Le point sur la situation immobilière dans la capitale chinoise avec Anna Kalifa, Responsable du Bureau de recherche de la société immobilière Jones Lang Lassalle.
Connexions : Pékin et les grandes villes chinoises connaissent une hausse importante des prix de l’immobilier. Comment expliquez-vous ce phénomène et quels sont les risques pour le marché ?
Anna Kalifa : Je pense avant toute chose qu’il est nécessaire d’établir une distinction entre l’immobilier résidentiel et l’immobilier commercial. Il est vrai que les prix de l’immobilier résidentiel ont connu d’importantes augmentations au cours des dernières années, dictées par le marché, en dépit des efforts de planification des autorités. La demande de logement est particulièrement soutenue, car les ménages chinois veulent aujourd’hui avoir accès à des habitations plus modernes. D’autre part, l’immobilier représente une des seules possibilités d’investissement pour les épargnants chinois, qui évitent les marchés de capitaux, et qui ont un accès très limité aux investissements off-shore.
C. : A Pékin, comment se répartissent les investissements immobiliers entre immeubles d’habitation, bureaux et centres commerciaux ?
A. K. : Dans la plupart des villes chinoises, les nouvelles constructions concernent à 80% de l’immobilier résidentiel, le reste étant partagé entre l’immobilier commercial et d’autres types de construction, comme l’immobilier industriel. En matière d’investissement, les projets sont à 70% résidentiels, à 20% commerciaux, et à 10% pour les autres types.
C. : Qui sont les investisseurs à Pékin et quelle est la part des Investissements Etrangers Directs et Indirects ?
A. K. : Là encore, il faut distinguer l’immobilier commercial et l’immobilier résidentiel qui présentent des situations très différentes. Pour l’immobilier résidentiel, les acheteurs étrangers (y compris les acteurs hongkongais) représentent à peu près 5% des transactions, toutes gammes confondues. Pour les immeubles résidentiels haut de gamme, cette proportion atteint 15%. (Ces chiffres se rapportent aux villes chinoises de premier et de second rang : grandes villes côtières et capitales provinciales importantes).
C. : Se dirige-t-on vers une plus grande ouverture du marché immobilier aux investissements étrangers ?
A. K. : Non. Les « étrangers » actifs sur le marché immobilier chinois – je rappelle que cette appellation comprend les hongkongais et les taïwanais – ont pour la plupart une connexion très forte avec la Chine. Ils y ont souvent de la famille, y vivent ou y font des voyages fréquents.
Les restrictions édictées en Juillet 2006, qui s’appliquent en particulier aux étrangers, ont pour objectif d’enrayer la spéculation à court terme. Cependant, comme les étrangers ne représentent qu’une part marginale des investisseurs, ces restrictions ne devraient pas avoir d’effet majeur sur le volume des transactions. La plupart des marchés immobiliers au monde, à l’exception des métropoles très internationales comme Paris ou New York, reposent en très grande partie sur la demande locale. C’est le cas aujourd’hui en Chine, et devrait le rester pendant de nombreuses années. D’autre part, le marché de l’immobilier pékinois ne deviendra vraiment international qu’au prix d’un effort conséquent de transparence dans la régulation.
C. : Comment naît un immeuble à Pékin ? Quelles sont les principales différences entre la construction d’un immeuble à Pékin et à Paris ou New York ?
A. K. : Tout d’abord, le promoteur doit obtenir un certain nombre qui correspond à ses goûts et à ses standards.
Pour les grands investisseurs, les deux villes bénéficient actuellement de la politique chinoise d’urbanisation, de libéralisation de l’économie et d’industrialisation de la Chine. Pékin comme Shanghai, présentent des opportunités d’investissement de très grande qualité.
C. : Quels sont les nouveaux quartiers qui ont « la cote » ?
A. K. : Le troisième quartier des ambassades “3rd Embassy area” devrait connaître un développement important dans les prochaines années, avec le déplacement de plusieurs ambassades, dans cette zone historiquement sous-évaluée par rapport au quartier du parc de Chaoyang ou au quartier central des affaires (CBD).
C. : Et demain… Selon vous, comment se portera le secteur de l’immobilier à Pékin dans 10 ans ? Pékin deviendra-telle la ville la plus chère du monde ?
A. K. : Les prix de l’immobilier sont évidemment fonction de l’offre et de la demande. Ils sont influencés par l’évolution des revenus de la clientèle. Tant que les revenus des régions les plus riches de Chine (celles des métropoles de la côte) resteront inférieurs à ceux d’autres capitales mondiales, il paraît improbable que le prix de l’immobilier atteigne des records internationaux. Cela dit, pour les mêmes raisons, il y a de fortes chances qu’à Pékin les prix de l’immobilier dans dix ans soient encore plus élevés qu’aujourd’hui.
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