Lancée ce mois-ci, CNC World, la télévision en langue anglaise de l’agence de presse gouvernementale Xinhua a des objectifs pas moins ambitieux que de concurrencer CNN ou la BBC. Avec, assure-t-on, une information objective et pas propagandiste pour un sou.

500 millions de téléspectateurs à travers l’Europe, l’Asie-Pacifique, l’Amérique du nord et l’Afrique, pour une télévision d’information en langue anglaise. Dans une sorte de pied-de-nez à l’Occident, où les médias connaissent une crise sans précédent, le gouvernement chinois affiche d’insolentes ambitions de développement de ses organes de presse.
Organisatrice en 2009 du Sommet mondial des médias, présidé (tout un symbole!) par le président Hu Jintao, la Chine a investi ces dernières années dans ses médias gouvernementaux des sommes à faire pâlir n’importe quel patron de presse occidental. Entre la CCTV (l’ORTF chinoise), le Quotidien du Peuple et l’agence de presse Xinhua, on parle de dizaine de milliards d’euros d’investissement, dont plusieurs millions rien que pour la nouvelle venue, la CNC World.
Acronyme de China Xinhua News Network Corp, cette télévision en langue anglaise viendra compléter les nombreuses activités de l’agence de presse, qui depuis sa création en 1930 a développé des services de presse écrite, de photographie et de finance. Avec un objectif international clairement affiché. « Nous voulons avoir une vision internationale avec une perspective chinoise », a déclaré le président de Xinhua, Li Congjun, lors du lancement de la chaîne devant la presse, cité par The Guardian.
Preuve de l’ambition de prestige de l’agence, Xinhua, qui disposent de bureaux dans quelques 130 pays, a récemment installé ses bureaux New Yorkais à Time square, à côté des prestigieuses entreprises de presse Thomson Reuters et Conde Nast.
Etonnamment, CNC World reste assez discrète, voir secrète, sur sa communication. Sur Google, impossible de trouver le site de la chaîne. Pas évident non plus de savoir où la regarder. Après des recherches, nous avons tout de même fini par obtenir ces informations, par une employée de CNC World visiblement inquiète qui a du demander l’autorisation à son supérieur avant de pouvoir nous répondre. Voici donc l’adresse du site (apparemment inaccessible de Chine).
Le soft power, fermement
Le lancement de CNC World s’inscrit dans le désormais bien connu développement du « soft power » chinois, c’est à dire un investissement massif dans une stratégie de communication mondiale visant à promouvoir une image « juste » de la Chine. La chaîne, destinée uniquement à l’étranger, ne sera d’ailleurs pas accessible au public chinois.
Pourtant, depuis le lancement de la CNC World, beaucoup d’occidentaux, décidément insolents, se sont montrés méfiants à son égard, suspectant l’agence Xinhua d’être la voix du gouvernement chinois.
Pour le quotidien chinois en anglais Global Times, cette suspicion est tout à fait infondée. Dans un article du 7 juillet, le journal (dépendance du Quotidien du peuple) s’est lancé dans une démonstration de l’objectivité des médias gouvernementaux.
Le Global Times rapporte les résultats d’un sondage sur l’image des médias chinois à l’étranger. Sur les 219 étudiants et professeurs d’université interrogés, la grande majorité associe spontanément le mot « censure » aux médias chinois.
Conclusion du quotidien : « Le niveau de connaissance des étrangers concernant les médias chinois est bien moindre que celui de l’histoire, de l’économie ou de la société chinoise« . Car selon le journaliste, » Après 20 ans de développement et de compétition, une partie des médias (…) sont devenus des phares, publiant des enquêtes approfondies, et les journalistes émergeant comme des chiens de garde. »
Certes, parmi les milliers de publications existant en Chine, il existe toute une série de médias non-alignés qui jouent en permanence avec les limites de la censure, et produisent des enquêtes de fonds sur toutes sortes de sujets. Cependant, n’en déplaise au Global Times, cela n’est pas le cas des organes de presse directement affiliées au gouvernement via le Conseil des Affaires d’Etat (le ministère des ministères), dont Xinhua fait partie intégrante.
Ces médias ne présentent pas, comme la communication gouvernementale cherche à le faire croire, l’actualité avec une « perspective chinoise », mais bien avec la perspective du gouvernement chinois. Il n’y a qu’à regarder la couverture des événements « sensibles », la célébration unanimes des grandes messes du Parti (dernière en date, l’Expo universelle), le black out sur certains sujets ou la reprise systématique et non remise en perspective des déclarations gouvernementales pour s’en convaincre.
C’est pourquoi, lorsque le président de CNC World, Wu Jincai déclare, lors de son lancement, » nous sommes une chaîne d’information, pas une chaîne de propagande », on peut se permettre de douter.
Mis à jour le 12/07 à 18h12 (Pékin)