Dernière fabrique française de baigneurs et de poupons traditionnels, Petitcollin, l’une des marques emblématiques du jouet français, résiste au raz-de-marée chinois en perpétuant à Etain (Meuse) la tradition de la poupée à l’ancienne.
« Pour surnager dans la déferlante des poupées fabriquées en Chine, qui représentent 80% du marché mondial, nous n’avions qu’une bouée: notre savoir-faire qui remonte à 1860, année de la fondation de l’entreprise », explique son directeur Yvan Lacroix.
« Au cours de nos 147 années d’existence, nous nous sommes attachés à suivre et à refléter les modes et les influences de chaque époque tout en perpétuant la finition main et un certain bon goût +made in France+ », ajoute-t-il.
Dans les modestes locaux de l’établissement meusien, une dizaine d’ouvrières fabriquent entre 30 et 35.000 poupées par an « à la main » : du soufflage, effectué avec des machines vieilles d’un demi-siècle, à la peinture, du repassage des tenues au tressage des couettes. « Il faut les bichonner, elles doivent être parfaites », dit Henriette, 26 ans de maison.
Dans les années 50, Petitcollin employait un millier de personnes alors que la firme était devenue le premier fabricant européen après avoir mis sur le marché en 1924 son Petit Colin, baigneur souriant en celluloïd doté d’une mèche de cheveux sur le front.
« Le Petit Colin représente toujours le tiers de notre production », affirme M. Lacroix. « D’ailleurs, les modèles anciens sont devenus des objets de collectionneur dans le monde entier », ajoute-t-il.
Sur le site d’enchères eBay.fr, un baigneur en celluloïd vêtu de sa barboteuse et datant des années 60 a atteint récemment 170 euros. Sur le site américain cousin eBay.com, un poupon Petitcollin datant des années 30 a été mis à prix à 79,99 dollars (environ 55 euros).
Innovateur, le fabricant meusien fut le premier à proposer un bébé noir, « Négris », puis un bébé de type asiatique avec des yeux bridés, à la peau mate et aux jambes courbes. Les deux modèles furent présentés à l’exposition coloniale de 1930.
Mais dans les années 80, la firme a périclité et les dépôts de bilan se sont succédés jusqu’à 1995 où le groupe de jouets en bois jurassien Vilac a repris la société pour relancer la marque.
« Nous avons pensé à associer les créateurs de mode à nos nouveaux modèles. D’abord Jacques Esterel puis Jean-Paul Gaultier », indique M. Lacroix. En 2004, Christian Lacroix a habillé le petit Léo, dernier né de la gamme au corps en tissu et fleurant bon la vanille.
Distribuées en boutique, par les catalogues de vente par correspondance et sur les sites marchands de l’internet, les 500 références Petitcollin « conjuguent tradition et modernité », selon M. Lacroix. « Nos poupées, qui ont contribué à démocratiser le jouet dans le monde, rassemblent désormais plusieurs générations », selon lui.
La firme réalise en outre 10% de son chiffre d’affaires de 600.000 euros grâce au « tourisme économique ». L’an dernier, elle a ainsi reçu 4.000 personnes dans ses ateliers. « Cet aspect est appelé à se développer grâce à un musée de la poupée installé par la commune à proximité de l’usine et qui doit ouvrir en 2008 », indique encore M. Lacroix.