Le programme spatial chinois franchit une nouvelle étape. Sous l’oeil omniprésent des militaires de l’Armée Populaire de libération.

« Historique », « glorieux », « parfait »… La presse chinoise ne manquait pas d’éloges concernant le lancement de Shenzhou 8 mardi matin. Et titre ce jeudi sur l’amarrage entre ce vaisseau spatial et le « Palais des Cieux » Tiangong-1, un module expérimental mis en orbite fin septembre.
A 1:36 ce matin, les deux vaisseaux, entièrement « made in China », se sont automatiquement soudés l’un à l’autre, et les dépêches Xinhua ont afflué toute la nuit pour rassurer sur le bon déroulement des opérations. Au terme de ce rendez-vous spatial de deux jours, couverts par des pages spéciales et autres dossiers complets dans les journaux, la Chine pourra célébrer le franchissement d’un « pas capital » dans sa conquête de l’espace, et son entrée dans l’élite des puissances spatiales. Qu’est ce qui pousse Pékin a vouloir voler plus haut ?
Un Parti en soif de succès
C’est sur Weibo, la plateforme de microblog aux 200 millions d’abonnés en Chine, que se trouve la réponse la plus évidente à cette question.
“Je souhaite que Shenzhou et Tiangong se réunissent pour un magnifique baiser dans le ciel. Merci aux scientifiques, la Chine est désormais une grande puissance”, écrit un romantique enseignant de Wuhan. Les milliers d’autres commentaires sur la manœuvre spatiale de jeudi mettent en lumière le bénéfice de ces succès pour un Parti unique qui plus que jamais doit justifier sa légitimité en mettant de l’eau au moulin de la fierté nationale.
L’alunissage d’un engin automatique et le déploiement d’un véhicule lunaire l’année prochaine devraient déclencher des réactions encore plus enthousiastes. Voire une véritable ferveur populaire autour de la très attendue première femme Taïkonaute , peut-être en orbite l’année prochaine, la future station spatiale nationale – annoncée pour 2020 -, et un éventuel premier Chinois sur la Lune à l’horizon 2030.
Les annonces sont savamment distillées dans la presse chinoise, mais il est toutefois impossible d’obtenir des informations précises sur le programme spatial du pays.
La très militaire agence spatiale chinoise
Et c’est bien cette partie immergée des ambitions de Pékin au delà de notre atmosphère qui intrigue l’Occident. Un véritable flou pèse sur les activité de la CNSA, l’agence spatiale Chinoise. En extérieur organisée sur le modèle américain, elle diffère de ses équivalents internationaux, NASA et ESA en tête, par la place prépondérante des militaires en son sein.
L’absence de communication autour de son budget, de ses objectifs ou même de ses projets en cours est d’ailleurs directement issue de la tradition de l’Armée Populaire de Libération.
Rien de nouveau ni de singulier dans l’implication militaire dans les programmes spatiaux, mais un tel niveau de proximité rappelle les heures les plus sombres de la Guerre Froide, bien avant l’existence de normes internationales contre la militarisation de l’espace. De quoi alimenter les questions des puissances étrangères.
Le retour de la « Guerre des étoiles »
En 2007, les questions se muent en accusations quand la Chine détruit à distance un de ses satellites, vraisemblablement pour tester des armes spatiales. Quelques mois plus tard, les centres techniques US perdent le contact avec deux de leurs engins en orbite – Landsat 7 et Terra AM-1 – pendant plusieurs minutes : une implication de la Chine est au centre de l’enquête.
La presse américaine titre sur le retour de « la guerre des étoiles », qui n’était plus d’actualité depuis Reagan, et le Secrétariat d’État bande les muscles. Les États-Unis déterrent leurs missiles sol-espace en l’envoyant droit vers un de leur satellite – ce qui n’était plus arrivé depuis 1985 -, et commandent à leurs services de renseignement des enquêtes sur d’éventuelles armes embarquées dans l’espace par les satellites Chinois.
Des câbles révélés par Wikileaks, parlent notamment de la crainte d’un laser capable frapper des cibles au sol, les fantasmes de la Guerre Froide se remettent au goût du jour.
Cavalier seul
Depuis, la NASA est privée par décret de toute collaboration avec la Chine, et la réglementation ITAR interdit tout export de technologie sensible vers le pays, pour empêcher entreprises privés et états européens de parler espace avec Pékin.
Si la presse chinoise, narquoise, ne manque pas de rappeler l’existence de telles barrières à chaque fois que le pays fait une marche de plus vers le ciel, le fait est qu’elles limitent considérablement le champ du possible pour l’activité internationale des bases de lancement chinoises.
Les rares partenariat internationaux font l’objet d’une communication appuyée par les autorités : Eutelsat, premier opérateur satellitaire européen, fait lancer un de ses engin « ITAR-free » depuis le désert de Gobi, le 7 octobre dernier, et l ‘Allemagne à signé une collaboration scientifique dans le cadre du lancement de Shenzhou 8.
Mais il faut bien le dire, la Chine fait cavalier seul, et s’en débrouille plutôt bien. « Les restrictions américaines sont contre-productives et poussent la Chine à plus d’engagement dans son programme spatial », assène le Global Times.
« Là où les choses se passent »
Les restrictions à l’import de technologie ont donc un effet pervers : en rendant difficiles les programmes spatiaux commerciaux, elles donnent à Pékin plus d’assurance dans qui lui reste : la dimension militaire.
Un pas sur la Lune (programme Chang’e) ou une station orbitale sont, comme le premier porte-avion chinois ou le chasseur furtif, des preuves voulues par l’APL de sa mise au niveau internationale.
La Chine s’investit beaucoup et se perfectionne en outre dans la collecte, la transmission et le contrôle de l’information par voie spatiale, car l’espace, c’est « là où les choses se passent », explique l’analyste Dean Cheng. « Les Chinois ont analysé de près les dernières guerres étrangères et sont parvenus à la conclusion que la suprématie spatiale est la clé de la victoire ».
Du côté de Pékin, on réfute les accusations d’agressivité mais on ne cache pas ses objectifs. Le commandant Xu Qiliang, réputé influent dans le Programme Spatial Chinois qualifiait en 2009 la militarisation de l’Espace « d’inévitable », avant d’en expliquer les raisons : « Seule la puissance peut garantir la paix ».
Article mis à jour le 03.11.2011 à 12:00
A Lire aussi : La militarisation de l’espace « inévitable » selon l’armée chinoise
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article très interessant et bien documenté.
mamounette
Encore une fois ( comme pour le j11), MERCI LES RUSSES!
Shenzhou :
http://en.wikipedia.org/wiki/File:Post_S-7_Shenzhou_spacecraft.png
Soyouz:
http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/c/cf/Soyuz_TMA-7_whi…
Y’a comme un air de famille!
Des détails sur le fiancenement – non pas du programme spatial- mais du moins du programme de vols habités :
http://french.peopledaily.com.cn/Sci-Edu/7632442.html
35 milliards de yuans pour le programme de vol habité chinois, moins que l’investissement annuel des Etats-Unis
Laurent