En établissant des « listes noires » de journalistes, le Ministère de la Santé chinois espère réduire le poids médiatique des scandales alimentaires. C’est sans compter sur les éditorialistes qui ont pris la mouche et la plume contre cette mesure.

« Le dur travail des journalistes mérite le respect, pas la menace ». L’éditorial du très conservateur Global Times de ce vendredi en dit long sur la frustration des journalistes chinois. Plus loin, on y lit que « la profession est déjà enchainée par de nombreuses restrictions » et qu’on lui met « un nouveau coup de poing ».
Ce cri de ras-le-bol n’est que le dernier écho en date d’un large élan de protestation de la presse chinoise. En ligne de mire : les nouvelles mesures du Ministère de la Santé annoncées le 13 juin lors d’un forum sur la sécurité alimentaire.
Mao Qun’an, chef du service de presse du ministère, a déclaré son intention d’établir un « système de listes noires » qui recensera les journalistes diffusant de « fausses informations » sur la sécurité alimentaire dans les médias.
Il a précisé que le but de ces listes était de combattre et prévenir la « pollution de l’environnement médiatique par des informations trompeuses ». Mao prend l’exemple de reportage qui auraient « confondu additifs alimentaires légaux et illégaux », afin de grossir les chiffres.
Il n’est pour le moment pas possible d’en savoir plus sur le fonctionnement des listes noires, les conséquences pour les journalistes listés, ni la manière dont elle seront tenues. Mais de telles listes seraient à coups sûr une source de pression sur les médias, et limiteraient leur marge de manœuvre sur le sujet.
Le rôle crucial des médias
Les scandales alimentaires sont plus que fréquents en Chine. Lait, viande, céréale : rares sont les produits qui ne sont pas objet de suspicions ou de découvertes inquiétantes. Le problème est devenu un sujet majeur de mécontentement, et danger pour la stabilité sociale, si chère au régime.
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Pourtant, la loi de 2009 sur la sécurité alimentaire, dénuée de normes, de budget ou de procédures claires, n’a changé que peu de choses.
Idem pour les nombreux discours politique sur le sujet qui ont maintes fois inscrit la sécurité alimentaire sur la liste très extensive des « priorités » du gouvernement. Si la réglementation existe, elle n’est que très peu respectée, et les organes de contrôle, désorganisés et mal financés, sont réputés aisément corruptibles.
C’est pourquoi les médias ont un rôle important dans la lutte contre l’insécurité des assiettes. Ils diffusent les informations sur des scandales que les gouvernements locaux préféreraient étouffer et enquêtent sur les conditions de production pour les prévenir.
Des anabolisants dans le porc, du cadmium dans le riz et des pesticides dans les raviolis : les gros titres des journaux chinois ne laissent que peu de doutes sur l’inefficacité des services sanitaires et rendent compte d’un travail journalistique de fond sur le sujet.
Dès lors, cette mesure paraît improductive et même dangereuse pour bon nombre de journalistes chinois qui trouvent dans la sécurité alimentaire un rôle social qui leur est interdit dans d’autres thématiques. Comme le relève le China Media Project, la frustration de la presse est palpable ces derniers jours dans les pages des journaux.
« Un peu difficile à digérer »
Pour l’Information Times de Canton, « s’entendre dire que les médias fabriquent les scandales, c’est un peu difficile à digérer. Le Ministère de la Santé essaye de se soustraire à la surveillance de l’opinion publique et les listes noires ne sont qu’une feuille de vigne qui voudrait cacher le manque d’efficacité de son travail. Ils renvoient même la responsabilité de la situation chaotique de la sécurité alimentaire aux journalistes »
En outre, pour plusieurs éditorialistes, le ministère outrepasse ses prérogatives en créant de telles listes qui « devraient s’appuyer sur une loi », note le Daily Times, qui juge que cette mesure « prête à rire ».
Le Jinan Times prévient que cette initiative n’aura pas seulement mauvaise presse, mais suscitera aussi la colère de la population. Il rappelle que « les journalistes qui ont enquêté sur des sujets comme le lait à la mélanine ont gagné le respect de l’opinion ».
La presse officielle n’est pas en reste. Le China Daily étaye naturellement les propos de Mao Qun’an sur les conséquences des informations erronées sur le public et sur les producteurs, mais s’interroge aussi sur la nécessité de listes noires.
Même le Quotidien du peuple, dont certains éditos récents sont étonnamment progressistes ces derniers temps, signe une ode aux « reportages de surveillance publique, qui sont « aussi de bonnes nouvelles ».
Les protestations ont aussi trouvé des échos au niveau mondial : la Fédération Internationale des Journalistes s’est officiellement déclarée « dérangée » par une telle annonce. Dans un communiqué daté du 20 juin, elle appelle l’OMS à se saisir du sujet.
Mais si la communauté journalistique fait front commun contre cette mesure, l’opinion publique est elle privée de débat : les forums de discussions parlant du sujet ont été supprimés sur tous les grands médias sociaux de l’internet chinois.
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Edifiant.
La logique est toujours la meme, finalement :
On accuse faussement les accusateurs de tromperie.
Ceci pour produire du doute chez la population (qui ne croit deja plus a grand chose).
Tout ceci dans un but.
Et peu importe les moyens utilises pour atteindre ce but. Comme disait Deng.
Les officiels l`appliquent betement. Et meme s`il y a 10 pourcent d`informations fausses, il en restera tout de meme 90 pourcent de bonnes, qui feront avancer les choses, et la societe.
Mais certains preferent l`obscurantisme, au detriment de la majorite.
Au service du peuple ? Mon cul oui.
La stabilite sociale AVANT TOUT, c`est le but.
Mais ca ne vous semble pas bizarre a vous, que meme des journaux officiels `critiquent` la position officielle du gouvernement ?
Autrement dit : ceci n`est-il pas `programme` ?
Étonnant qu’il y est pas encore eut de réaction de Chen1222…