François Hollande se pose de nombreuses questions au moment d’entamer sa première visite en Chine.

La principale est évidemment de savoir comment réduire le déficit de la balance commerciale entre les deux pays, supérieur à 20 milliards d’euros par an depuis cinq ans, quand les exportations françaises sont largement dépendantes des livraisons d’Airbus, de produits de luxe et… de vin ! Comment réduire le fossé entre la part de marché de l’Allemagne en Chine – 5,33% –, et celle de la France – à peine 1,27% ?
Mais la question est également politique : comment établir une relation de confiance avec la deuxième puissance mondiale quand le rapport de force n’est nettement plus en faveur de la France ? Comment parler de droits de l’homme quand l’Occident n’a plus ni les moyens, ni la légitimité, de donner des leçons, et quand on veut faire du business à tout prix ?
François Hollande a un atout : son arrivée au pouvoir coïncide avec le changement d’équipe à la tête du Parti communiste et de l’Etat chinois. De quoi prendre un nouveau départ après une période de froid et de méfiance.
Mauvais souvenir du sarkozysme
Qu’on se souvienne : 2008, émeutes au Tibet, Nicolas Sarkozy menace de ne pas se rendre à l’ouverture de JO de Pékin, rencontre le dalaï-lama en Pologne, tient des propos très fermes sans en mesurer les conséquences.
Résultat, un boycottage chinois très net, des délégations commerciales qui évitent la France, des contrats qui se perdent comme le déplorent aujourd’hui encore quelques grands patrons français… Et surtout, une humiliation à l’arrivée avec la promesse de Nicolas Sarkozy de ne plus rencontrer le dalaï-lama…
François Hollande connaît bien cette histoire, et sait qu’il ne sert à rien d’aller chatouiller l’orgueil chinois tout seul. Il cherchera, au cours de ce premier voyage d’Etat d’un dirigeant étranger depuis le changement de Président à Pékin, à établir un rapport de confiance avec Xi Jinping, le nouvel « empereur » chinois, passage obligé de bonnes relations France-Chine. C’est le test du nouvel élu…
« Business as usual » ?
Mais pour autant, la France peut-elle faire du « business as usual » en allant signer des contrats en souriant quand, par exemple, un prix Nobel de la paix, Liu Xiaobo, croupit toujours en prison, quand plus d’une centaine de Tibétains s’immolent en deux ans pour protester contre la politique chinoise, ou quand l’artiste Ai Weiwei reste privé de passeport ?
Pas de réponse facile à cette question, surtout quand on vient d’un pays et d’un continent en pleine crise économique, et que l’Europe a perdu la capacité de parler haut et fort sur ces questions, dans un monde remodelé qui ne supporte plus la posture de supériorité morale des anciennes puissances coloniales.
C’est d’autant plus délicat qu’il existe aujourd’hui en Chine une société civile active et informée, et que le silence des pays démocratiques est perçu comme autant de signes de lâcheté pour quelques contrats.
Des contrats, la France en a bien besoin, et François Hollande, après avoir critiqué les voyages mercantiles de son prédécesseur, n’hésite pas à en faire autant, emmenant dans son avion une délégation de patrons, et aussi … Martine Aubry, représentante spéciale du Quai d’Orsay pour la Chine.
Cette trop courte visite – 37 heures… – va donner le ton des relations franco-chinoises des prochaines années. D’autant plus que 2014 marquera les 50 ans de l’établissement des relations diplomatiques franco-chinoises par le général de Gaulle, et que les Chinois adorent les anniversaires…
Mais François Hollande serait bien avisé de ne pas se laisser embarquer dans une année de célébrations vides de sens, comme l’ont été tant de proclamations passées, alors que les Français pensaient réellement avoir une « relation privilégiée » avec Pékin grâce à l’héritage gaullien, ou grâce au « partenariat stratégique global » signé par Jacques Chirac et resté une coquille vide.
Fragilité chinoise, faiblesse française
Pas facile de trouver le ton juste avec un pays à la taille d’un continent, devenu en une décennie l’incontournable deuxième puissance mondiale, géant asiatique déployant ses ailes sur tous les continents, mais aux fragilités internes qui rendent ses dirigeants crispés et défensifs.
Les dirigeants chinois savent que François Hollande ne connaît pas la Chine (il est le seul dirigeant d’un pays du G8 à ne jamais y avoir mis les pieds, pas même en touriste), qu’il est considérablement affaibli chez lui, et qu’il a un besoin vital de contrats pour son économie.
De quoi compliquer un peu plus la tâche du président français lorsqu’il se demande comment traiter avec la Chine sans mettre ses valeurs dans sa poche.
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Pierre Haski dit « C’est d’autant plus délicat qu’il existe aujourd’hui en Chine une société civile active et informée, et que le silence des pays démocratiques est perçu comme autant de signes de lâcheté pour quelques contrats. »
Vivant en Chine, je n’ai pas du tout l’impression que les Chinois s’interessent a la democratie.
Faire profiter la societe (au sens de Hayek) en offrant des services ou en creant des produits de qualite tout en recevant une retribution qui est digne de ce qu’on offre est la prinpale et peut etre la seule preoccupation de la societe chinoise.
Sinon, je crois que les dirigeants chinois sont bien conscients qu’il est inutile d’organiser un pacte strategique a long terme avec la France. La France etant une democratie, et les politiques soumis aux caprices de l’opinion et des emotions, la diplomatie francaise manquera toujours de constante (un jour ami un jour ennemi).
En 2014 ça fera 50 ans de relations Chine – France, pas 60…
shocking ! je vais surement choquer les habitués de ALC, souvent jeunes, mais 7 ans de Chine et >de 60ans au compteur global, me conduisent à considérer avec circonspection la « démocratie », mot magique.
@endirectdechine a raison, en Chine ils n’ont pas l’oeil fixé là-dessus. Ils prèfèrent plus de confort dans l’immédiat, plus de sécurité pour leurs vieux jours.
Aujourd’hui en 2013, en France, devant la crise lourde pour la plupart des gens, beaucoup d’acquis (ou d’effets secondaires) de la démocratie ne font plus rire les Francais, et pourraient les pousser dans les bras du FN ou de l’extreme gauche.
Quand en France, on a du mal à vivre de son salaire, de sa retraite, quand on vit dans la peur (fantasmée) des racailles, du bruit, le chomage des enfants, des grèves etc on relativise l’interet de la liberté de la presse, du syndicalisme violent, de la justice-bisounours, du droit de vote (50,1% écrasent 49,9% pendant 5 ans), d’ étriper les chefs d’Etats etrangers au nom de la démocratie, défiler en musique une plume dans les fesses etc
Ce n’est plus ni une évidence ni la priorité et en fait on s’en fout. c’est pour faire joli.
Parodiant Camus: entre le plaisir de recevoir le Dalai Lama pour emmerder les Chinois (et séduire les bobos) et trouver du boulot à mes enfants ou garder le mien…
shocking !
Oui les chinois ne sont pas dupes… Hollande Sarkosy même combat.
Quant à cet article il réunit tous les poncifs du genre, florilège :
¨prendre un nouveau départ, Tibet, établir un rapport de confiance le nouvel « empereur » chinois, le prix Nobel de la paix, Liu Xiaobo (mais qui est-il au fait ce charmant monsieur…????), un monde remodelé…le silence des pays démocratiques est perçu comme autant de signes de lâcheté pour quelques contrats. (très belle celle là), les Chinois adorent les anniversaires (très fort)…¨
et cerise sur le gâteau:
Martine Aubry, représentante spéciale du Quai d’Orsay pour la Chine. .. On se demande bien quelle peut bien être l´expertise de madame Aubry sur le sujet !
affligeant de nullité. Merci AJC merci Rue 89 merci Pierre
papichina
Annoncer à deux reprises que l’Europe est la première économie mondiale tout en se promenant la braguette ouverte … afficher un air débile tout en serrant les mains comme à des petits singes était vraiment à la hauteur d’un chef d’état en pleine cure de diplomatie.
Mais, ses hôtes ont aimé sont allure de benêt, et se réjouissent déjà de la levrette …
Rien NE sert de courir, il faut partir à point …
ALC! Stop messing around with my sig.!