ensemble. D’ailleurs, il n’y a qu’à voir le chantier de l’ambassade de France à Pékin pour s’en convaincre! »
Une entraide et une fidélité aux entreprises du pays d’origine effectivement très présente, comme l’expliquait en 2008 Christophe de Maistre, directeur français et germanophone de la Division Automation, Drives, Low Voltage du géant Allemand Siemens, au magazine Connexions.
« Siemens (…) a besoin en Chine de ses sous-traitants déjà qualifiés. Pour préserver le même niveau de qualité, Siemens pousse ses sous-traitants à venir en Chine. En retour, Siemens les accompagne, met à leur disposition des bureaux, fait tout ce qu’il faut pour favoriser leur installation en Chine. (…) Tout est lié à cette question de loyauté. Siemens change très rarement de sous-traitants. Pour les garder, elle leur accorde un soutien opérationnel pour leur mettre le pied à l’étrier. »
Une question de culture d’entreprise, donc, mais pas seulement.
« Il faut comparer ce qui est comparable, tempère un jeune entrepreneur français qui a voulu garder l’anonymat. C’est vrai que les Allemands sont plus offensifs et plus organisés que nous mais ils sont surtout présents dans tous les secteurs industriels. La raison pour laquelle ils sont plus compétitifs que nous est donc aussi qu’ils ont des PME et des TPME dans tous les domaines, alors que les Français, non. Ce qui explique que dans certains secteurs en Chine, on ne trouve que des Allemands et jamais de Français. »
La force d’une diplomatie constante
Au delà des entreprises elles-mêmes, le rôle des relations diplomatiques n’est pourtant pas à négliger si l’on veut comprendre le succès allemand en Chine.
La position allemande vis-à-vis de la Chine (reconnaissance de la politique d' »une seule Chine ») est en effet considérée comme clairement définie par les Chinois, alors que sur ce plan, la France a été desservie par l’épisode des J.O, en 2008.
Nicolas Sarkozy avait en effet menacé de boycotter la cérémonie d’ouverture si la Chine ne reprenait pas le dialogue avec le Dalaï-Lama, avant de changer d’avis, et de se rendre à Pékin en août. Ce changement de position avait été perçu en Chine comme une indéniable marque de faiblesse et d’inconstance. Quelques mois plus tard, la rencontre entre le Président français et le Dalaï-lama en Pologne avait encore renforcé la colère de Pékin.
Et malgré les efforts prodigués depuis par la diplomatie hexagonale pour rattraper le tir, en Chine, la France reste en mauvaise posture comparée à son voisin allemand.
C’est pourquoi, en attendant la visite en France du Président Hu à l’automne, qui devrait s’accompagner d’une série de signatures de contrats, on se rassure comme on peut du côté français, en se félicitant notamment que la chancelière allemande ait laissé à la France le soin de signer les gros contrats prévus avec Airbus.
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