En quête désespérée de croissance, de plus en plus de petites villes chinoises délaissent l’industrie et sont désormais prêtes à tout pour recueillir les fruits d’un secteur touristique grandissant.

« A votre arrivée, vous remarquerez d’abord les tristes paysages industriels caractéristiques de cette région charbonneuse« .
C’est par ces mots peu engageants que le guide de voyage Lonely Planet décrit la ville de Datong, dans le Shanxi, en précisant que la ville « doit sa fréquentation aux magnifiques grottes de Yungang, sculptée alors que la ville connaissait son apogée« .
Son apogée, à savoir le 3e siècle, lorsque les Wei du nord l’avaient faite capitale, Datong en est aujourd’hui bien loin. Car pendant les réformes économiques, la ville est devenue, comme toute cette région montagneuse, la réserve de charbon du pays. Et le développement industriel a laissé des traces, à tel point qu’on a parfois décrit Datong comme la ville la plus laide du monde.
Retrouver la splendeur d’antan
Mais un homme a décidé de changer le destin de cette ville, et de lui faire retrouver sa splendeur d’antan. Il s’agit de Geng Yanbo, qui en est maire depuis 2008.
Présenté par les médias comme un bourreau de travail ayant parfaitement intégré les vertus traditionnelles, l’homme a déjà bouleversé Datong, en y menant un projet d’envergure, déjà bien avancé : la démolition totale de la vieille ville, et sa reconstruction dans le style impérial.
Sous l’autorité de Geng, la ville a alloué à son budget culture plus d’argent que dans les 30 dernières années, selon Hou Tongshen, chercheur et fervent supporter du maire.
La vieille ville n’est d’ailleurs pas le seul chantier en cours : les projets de Geng incluent aussi la rénovation du célèbre site de Yungang, la fabrication d’un grand lac artificiel, et même la reconstruction des anciennes murailles de la ville, longues de 7 kilomètres, qui l’entouraient à l’époque glorieuse.
Le tourisme comme développement durable
L’objectif de ces travaux d’Hercule : devenir, un peu à la manière de Pingyao, un endroit où les touristes en quête de Chine traditionnelle pourront venir par milliers.
« Notre ville est riche en histoire, explique Hou Tongshen dans le South China Morning Post. La culture de Datong est une ressource propre et renouvelable, nous n’avons pas d’autres choix que de la développer« .
Pourtant, le projet ne fait pas que des heureux, notamment chez les actuels habitants de la vieille ville. Mais qu’importe.
Qu’importent aussi les critiques de ceux qui pensent que Datong va devenir une sorte de Disneyland chinois, et qu’on ne fabrique pas des reliques; qu’importe même le gouvernement central, auquel Geng n’a pas demandé d’autorisation comme il aurait normalement du le faire.
Interrogé par le Dongfang Zhoukan (oriental Outlook), un officiel de Datong assure qu’obtenir l’aval de Pékin aurait pris 10 ans.
La guerre des héritages
Geng était donc prêt à tout, et beaucoup d’autres le sont à travers le pays. Car en Chine, le tourisme est un secteur plus que porteur.
Il n’y a qu’à regarder les chiffres pour s’en convaincre. Selon le Washington Post, alors que la majorité des revenus du secteur provenaient auparavant de l’étranger, le tourisme interne devrait générer 172 milliards de dollars (127 miliars d’euros) cette année, contre 43 milliards seulement pour le tourisme des « laowai »*.
Avec le développement de la classe moyenne, les Chinois sont de plus en plus nombreux à pouvoir se payer des vacances et à en avoir le temps, et beaucoup aiment à partir sur les traces de leur histoire.
Or l’histoire est aussi un héritage culturel… Ce qui peut créer des conflits, quand plusieurs villes se revendiquent d’un personnage célèbre.
Depuis des siècles, Jiangyou, dans le Sichuan, jouissait tranquillement du statut de ville natale du célebrissime poète Li Bai. Jusqu’à ce que ses habitants découvrent avec stupeur une publicité de la ville de Anlu se vantant d’être la véritable ville de Li Bai.
S’en suivirent des menaces, une plainte juridique, et l’affaire prit tant d’ampleur que même le Quotidien du Peuple y consacra un article.
Or ces conflits sont de plus en plus fréquents entre différentes villes, et pas seulement pour de grands hommes comme Li Bai, mais aussi pour des personnages secondaires de romans, etc.
Ils peuvent d’ailleurs prêter à sourire, notamment quand plusieurs villes se disputent l’héritage d’un personnage de roman, meurtrier et coupable d’adultère.
Mais en toile de fond apparaît le désarroi des villes de l’intérieur, laissées à l’abandon au profit de la croissance des grandes villes sur laquelle Pékin a jusqu’ici tout misé.
*C’est ainsi que les Chinois appellent souvent les étrangers
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Les journalistes d’ALC ont toujours un don pour finir leurs articles par une note négative… pour une actu qui peux s’avérer très positive pour la culture et le tourisme.
« Mais en toile de fond apparaît le désarroi des villes de l’intérieur, laissées à l’abandon au profit de la croissance des grandes villes sur laquelle Pékin a jusqu’ici tout misé. »
Je connais très peu de pays qui ont misé sur les petites villes pour se développer…les fondamentaux de l’économie nous disent pourtant que c’est le nombre, la masse qui génère les économies d’échelles nécessaires à une économie pour générer de la croissance et gagner en compétitivité. Pour finalement réinjecter les fruits de la croissance dans les villes et régions délaissées, par exemple en y délocalisant les usines (car salaires trop élevés en ville), ou en créant des pôles touristiques pour les citadins aisés.
La même chose s’est passée en France pendant ses heures de gloire.
Cette fin par note negative est une telle necessite editoriale qu’elle pousse carrement a la faute, comme ici ou sont nies les efforts chinois de developpement de des villes internes.