Professeur à l’université de Tokyo, diplomée en russe et en sciences politiques, Janick Magne, au Japon depuis 33 ans, se présente aux élections législatives pour les Français de l’étranger en juin 2012, sous les couleurs d’Europe Ecologie-Les Verts.

Retrouvez l’actualité de la campagne législative dans la 11ème circonscription des Français de l’Etranger (Asie-Pacifique) et les entretiens avec les candidats – Marc Villard (PS), Thierry Mariani (UMP) , Paul Dumont (Alliance centriste) … – sur Aujourd’hui la Chine.
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Pour la première fois, les Français de l’Étranger vont élire leurs députés. Qu’est ce qui, dans votre parcours personnel, a motivé votre candidature dans la 11ème circonscription?
Janick Magne : En 33 ans d’expatriation au Japon, j’ai eu l’occasion d’être très active dans le tissu associatif, et je me suis continuellement engagée pour la défense des intérêts des Français de l’Étranger. Je suis membre de longue date de l’Association des Familles Franco-Japonaises du Japon (AFFJJ), que j’ai représenté au sein de différentes commissions consulaires, sur les questions d’aides sociales ou de bourses.
Depuis mon arrivée, je participe aux travaux de l’ADFE, qui agit plus largement pour la défense des intérêts des Français du Monde. Les attentes des électeurs de la 11ème circonscription, je les partage, et les défend depuis longtemps, ma candidature poursuit cet engagement.
Pourquoi cette transition de l’associatif vers la politique, et plus particulièrement vers l’écologie ?
C’est depuis que mes enfants sont devenus autonomes que j’ai pris la décision du militantisme. Une voie difficile pour les expatriés : nous sommes coupé des sources d’informations, de l’activité des partis de métropole, et les partis locaux ont du mal à reconnaître notre engagement.
J’ai pu trouvé un écho à ma sensibilité de gauche au sein de l’ADFE, mais il m’a semblé important de renforcer mon rôle dans la société. Mon objectif était non seulement de défendre mes idées, mais aussi de les mettre au service de mon pays.
La catastrophe de Fukushima a précipité cet engagement, et l’ouverture d’Europe-Ecologie-Les Verts m’a permis de lui donner plus de sens. Les combats menés par ce parti correspondent à mes idées, sur les OGM, le gaz de schiste, par exemple. En tant que Française du Japon, j’ai surtout pu apporter ma pierre au débat sur le nucléaire, qui touche tous les Français et beaucoup de pays de la 11ème circonscription.
Vous avez été à la rencontre des réfugiés de Fukushima et même visité la zone interdite… Quels impacts ont eu ces expérience sur vos idées et votre discours ?
Je crois qu’il important de pouvoir témoigner des conséquences de cette catastrophe pour que la souffrance des Japonais puisse servir à quelque chose.
Il s’agit d’un danger invisible, face auquel les populations sont passives. A Fukushima, les maisons n’ont pas bougées, les rideaux sont aux fenêtres, à part la mauvaise herbe, tout paraît impeccable. J’ai vu des habitants de la préfecture continuer à faire leur footing sans protection dans des zones à la radioactivité et au taux de radio-particules très importants.
Les pouvoirs publique se doivent de mener des missions d’éducation sur les conséquences, la probabilité forte et le coût d’un accident nucléaire… S’il ne le fait pas, c’est au militantisme politique d’attirer l’attention des citoyens sur cette menace et de faire en sorte que les autorités la prennent en compte.
A l’heure d’aujourd’hui la plupart des États se bornent à un discours sur le faible coût de cette énergie, qui ne prend pas en compte le démantèlement ou le stockage des déchets. Le nucléaire est à la fois un risque et un gouffre financier.
L’écologie et la défense des droits des Français de l’Etranger … ces deux combats sont-ils pour vous liés ?
D’une part, la question du nucléaire touche directement les Français de la 11ème circonscription. De l’ex-URSS au Japon, elle couvre la zone la plus nucléarisée de la planète, et le 11 mars a montré que tout le monde est concerné par le risque. D’autre part, je pense que les Français de l’Etranger se posent la question du retour, pour eux ou pour leurs enfants.
Ils ont le droit de participer à un débat qui touche directement à l’avenir de la France pour pouvoir décider de ce qu’il vont y retrouver. Faut-il amorcer une transition énergétique dès maintenant, ou léguer le risque et le coût du nucléaire aux générations futures ?
Dans votre profession de foi, vous déclarez vouloir être “l’interprète des besoins et problèmes” des Français de l’Étranger. De l’Ukraine à l’Océanie, comment faire la somme de situations d’expatriation si diverses ?
Les Français de l’étranger ont des questions et des attentes communes, quelque soit le pays. Et la plupart ne sont pas neufs…
L’accès à l’éducation de qualité et gratuite ? J’entends ça depuis 33 ans. La gratuité du lycée est une bonne avancée, mais coûte très cher. Il faut faire repasser les enseignants de l’étranger dans le Ministère de l’Education, et, surtout, remettre au centre du système l’attribution de bourses, dont les budgets diminuent. Beaucoup d’expatriés sont des employés locaux, et vivent modestement, à leur député de le rappeler…
Mais il existe bien des différences locales. Pour la fiscalité par exemple : il faut remettre à jour les conventions fiscales, et le député de la 11eme ne pourra pas travailler tout seul sur les 49 pays. Il doit s’appuyer sur l’AFE, dont les délégués assurent le relai des problématiques locales.
Comment vous démarquez-vous des autres candidats auprès d’une communauté si peu habituée aux campagnes électorales ?
Aucun autre candidat ne défend la sortie du nucléaire, dans la circonscription, et c’est un enjeux trop important pour ne pas être représentée. Je me place plus à gauche que le candidat socialiste, mais nous nous sommes rencontré, et partageons certaines idées, qui nous ont mené à un accord formel de soutien au second tour.
Mes moyens de campagnes sont bien entendu limité, EELV n’est pas un parti riche. En plus de mon site de campagne et de l’appui de mon suppléant en Chine, je me déplacerais à mes frais dans quelques pays pour rencontrer les électeurs (Chine, Australie, Russie, Thaïlande). Je ne profite pas des mêmes avantages que le candidat UMP dans mes transports.
Nous sommes défavorisés par rapport à monsieur Mariani, qui profite très largement des transports ministériels, et mon équipe l’a fait savoir en France, pour demander un minimum de transparence dans la campagne.
Quel est votre regard sur la campagne d’Eva Joly à la présidentielle, et sa stratégie vis-à-vis de ses adversaires ? Quelle importance porte-t-elle aux Français de l’Étranger ?
J’ai beaucoup d’estime pour Eva Joly, une personne intègre et raisonnable, qui apporte de l’honnêteté dans la campagne. J’ai eu l’occasion de la rencontrer lors de son passage au Japon, et elle s’est montrée très à l’écoute des questions touchant les Français de l’Étranger, et de leurs témoignages au sujet du nucléaire.
Elle fait face à de violentes attaques, et il faut une certaine bravoure pour les affronter. Doit-elle retirer sa candidature face aux mauvais sondages ? Certains posent la question, je pense que le choix lui appartient. Quoiqu’il en soit, si François Hollande est élu, il faudra des députés écologistes à l’Assemblée Nationale pour veiller à l’application de ses engagements.
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A Lire aussi : Les entretiens avec les candidats – Marc Villard (PS), Thierry Mariani (UMP), Paul Dumont (Alliance centriste)
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Sans mettre de côté l’importance du sujet du nucléaire et le traumatisme que la catastrophe de Fukushima a pu causer auprès des Japonais et des Français vivant au Japon, je trouve que beaucoup de sujets ne sont pas évoqués dans cet entretien.
Je pense que les Français vivant à l’étranger sont aussi intéressés par les questions liées à la fiscalité, à l’économie ainsi qu’à l’obtention des visas. De même, le degré d’implication (ou d’ingérence selon les points de vue) des futurs élus en matière de respect des Droits de l’Homme en Chine aura une influence considérable sur la vie des expatriés et des émigrés français vivant dans l’Empire du Milieu.
J’ai donc, si je peux me le permettre, 4 questions pour vous:
1) Etes-vous pour ou contre la proposition de M. Cahuzac (PS) de faire payer aux Français de l’étranger, un impôt sur le revenu?
Si oui, quelle tranche d’imposition retenez-vous? Et surtout, est-ce que cet impôt serait obligatoire et sans contrepartie (sociale) ou est-ce qu’il serait optionnel et avec contrepartie sociale (ne concernant pas les Français de l’étranger faisant le souhait par écrit de ne bénéficier d’aucune protection sociale française)?
2) Que comptez-vous faire pour améliorer et intensifier les relations franco-chinoises sur le plan politique, économique et culturel?
3) Que comptez-vous faire concernant les défis auxquels les entreprises et les Français de l’étranger sont soumis en Chine (problèmes des doubles cotisations des assurances, facilité d’obtention des visas de travail…)?
4) Quelle est votre position par rapport au droit d’ingérence?
Cordialement,
BUda
Cher Buda, merci pour vos questions.
Janick étant actuellement au Benin dans le cadre d’un projet éducatif d’une ONG japonaise, je me fais son porte-parole pour répondre à vos remarques, en tant que son directeur de campagne.
Tout d’abord oui, nous sommes d’accord, la sortie du nucléaire n’est pas la première des préoccupations de tous les Français d’Asie, d’Océanie et de la CEI. C’est une des thématiques principales de notre campagne, mais nous avons des propositions sérieuses sur l’ensemble des problématiques de notre société.
Je vous invite à consulter le programme d’Eva Joly pour la présidentielle, ou si vous êtes motivé le projet 2012 d’EELV, plus dense!
http://evajoly2012.fr/2012/02/11/lecologie-la-solution-decouvrez-le-proj…
http://eelv.fr/le-projet/
Pour ce qui est de l’impôt sur le revenu des Français de l’étranger la position d’Europe Ecologie-Les Verts est claire : nous avons toujours été opposés à la double-imposition.
Je ferai d’abord remarquer que sur cette question, M. Thierry Mariani de l’UMP, avait tenté de ridiculiser les positions de M. Cahuzac du PS, et on voit maintenant Nicolas Sarkozy faire une proposition similaire. La démagogie règne !
Les relations franco-chinoises tiennent beaucoup à cœur à notre équipe. Le suppléant de Janick, William Kohler et moi-même, son directeur de campagne, vivons et travaillons en Chine (à Kunming) depuis plusieurs années.
Les problématiques des Français de Chine, nous les vivons de l’intérieur.
Pour améliorer les relations franco-chinoises sur le plan culturel, comme dans d’autres, il faut cesser dès-à-présent l’hémorragie dans l’administration consulaire causée par la RGPP (Révision Générale des Politiques Publiques): les budgets sont en constante baisse depuis des années, des emplois sont supprimés.
Pourtant, les différents consulats mettent en place des projets formidables, comme le French May à Hong Kong ou l’exposition Abysses, pour ne citer qu’eux. Mme Magne travaillera au maintien et au développement du soft-power français.
Chambre de Commerce et d’Industrie Française en Chine, UBIFRANCE, le Club ADEME International ou les Jeunes Chambres Economiques Françaises de Pékin, Shanghai, Canton et Hong Kong font du bon boulot pour accompagner les entrepreneurs dans un environnement très difficile. Ces derniers sont encouragés à nous solliciter s’ils veulent nous faire par de problèmes pouvant être résolus par le biais de travaux au parlement.
Un des grands défis auxquels doivent faire face les entreprises et les ressortissant français en Chine est la difficulté d’obtenir des visas. Ce point a été développé par Janick dans une tribune ici-même. Elle y explique comment ces difficultés conséquente aux conditions d’accueil des ressortissants chinois en France.
/la-galere-des-visas-en-chine-conseque…
Quant au problème de double cotisation d’assurance qui date de juillet 2011, il faut que la France conclu avec la Chine un accord de sécurité social similaire à ceux que cette dernière a avec l’Allemagne et la Corée du Sud.
Un accord permettrait aux entreprises et aux ressortissants français de se sortir d’une situation où ils doivent couvrir leurs salariés ou eux-mêmes par deux fois, en France et en Chine. De même, en l’absence d’accord entre la Chine et la France, les Français ayant un contrat local ne cotisent pas pour leur retraite.
C’est pour toutes ces raisons que si Janick Magne est élue députée, elle agira aux cotés des conseillers de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE) et des Sénateurs des Français de l’étranger pour presser le Ministère des Affaires Etrangères et Européennes ainsi que le Ministère de la Santé de faire de la signature d’une convention de sécurité sociale avec la Chine une priorité du prochain gouvernement.
Concernant le droit d’ingérence, votre question est particulièrement pertinente.
Il y a un dilemme dans la définition-même du rôle de député des Français de l’étranger. Les député-es auront la mission de représenter à l’Assemblée Nationale les Français vivant sur des territoires sur lesquelles d’autres pays que la France sont souverains. Sur certaines questions sensibles, une prise de position pourrait interdire au représentant des Français vivant dans un pays de se rendre dans celui-ci.
En tant qu’écologistes, nous avons des principes forts qui ne nous permettent pas, comme le fait l’UMP, de se lier fraternellement avec le Parti Communiste Chinois. Il faut aussi savoir qu’un parlementaire ne dispose pas de l’immunité diplomatique. C’est une situation difficile qui demande de la réflexion et de l’humilité.
Si vous avez des propositions à faire sur la manière dont votre député-e pourrait trouver un équilibre idéal entre l’intégrité morale appelant à se montrer solidaire des populations opprimées et la nécessité d’éviter les contraintes à la circulation dans sa circonscription, je vous invite à les partager.
Sur ce sujet, comme sur tous les autres, en tant que représentante de compatriotes vivant dans 49 pays, Janick Magne aura besoin non seulement des conseillers de l’AFE, des Sénateurs des Français de l’étranger mais également de la participation de tous pour l’accompagner dans son action à l’Assemblée Nationale.
Aucun des candidats n’est omniscient! Je vous invite donc à ne pas hésiter, et à nous contacter pour nous faire part de votre expertise ou de vos questions et faire en sorte que tous les Français d’Asie, d’Océanie et de la CEI soient pleinement représentés au parlement.
Merci de m’avoir lu
Arthur Vincent
Directeur de campagne de Janick Magne
contact [at] janickmagne.fr