Après l’arrivée au pouvoir des communistes en 1949, son père, le poète Ai Qing, était l’une des personnalités culturelles de la nouvelle Chine; 60 ans après, Ai Weiwei, l’un des artistes chinois les plus controversés, est d’une férocité sans égale à l’égard du régime.

« C’est tellement surprenant de voir qu’après 60 ans de pouvoir, ils n’ont pas amélioré leur propagande, ils sont tellement mauvais, ils continuent, mais ils ne font que s’éloigner des coeurs et des esprits des gens », dit Ai Wei Wei à l’AFP, dans sa maison de Caochangdi, un village d’artistes du nord-est de Pékin, où il a été le premier à s’installer il y a neuf ans. C’est ici que se trouve son « quartier général » dans une grande maison avec cour intérieure et jardin, où il vit et travaille, avec des dizaines de jeunes gens, au milieu d’ordinateurs.
Face à la propagande, qui tourne à plein régime avant le 1er octobre, date de la Fête nationale et des festivités du 60e anniversaire que Pékin s’apprête à célébrer avec faste, l’artiste, lui, utilise ses armes: l’art et internet, où il tient son blog et diffuse ses films. « En 60 ans, ils ont simplement réussi à tuer leur propre idéologie, avant qu’ils n’arrivent au pouvoir, ils prônaient la démocratie, la fin du parti unique, le besoin de la liberté d’expression face au parti nationaliste », explique l’artiste au visage rond et à la barbe poivre et sel. « Ils ont utilisé cela pour arriver au pouvoir, maintenant, si vous en parlez, vous devenez un criminel, vous serez condamné », ajoute-t-il, vêtu comme un ouvrier, avec veste de travail et pantalon bleu.
Son père Ai Qing (1910-1996), membre du Parti communiste, avait été l’une des personnalités de la culture officielle avant de connaître la disgrâce en 1957 – année de naissance de Weiwei -, pris dans la tourmente du mouvement antidroitier. Il avait été réhabilité en 1979.
Sur son blog souvent censuré, Ai Weiwei, qui s’est fait connaître à la fin des années 70 avec le groupe d’art contemporain « Les Etoiles » avant de partir aux Etats-Unis, narre notamment ses mésaventures récentes avec les « gardes-chiourme » du régime.
Ces derniers temps, il a senti l’étau se resserrer après son engagement dans le mouvement « enquête citoyenne », qui tente de dresser la liste des enfants tués dans l’effondrement des écoles lors du tremblement de terre au Sichuan (sud-ouest). Certains parents attribuent à la corruption des cadres locaux la mauvaise qualité des constructions.
Le mois dernier, il a été empêché de témoigner au procès pour « subversion » d’un des militants. « J’ai été frappé par la police et retenu pendant 11 heures pour que je ne puisse pas assister au procès. C’est incroyable, un Etat viole sa propre loi et essaie de couvrir cela par tous les moyens possibles, seuls des vieux mafieux peuvent faire cela », lance-t-il.
S’il apparaît néanmoins dans les médias chinois, c’est en version « light », sans mention de ses prises de position iconoclastes. Et il possède une autre facette – architecte -, moins polémique, qui lui a permis de participer à des projets comme le stade olympique, le « Nid d’oiseau ».
Il vient aussi d’inaugurer sa première exposition solo en Chine dans une galerie privée, avec seulement quelques pièces – dont une carte du monde constituée de milliers de couches de coton, représentant la main d’oeuvre intensive qui a fait la force économique de son pays. « Les endroits gérés par le gouvernement ne veulent pas exposer mon travail, et de toute façon je ne suis pas intéressé, car ils sont toujours sous la censure », dit-il.
Mais, depuis quelques jours, il prépare en Allemagne une exposition beaucoup plus grande qui aura lieu d’octobre à janvier à Munich, sous le titre « So Sorry ». Avec une nouvelle polémique en vue: « une exposition très compliquée, vaste », où il sera question d’Adolf Hitler, du monde d’aujourd’hui, de la Chine et du tremblement de terre du Sichuan…