La crise financière asiatique, synonyme de désastre pour des millions de gens, a permis à la Chine de s’imposer comme un acteur majeur sur la scène économique internationale, tout en renforçant sa conviction de garder un strict contrôle sur son secteur financier.
« La décision de la Chine de ne pas dévaluer sa monnaie (au plus fort de la crise) a certainement renforcé sa réputation d’acteur international responsable », estime Leong H. Liew, expert de l’économie asiatique à l’université de Griffith en Australie. « La crise a également renforcé la détermination de la Chine à ne pas ouvrir son secteur financier trop rapidement », ajoute-t-il.
Avant la crise, Pékin apparaissait comme un empêcheur de tourner en rond en raison de son refus d’accepter, malgré son ouverture économique, celle des marchés financiers.
Mais, grâce à son attitude et à sa monnaie inconvertible, qui avait été dévaluée de 50% trois ans plus tôt, le géant asiatique a su affronter la crise de l’été 1997, qui ravageait le reste du continent.
Pour la Chine, que les Etats-Unis ne cessent d’appeler à ouvrir ses marchés financiers, les leçons de 1997 sont toujours présentes.
« Il est intéressant de regarder la crise financière de 1997 au moment où nous affrontons une économie mondiale déséquilibrée, des liquidités excessives et des marchés financiers inconstants », a déclaré récemment le gouverneur adjoint de la Banque centrale Wu Xiaoling.
« Ouvrir (le secteur financier) à la légère menacerait la stabilité financière », a-t-elle dit.
Les marchés boursiers, où la présence des fonds étrangers est encore très restreinte, illustrent bien la manière prudente dont Pékin gère le dossier.
« Les marchés chinois sont encore immatures, incluant une part largement spéculative », juge Friedrich Wu, expert en relations internationales à l’Université technologique de Nanyang à Singapour. Si venaient s’y ajouter « des mouvements de capitaux spéculatifs étrangers, cela deviendrait le parfait ingrédient pour une crise financière », ajoute-t-il.
Avec des réserves étrangères de plus de 1.200 milliards de dollars, la Chine serait en mesure de faire face à une crise, mais cela ne serait pas sans conséquences.
« Les coûts financiers et en matière de réputation seraient trop élevés. L’expérience montre qu’après un krach, il faut au moins deux mois pour récupérer », note M. Wu.
« Trop d’épargne passerait par pertes et profits et la Chine n’est pas en mesure de faire face à l’agitation sociale qui s’ensuivrait certainement », ajoute-t-il.
L’état actuel de l’économie chinoise résulte directement, dans bien des domaines, des décisions prises par Pékin à la fin des années 1990 en réponse à la crise asiatique, selon Andy Xie, économiste indépendant en poste à Shanghaï.
« Les politiques favorables, dont les réductions des taxes à l’exportation et l’allocation de terres à des zones industrielles dans tout le pays, ont joué un rôle plutôt important pour faire de la Chine l’atelier du monde », dit-il. « Résultat, les exportations chinoises ont augmenté fortement, ce qui a abouti à un excès de liquidités sur le marché intérieur et aux bulles immobilières et financières », poursuit l’économiste.
De plus, en dix ans, le secteur bancaire chinois, autrefois grevé par la corruption et les créances douteuses, a été profondément restructuré et assaini.
« En Chine, comme dans d’autres pays de la région, la Corée du Sud étant un exemple notable, depuis la crise asiatique, il y a eu une transformation spectaculaire de la manière de gérer les banques », dit David Marshall, directeur général de Fitch Ratings.