Les accusations de corruption portées par la Chine contre des employés de Rio Tinto ont de quoi faire frémir tout investisseur dans ce pays où les contrats sont souvent conclus après force banquets et soirées karaoke et les règlements sont à géométrie variable.

L’inquiétude est d’autant plus vive que les autorités chinoises n’ont pas fait connaître les détails de la corruption dont sont accusés l’Australien Stern Hu, responsable de Rio Tinto à Shanghai, et trois de ses collègues chinois.
Elles ont simplement annoncé avoir des preuves que Hu avait volé « des secrets d’Etat » et nui aux intérêt de la Chine.
Rio Tinto a rejeté des accusations « dépourvues de tout fondement » et affirmé que son équipe avait toujours obéi à l’éthique de la compagnie.
Mais « il y a des tas de règles cachées en Chine, comme de devoir développer des relations avec les agences gouvernementale, des +guanxi+, pour obtenir des accords », souligne Xianfang Ren, une analyste de IHS Global Insight
« Guanxi », qui veut dire « relations », désigne couramment les relations intéressées et moins avouables que l’on entretient avec des gens bien placés pour obtenir des faveurs.
Ceux qui travaillent en Chine expliquent que la recherche de ces connections personnelles mène souvent aux karaokes et autres lieux habituellement inexplorés par les hommes d’affaires occidentaux.
« Les affaires en Chine reposent souvent sur la confiance. Une soirée à boire et au karaoke sert à aller au delà du terrain des affaires pures et à vous présenter en tant qu’individu », explique Paula Beroza, qui a fondé la société d’investissement Sierra Asia Partners.
« Boire a toujours mis du lien entre les gens et cela peut être maladroit de ne pas le faire avec des hôtes chinois ».
Tracey Wilen Daugenti, une Américaine auteur de « La Chine pour les femmes d’affaires » raconte avoir été invitée dans des salons de massages par des cadres chinois pour « se faire masser les pieds en discutant affaires ».
La frontière n’est pas toujours nette entre l’entretien de bonnes relations et la corruption, parfois déguisée en hospitalité somptuaire.
Pour Wilen Daugenti il faut pourtant apprendre à distinguer entre « guanxi, pour créer des réseaux (…) et qui peut demander beaucoup d’investissement » et « corruption (qui) concerne ses intérêts personnels ou pour bénéficier pécuniairement de la relation ».
La difficulté en Chine est aussi que l’application de la loi est à la discrétion des autorités, souligne Gary Liu, de l’école sino-européenne CEIBS à Shanghai (China Europe International Business School).
« C’est possible que le personnel de Rio ait +espionné+ mais les autorités laissaient faire, et puis tout d’un coup elles ont pris des mesures et les ont arrêtés. C’est assez commun en Chine », dit Liu.
« Des agents immobiliers qui ont offert des pots-de-vin ou des responsables officiels corrompus qui ont été arrêtés abruptement après un incident particulier. C’est une application sélective de la loi ».
Par conséquent, un seul conseil aux entreprises internationales en Chine: « restez impeccable ». « Vous ne pouvez pas venir vous plaindre après avoir été arrêté que d’autres s’en sont sortis sans problème ».
Mais, dans l’affaire Rio Tinto, le grand public pourrait bien ne jamais apprendre quellle ligne a été franchie — si ligne a été franchie. Les employés sont soupçonnés non pas de vols de secrets commerciaux mais bien de vols de secrets d’Etat.
« Si l’on parle de secrets d’Etat, le procès ne devrait pas être public », souligne Zhang Xin, professeur d’administration publique à l’université du Peuple de Pékin.