Secrétaire de l’unique section du Parti Socialiste français en Chine en 1981, René Aicardi a participé activement à la campagne électorale du candidat François Mitterrand. Trente ans après, l’élu PS à l’Assemblée des Français de l’Étranger, évoque les souvenirs de cette période pour ALC.

René Aicardi est aujourd’hui secrétaire de la section du PS de Hong Kong et membre de la commission fédérale des conflits.
ALC : Que représente pour vous cet anniversaire ?
René Aicardi : Une intense émotion. Le respect, l’humilité eu égard à l’action menée par François Mitterrand au cours de ses deux septennats qui ont marqué l’Histoire, dans ses dimensions française, européenne, mondiale, à sa personnalité une et multiple, véritable mosaïque inlassablement colorée, et à ce 10 mai 1981, où la France profonde, celle des jeunes et moins jeunes transformaient le rêve en réalité en vue de « changer la vie ».
Quand avez- vous rencontré François Mitterrand pour la première fois ?
Après l’Algérie, la Suisse, Djibouti et le Vietnam, ma carrière d’enseignant m’avait amenée en 1979 en Chine. D’abord à Shanghai puis en 1980 à Pékin. J’étais secrétaire de la section pékinoise du Parti Socialiste, la seule existante à l’époque sur l’ensemble du territoire chinois. C’est dans le cadre du voyage en Chine et en Corée du Nord du candidat François Mitterrand au début du mois de février 1981 que je l’ai rencontré pour la première fois à Pékin.
Comment s’est déroulée cette rencontre ?
Suite à un malentendu notre premier contact fut plutôt froid… Le malentendu portait sur un problème d’information ! François Mitterrand arrivait de Paris et moi je vivais à Pékin. Lors de la réception organisée à l’ambassade de France, je le salue en lui disant « bonjour Monsieur le premier secrétaire ». Il me répond sèchement « vous ne lisez pas la presse ? » je lui dis alors « si, je lis le journal Le Monde mais il arrive avec de tels délais que nous n’avons pas une information très actualisée… ». Désignant Lionel Jospin, François Mitterrand m’indique qu’il est le nouveau premier secrétaire, que lui est présidentiable et il part saluer les invités. Je ne cache pas alors mon mécontentement et au moment de partir, François Mitterrand s’avance vers moi en me disant « nous avons des choses à nous dire ». Nous nous sommes alors isolés pendant une heure dans un salon pour une discussion en tête à tête. À l’issue de cet entretien, nous nous sommes séparés très bons amis !
Quel homme avez- vous découvert ?
C’est la première fois que je dévoile publiquement ce lien entre celui qui allait devenir président de la république pendant deux septennats et moi, secrétaire de la section PS de Pékin ! François Mitterrand était impressionnant. Un homme d’un calme imperturbable avec un certain détachement mais affichant en même temps une volonté, une conviction que l’on sentait à fleur de peau. Un homme intransigeant sur ses convictions. Qu’il s’agisse de l’Europe, de la paix.
Quel a été votre rôle pendant cette campagne électorale, comment s’est-elle déroulée ?
Je devais conduire et coordonner les actions, trouver les moyens pour communiquer, fédérer, mobiliser les associations et mouvances de gauche en Chine et à Hong Kong autour de la candidature de François Mitterrand.
Internet n’existait pas à l’époque…
Ni les ordinateurs ! Il y avait le téléphone qui coûtait très cher mais nos deux outils de base étaient la machine à écrire et la photocopieuse ! Nous avons passé nos nuits à créer des slogans. Nous avions au sein de la section un garçon très doué pour faire des collages et des montages. Nous les dupliquions par centaines pour les envoyer à nos différents relais. Même si le nombre de Français en Chine était bien inférieur à ce que nous connaissons aujourd’hui, le territoire était immense ! C’était épuisant mais exaltant ! Nous avions l’impression de participer à une action qui nous dépassait un peu mais qui allait porter ses fruits. On y croyait !
Comment avez-vous vécu cette victoire le 10 mai 81 à Pékin ?
J’attendais que Paris m’appelle et lorsque que nous avons été certains de la victoire, nous avons débouché le champagne ! Nous avons ressenti une joie très profonde, beaucoup d’émotion et d’euphorie et peut être en même temps une prise de conscience de la difficulté de passer de l’opposition à la majorité et à exercer le pouvoir.
Avez- vous revu François Mitterrand par la suite ?
Oui dans le cadre de mon travail au sein du PS et dans le cadre du monde syndical dont je suis issu. En tant que FEN et SNI à l’époque, nous avons eu des relations très fortes avec le Président Mitterrand et ses ministres.
Que reste-t-il aujourd’hui de cette « génération Mitterrand », quels sont pour vous les principaux actes qui ont marqué les deux septennats ?
D’emblée on ne peut pas parler de François Mitterrand sans évoquer l’abolition de la peine de mort. Lorsque l’on sait l’attachement qu’il avait à l’Homme, il a eu le courage politique de prendre cette décision à un moment où le peuple français était majoritairement hostile à cette abolition. Un autre élément qui a apporté énormément à la démocratie, ce sont les lois de décentralisation de Gaston Defferre qui ont donné du pouvoir aux élus locaux qui se trouvaient sur le terrain et savaient de quoi ils parlaient. Sur le plan européen le compagnonnage que François Mitterrand a effectué avec le chancelier Helmut Kohl a été porteur de plus d’Europe même si cette Europe ne répond pas forcément à ce que l’on souhaite. Enfin la politique culturelle, les grands travaux et la francophonie ont je pense marqué ces deux septennats.
Des regrets ?
Malgré les 39 h et la cinquième semaine de congés payés, on ne peut pas dire que la période des deux septennats ait permis à la plus grande majorité des Français de vivre dans des conditions décentes. Je pensais naïvement que l’on aurait pu faire des avancées beaucoup plus fortes sur le plan social.
Le PS a-t-il réussi à « changer la vie » comme le disait son hymne en 1981 ?
Non, malgré l’euphorie, Arthur Rimbaud a dû rester sur sa faim car on a pas changé la vie ! La vie a continué avec ses difficultés et ses problèmes.
Quel va être votre rôle lors de la prochaine campagne présidentielle ? Votre engagement militant sera-t-il le même qu’il y a trente ans ?
Mon engagement de militant sera le même. Je suis plus un militant humaniste que politique. La différence importante est qu’il y a trente ans il n’y avait pas de personnalité qui avait la stature pour s’opposer à celui qui allait devenir président de la République. Aujourd’hui nous avons tellement de talents au PS que nous avons beaucoup d’égos et beaucoup de personnes qui souhaitent être candidats. Je crois que l’on perd l’un des enseignements de François Mitterrand : pour lui les éléments permettant de prendre le pouvoir reposaient sur l’unité, le rassemblement, les convictions et les valeurs. Pour ma part, je suis resté très proche de Laurent Fabius, de son analyse. Je m’en tiens sagement à la position de la première secrétaire du parti, Martine Aubry, et au respect des échéances fixées. Nous avons un projet, nous allons le faire voter le 19 mai et je participerai aux primaires dans le cadre de la section de Hong Kong. Quel que soit le candidat qui sortira des primaires, je le supporterai pour la présidentielle de 2012.
Avec les mêmes convictions qu’il y a trente ans ?
Les mêmes convictions qui ont quand même un peu mûri. Avec la même « force tranquille ! ». Je me dis que trente ans n’ont pas suffi pour aller au bout de l’espoir ce qui est positif et signifie que l’espoir continue de guider nos pas. À soixante-dix ans, je ne vais pas dire j’en prends encore pour trente ans mais pour un quinquennat oui j’y vais !
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Entretien très intéressant, qui nous fait revivre une époque désormais bien lointaine
J’aimerais bien savoir quel a été le score du PS en Chine en 1981, car quand on regarde celui obtenu en 2007, ca fait peur… J’ose croire que 2012 sera meilleur, même si les sarkolatres innondent Shanghai….
Il paraît que l’immense majorité des expats sont plutôt de droite….?
Cette Tontonmania a quelque chose de langue de bois et est surtout déprimante, à l’instar de l’aspect coincé de cet homme sur la photo. Mais quelque part, le PS a raison. Qui honorer d’autre qu’un formidable sauteur de haies de l’avenue de l’observatoire, qu’un pseudo résistant, qu’un porteur de francisque Pétainiste, qu’un guillotineur d’Algériens, d’un élu déjà sérieusement malade, d’un qui protège sa fille naturelle par l’Etat, d’un entouré de 3 morts dans son entourage direct..?Oui, des comme cela, ils ne sont pas près d’en retrouver…Jarnac, sa dernière demeure, devrait changer d’orthographe.