Zhao Lianhai, qui avait été l’un des fers de lance de la lutte pour l’indemnisation des familles victimes du scandale du lait à la mélamine, vient d’écoper de deux ans et demi de prison ferme. Une condamnation dure, destinée à envoyer un message à toute la société civile.

Il n’est décidément pas aisé de défendre ses droits en Chine, même quand on n’est pas vraiment un « dissident », qu’on ne réclame pas la chute du Parti Communiste ou l’instauration d’un système électoral, juste le respect de ses droits les plus élémentaires.
Hier, la condamnation de Zhao Lianhai à deux ans et demi de prison ferme est venue confirmer la nature impitoyablement répressive du régime chinois, prêt à tout pour éviter les déstabilisations et se maintenir au pouvoir.
Les problèmes de Zhao Lianhai ont commencé en 2008. Jusqu’alors, ce n’était qu’un citoyen ordinaire.
300 000 bébés contaminés
2008, l’année où la Chine a brillé sur la scène internationale avec ses Jeux Olympiques, a aussi été l’année du scandale du lait frelaté à la mélamine. On découvre à l’époque que 22 producteurs de lait en poudre pour bébés avaient ajouté à leurs produits cette substance destinée aux colles, aux résines ou aux engrais.
La présence de mélamine élève artificiellement, lors des tests de contrôle, les taux de protéine : un bon argument de vente pour du lait pour bébés!
Problème : la mélamine n’est pas inoffensive pour la santé, et provoque notamment des calculs rénaux. Rapidement, on découvre que 300 000 bébés à travers le pays ont été contaminés et présentent des problèmes de santé. Six au moins en meurent.
Le scandale éclate, provoquant une psychose en Chine et au-delà, et entraînant à travers le monde des retraits massifs de produits laitiers chinois.
Incitation au désordre social (?)
Devant ce mouvement de l’opinion, le gouvernement chinois prend alors les choses en main et lance une enquête, en promettant de punir les coupables.
A son échelle, Zhao Lianhai, dont l’enfant a été empoisonné, lutte pour une meilleure indemnisation des familles. Il fonde alors le site jieshibaobao.com (littéralement « bébés avec des calculs rénaux »), destiné à partager avec les parents concernés par le scandale des informations sur les problèmes de santé et sur les procédures à suivre pour porter l’affaire en justice.
Mais les autorités, toujours très craintives face aux mobilisations de la société civile, ne l’entendent pas de cette oreille. Après avoir passé un premier mois en détention en novembre, Zhao Lianhai est de nouveau arrêté le 17 décembre 2009 pour avoir « troublé l’ordre public ».
Il passe cette fois près d’un an en prison dans l’attente de son procès. Hier, il vient d’être jugé par une cour de justice de Pékin, et condamné à deux ans et demi de prison pour « incitation au désordre social« .
Entre temps, les autorités avaient procédé à une vague d’arrestations du côté des producteurs. Une vingtaine d’entre avaient été condamnés, dont trois à la peine capitale.
Pour autant, le crime de Zhao est-il comparable à celui d’industriels empoisonnant des enfants? Pour son avocat, Li Fangping, interrogé par AP, « les crimes dont il est accusé ne sont rien de plus que ce que feraient des citoyens ordinaires pour défendre leurs droits« .
Sauf qu’en Chine, le droit des citoyens s’arrête la où les intérêts du Parti commencent.
Alors même que l’attribution du prix Nobel de la paix à Liu Xiaobo avait suscité de l’espoir chez toutes sortes d’activistes, la condamnation sévère de Zhao Lianhai tombe comme un avertissement.
Pékin applique une nouvelle fois le proverbe « tuer le poulet pour effrayer les singes« , et envoie un message clair aux potentiels fauteurs de trouble : la société civile ne déstabilisera pas le Parti.
A lire aussi :
Lueur d’espoir pour les familles victimes du scandale du lait à la mélamine?
L’appel à l’aide des parents des victimes de la mélamine
Le pouvoir chinois en guerre contre la société civile
- Vous devez vous identifier ou créer un compte pour écrire des commentaires
-
Envoyez cette page à un ami
lamentable
Une petite précision. Pendant un an on a laissé M. Zhao faire sa lutte sans le moindre souci, avant qu’il se croyait tout permis et s’est mêlé dans d’autres affaires, comme le viol de Ruirui Li en août 2009, qui n’ont rien à voir avec de la mélamine. Vue la date (septembre 2009) de sa mise en détention, c’est visiblement le viol de Ruirui Li qui a déclencher la poursuite judiciaire contre M. Zhao. C’est d’ailleurs ce viol qui a été souligné dans son verdict.
Tout a fait d’accord, de quoi se mele-t-il? Son fils comme 300 000 autres a ete empoisonne « mei you ban fa ». Une de ses concitoyenne a ete violee par un policier dans une prison illegale de Pekin « hen zheng chang ». Pourquoi il ne reste pas devant la tele comme tout le monde!!!
PS: Comment on fait pour toucher nos 10 fen?
Pour info, le violeur de Ruirui Li n’est pas un policier. Il n’a jamais été. Il a d’ailleurs été condamné à 8 ans de prison pour ce crime. Quant à vos centimes, j’imagine que vous pouvez les demander au NED, ou au comité Nobel. Vous en toucherez probablement plus que 10 !
Pot, pourriez-vous donner un lien vers ce verdict (si possible dans une traduction anglaise ou française) ?
Merci d’avance.
http://www.protectionline.org/ACTION-URGENTE-Zhao-Lianhai.html
Ça ne répond pas à la question, mais ça complète l’éclairage sur cette affaire.
En effet, cet article ne mentionne même pas ce dont Zhao Lianhai a été accusé…
Si j’ai bien suivi Pot, au lieu de prendre 2 ans et demi pour s’être occupé de l’affaire du lait contaminé, il a pris 2 ans et demi pour s’être occupé du viol d’une jeune femme de 21 ans par un des gardes d’une prison « noire » de Beijing.
Faut-il donc que la victime soit exclusivement une proche pour se sentir légitimement concerné et avoir envie de réagir?
Une amie d’ici m’a un jour donné l’ordre des « priorités » que tout bon chinois se doit de respecter: la Chine, son entreprise puis sa famille. Les autres n’entrant pas en ligne de compte, c’est tout à l’honneur de personnes comme Zhao Lianhai de chahuter (un peu) cet ordre établie.
2 ans et demi, c’est lourd pour un peu de chahut….
L’ordre des priorités est inversé (famille d’abord, Chine en dernier). Et le cas échéant il peut y avoir d’autres cercles…
Pour le reste, on est dans le flou.
La question que se pose la justice n’est pas l’envie de réagir mais la façon de réagir; Si tu protestes pour un problème dont tu es victime (ici, le lait frelaté), tu es légitime. Si tu proteste pour un problème qui ne te concerne pas (ici, le viol de Ruirui), tu ne l’est pas. Et si ta méthode de protestation est d’appeler les gens à descendre dans la rue, là, oui, en Chine, tu risque la taule.
Sondage : qui croit qu’il est en cabane pour avoir fait un site réclamant plus de justice pour les autres victimes du lait frelaté ?
Je n’y crois pas. Même si un tel site s’était un peu emballé, on lui aurait simplement demandé de le fermer et les choses se seraient arrêtées là..
Pour faire de la taule, il faut aller plus loin…
La thèse du message à la société civile est ridicule s’il s’agit d’une simple question de protestation sur internet. Si on est dans l’appel à révolte, par contre, elle a du sens.
Il nous manque trop d’information pour se faire une idée.
Et non, pas la Chine en dernier, mais en premier: les chinois médiatisés par leurs exploits ( 1er à quelque chose, sport ou espace) et qui ont d’abord remercié leur famille, se sont vite fait « harmonisés ».
« Si tu proteste pour un problème qui ne te concerne pas (ici, le viol de Ruirui), tu ne l’est pas. » Détestable point de vue, miroir d’une société de « chacun pour soi et les emmerdes pour les autres » .
A ne pas réagir aux problèmes des autres, il ne faut pas s’étonner que personne ne vienne vous aider en cas de besoin…
Je ne voudrais pas contredire ton amie, mais je doute fort qu’elle-même place le pays en priorité par rapport à sa famille.
De fait, je ne connais pas de chinois qui pensent ainsi et ce dans une large gamme de l’échelle sociale.
Ne t’aurait-elle pas parlé ici de ses craintes plutôt que de ce qu’elle ressent elle-même ?
Ou simplement du cinéma qu’il faut afficher dans des circonstances convenues…
On est bien d’accord qu’il s’agit de ne pas afficher autre chose qu’un soutient inconditionnel au pays, et à son gouvernement, en toutes circonstances, sous peine de se faire remettre à sa place.
Ce qui, à mon sens, donne encore plus de mérite à ceux qui osent contrevenir à cette règle, et qui en payent le prix.
Mauvais calcul de toute façon de la part des autorités, car il y aura toujours quelqu’un pour aller en prison pour défendre une idée, mais personne pour défendre un corrompu ou un salopard…
Non on n’est pas d’accord.
Pas en toutes circonstances.
Si tu es devant une instance provinciale, tu dois mettre la province en premier.
Si tu es devant une instance cantonale, tu dois mettre le canton en premier, etc.
Si tu es devant une instance cantonale en présence d’un responsable provinciale, tu dois vanter la province et c’est ce responsable qui renverra l’assenceur.
De même que si tu as un invité étranger, français par exemple, tu dois afficher quelque chose de bon concernant son pays et le concernant lui-même quand bien même tu n’en penserais que du mal.
Ou encore, su tu es suffisament implanté ou puissant, tu peux te permettre frontalement des critiques par omission, c’est à dire complimenter juste à coté ou autour du sujet que tu juges criticable.
Ce n’est pas une règle politique, c’est un usage.
Ceux qui sont hors de l’usage ne se font pas remettre en place, ils sont juste considérés comme des barbares ou des idiots. Au pire, s’ils le font exprès, ils affichent leur détermination à se faire exclure et perdent tout chance d’être un jour soutenu par les témoins de cet écart.
Tout ça ne t’empêche pas « hors antenne » de dire ce que tu penses à qui tu veux, tu seras d’autant plus écouté que tu auras montré que tu es fréquntable et civilisé, donc que tu te sera comporté normalement dans l’affichage.
Pour aller en prison, il faut y aller plus fort. Il faut organiser quelque chose, tenter d’impliquer un grand nombre contre le pouvoir en place et de préférence le faire plusieurs fois et avec un soutient étranger.
Jean, là on n’est pas dans le cadre d’une réception quelconque où il fait bon flatter l’égo de son interlocuteur dans l’espoir, quelque fois vain, d’en tirer un profit futur: ici, il y a mort et agression sexuelle.
Des circonstances quand même où une réaction non-harmonieuse a toute sa place, la bienséance chinoise ayant tendance a pué l’hypocrisie.
Le rentre-dedans citoyen, je suis pour, surtout si cela fait peur aux élites, ici, ou en France, et partout ailleurs…
Je ne t’ai pas parle de flatter des egos mais seulement de la tendance des us et coutumes. Mais moi aussi, quand j’etais gamin, je ne voyais pas de difference entre politesse et hypocrisie. Meme maintenant je ne sais pas vraiment comment expliquer ca a des gamins. Alors je te comprend.
Le rentre-dedans citoyen, ca depend ce dont tu parle. S’il s’agit juste de se faire plaisir, de creer des martyrs ou de foutre le bocson, bof…Le progres social merite mieux.
Le tout est d’etre efficace. J’ai entendu recement que Lech Valesa a reussit sa victoire historique sur le PC parce qu’il avait compris que s’attaquer frontalement a celui-ci etait contre-productif…
On ne connais pas assez l’histoire de Zhao Lianhai, mais s’il a utilise le viol de Ruirui (qui a priori n’est pas de sa famille) pour organiser un rassemblement, il a fait une erreur. Je ne le blame pas, c’est juste qu’en agissant autrement il aurait pu reussir.
Mais il a réussit Jean.
Aller en prison en luttant contre l’injustice est la base du combat. Pour Gandhi, c’était même un devoir citoyen de violer les lois injustes. (comme aider un étranger crevant de faim et de froid en France…)
Et de parler ouvertement et à haute voix de ce que certains voudraient voir passer sous silence.
NB: Lech Valesa récemment…. dans « 2000 ans d’histoire »?
Oui, dans 2000 ans d’histoire 😉
Attention tout de même avec les théories et les analogie.
« bis repetitam ne placent pas toujours… » (si tu trouve la source de cette citation intégrale, c’est que tu as eu de bonnes lectures..).
Plus catégoriquement, l’histoire ne se répète jamais.
Par exemple, il y avait peut-être à Tiananmen ou dans leurs insufflateurs des instruits qui pensaient nécessaire de passer par une redite du massacre d’Amritsar… et bien ça n’a pas marché, il y a eu les morts, mais pas la chute du régime. Au contraire, la démocratisation a ralenti.
Alors je ne sais pas, si la stratégie est bonne. Il me semble que ceux qui ne cherchent pas l’affrontement sont plus efficaces en Chine. Mais il faut sans doute de tout… Loin de moi donc l’idée de critiquer ce brave homme qui est sans doute aussi un homme brave. Il a du courage. Ça se respecte.