Pour Wen Jiabao, le populaire premier ministre chinois, les réformes politiques sont urgentes, pour continuer le développement et éviter une nouvelle Révolution Culturelle. Un goût de déjà vu, et sans aucune précision sur le détail ou leur rythme.

Une « urgence », mais pas de calendrier, un « risque de tragédie » mais pas d’annonce pour l’éviter… devant la presse ce mercredi, Wen Jiabao a appelé à la réforme de façon plus pressante que jamais, mais s’en est tenu à l’orthodoxie du Parti Communiste sur la plupart des dossiers majeurs.
« Il nous faut aller de l’avant dans nos réformes structurelles économiques et politiques, en particulier la réforme de notre système de gouvernance, de notre Parti et de notre pays« , a déclaré le premier ministre chinois, au dernier jour de la réunion plénière annuelle du parlement.
Répondant longuement aux questions des journalistes internationaux et chinois il a estimé que « sans une réforme politique structurelle, la Chine ne pourrait pas résoudre les nouveaux problèmes qui se posent à elle, et des tragédies historiques comme la Révolution Culturelle pourraient arriver de nouveau ».
La tâche est donc « urgente », « mais, a-t-il ajouté, je suis bien placé pour savoir qu’elle n’est pas facile ».
Des réformes… Mais quand ?
Wen Jiabao le sait, son discours progressiste fera la une des journaux du pays et du monde entier. Et pourtant, rien, dans les 3h de questions-réponses ne laisse penser que Pékin envisage en pratique une réforme politique ou que l’avis du gouvernement ait évolué sur certains dossiers.
Car le premier ministre chinois a déjà fait de nombreuses sorties sur le sujet. Sa relative liberté de parole et son humilité en ont fait un des leaders communistes les plus populaires dans le pays et à l’étranger. En octobre 2010, il avait marqué sa visite officielle aux États-Unis par des déclarations très réformistes à CNN (Voir vidéo). A l’époque, l’interview avait été harmonisée par les médias chinois.
Il a cette fois salué ses « chers amis journalistes », précisant que « cela pourrait être sa dernière conférence de presse ». « Papy Wen » a dirigé 10 ans le gouvernement chinois et devrait, comme le président Hu Jintao et la plupart de l’état-major du Parti, entamer un passage de pouvoir à la fin de l’année. 10 ans pendant lesquels l’économie a été florissante mais les réformes politiques sont restées au point mort, ou presque.
Certes, les réponses de Wen détonnent avec les discours que l’ont a pu entendre à la tribune de l’Assemblée Nationale Populaire ces jours-ci, mais le premier ministre ne s’est pas aventuré hors de la dogmatique du Parti : l’avenir de la Chine est lié au PCC.
Il a une nouvelle fois évoqué « la démocratie socialiste », qui avance « pas à pas », rejetant explicitement l’idée d’une réforme brusque, même si l’exemple de Wukan montre selon lui qu’une implication accrue du peuple est possible.
« Si le peuple est capable d’administrer un village, alors il peut administrer les affaires d’une commune et d’un district, donc nous devons encourager le peuple à poursuivre avec audace sur cette voie en lui permettant de se rôder« , a assuré le Premier ministre.
Si les aspirations démocratiques des pays arabes « doivent être respectées », « aucune force ne pouvant les juguler », la démocratie chinoise, elle, « progresse en parallèle avec le développement ».
Les économistes préconisent la réforme
Pas neuve donc, la « réforme » selon Wen Jiabao, mais le discours a tout de même son importance.
D’une part parce que de nombreuses voix se lèvent, en Chine comme à l’étranger, pour réclamer ou conseiller une réforme politique. Dans un document rendu public la semaine dernière, la Banque Mondiale et de nombreux experts préconisent une des profondes réformes du modèle de croissance et du style de gouvernance du pays, « à un tournant de son développement ». Wen Jiabao et de son futur successeur, Li Keqiang ont apporté leur soutien à ce rapport, « Chine 2030 », dont on a beaucoup parlé à Pékin.
A l’intérieur du pays, la grogne se fait sentir contre les inégalités de richesse, et elle impacte le Parti. Wen a d’ailleurs proposé de limiter les hauts salaires, et de rendre l’accès au crédit plus facile pour les ménages modestes. Preuve de l’intérêt grandissant des Chinois sur ce que leur proposent les politiques, « Wen Jiabao répond aux journalistes » était aujourd’hui le sujet le plus commenté sur Weibo.
D’autre part parce qu’à la veille d’un changement de génération à la tête de l’état, les discours revêtent une signification particulière. Mis à part le futur président Xi Jinping, et le futur premier-ministre, Li Keqiang, il est difficile de savoir qui sera propulsé au tout-puissant Politburo fin 2012.
On sait le Parti divisé entre réformistes et les partisans d’une ligne communiste dure, qui ont paru monter en puissance ces dernières années. Le discours de Wen peut laisser penser que les réformistes ont aujourd’hui le vent en poupe, notamment depuis l’affaire Wang Lijun, qui a plombé le chef de file des conservateurs, Bo Xilai.
Non seulement la référence à la révolution culturelle de Wen semblait viser directement ce « rouge » qui prône un retour en force de la culture socialiste, mais il s’est exprimé sur les affaires de Chongqing, dont Bo est le chef du PCC. « Le Comité municipal du Parti doit sérieusement tenir compte et apprendre de l’incident Wang Lijun ».
Les réformistes bien placés pour prendre les rênes de Pékin, reste à savoir ce qu’il vont en faire. Le train des réformes a paru bien lent sous la gouvernance de Wen. « Papy » s’est déclaré « désolé » des problèmes sociaux et économiques qui ont émaillé son mandat.
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Wen est un premier ministre connu et apprécié parce qu’il n’a pas la même vision des choses que les autres haut-fonctionnaires (pourris?) à la tête du PCC. Il sait que la loi du silence, la corruption et le manque de moralité en Chine ne mènera le PCC et le pays entier qu’à sa perte. S’il avait seul les rênes du pays, je suis persuadé que les chinois auraient aujourd’hui beaucoup plus de liberté, seraient beaucoup moins égoïstes… Cette homme a vécu les évènements de Tian’an Men de l’intérieur, il a supporté les étudiants et les a prié de quitter la place avant le massacre que l’on connait. Il connait mieux que quiconque les rouages du système, mais un homme seul, sans aucun autre soutient, ne peut rien faire face à une machine rodée depuis maintenant plus de 60 ans.
不管黑猫白猫,能抓老鼠就是好猫 – 邓小平