Si le mot « Aftershock » (« Tangshan da di zheng » en chinois) ne vous dit rien, c’est que vous n’habitez pas en Chine ou que vous vivez reclus hors du monde. En quelque semaines, le film a battu tous les records du box office chinois. Mais il n’est pas dit que la recette qui en a fait un immense succès national puisse prendre à l’étranger.

La super-production chinoise de l’été, Aftershock, est déjà entrée dans l’histoire du cinéma chinois en étant la première à dépasser la barre symbolique des 500 millions de yuans de recette sur le territoire national.
Avec 532 millions de yuans (60,9 millions d’euros) en seulement trois semaines, le film se place loin devant le précédent tenant du record au box-office. « La Fondation d’une république« , sorti à l’occasion des 60 ans de la République Populaire de Chine, avait pourtant déjà constitué un événement majeur.
Aftershock relate l’histoire d’une famille survivante du terrible séisme de Tangshan en 1976, qui avait fait, selon les estimations, au moins 470 000 morts.
Entre ce séisme-là, qui les sépare, et celui de 2008 au Sichuan, qui les réunit 32 ans plus tard, le réalisateur Feng Xiaogang raconte les déchirements, les choix et les épreuves que traversent les membres de cette famille et, en arrière plan, la Chine toute entière.
« Feng Xiaogang est aujourd’hui incontestablement le réalisateur le plus aimé par le public chinois, explique Luisa Prudentino, spécialiste du cinéma chinois. Depuis quelques temps déjà, il a réussi à trouver la recette magique qui fait mouche à chaque fois que l’un de ses films sort en Chine : distraire le public avec des films dans lesquels il puisse se reconnaitre, rire ou pleurer sans se poser trop de questions« .
Larmes, effets spéciaux, et sentiment national
A vrai dire, la performance d’Aftershock au box-office n’est pas spécialement étonnante tant le film contient tous les ingrédients qui font habituellement le succès des super-productions chinoises : des effets spéciaux impressionnants, les valeurs familiales, des larmes en abondance, et une vision quelque peu idéalisée d’un peuple chinois allant de l’avant, uni et indivisible. De quoi faire vibrer subtilement la corde nationaliste.
« Il est clair que ces films ont toujours le but de rappeler au peuple chinois qu’il s’est toujours sorti des catastrophes, que cela n’a pas changé et ne changera jamais, analyse Luisa Prudentino. De plus, le hasard de ces derniers jours, avec la catastrophe du Gansu, renforce davantage cette « devise », si je puis dire, et indirectement fera se ruer encore plus de monde dans les salles de cinéma« .
Le budget total du film, qui a été tourné avec la technologie IMAX, s’élève à 120 millions de yuans dont une grosse partie a été financée par le gouvernement. Certains lui reprochent la lecture inexacte qu’il propose de l’histoire.
Outre le fait que le film ne mentionne pas que le gouvernement de l’époque avait refusé par fierté toute aide étrangère, au détriment des populations, il existe des doutes sur la place tenue par l’Armée Populaire de Libération dans la catastrophe. Alors qu’elle se déploie en masse pour secourir les sinistrés dans le film, son action aurait en réalité été beaucoup plus limitée en cette période de fin de Révolution culturelle.
« Cette époque ne peut pas produire de maîtres »
Soumises à l’approbation de l’Administration d’Etat des Films, de la Radio et de la Télévision, les production chinoises sont également dépendantes des lois du marché : « les films doivent répondre à la loi du box-office : un film doit marcher et doit rapporter, et d’ailleurs ce n’est pas le cas uniquement en Chine« , rappelle Luisa Prudentino.
La période n’est donc peut-être pas la plus propice à la production de films chinois de qualité, comme l’a affirmé Feng Xiaogang lui même lors d’une interview au portail Internet Sina.
« Cette époque ne peut pas produire de maîtres« , a estimé M.Feng, réfutant en être un lui-même. « Nous sommes face à trop de « points dangereux ». On ne peut pas s’approcher trop près de ces « points dangereux », a-t-il poursuivi. On peut juste traverser le ruisseau de temps en temps, en sautant de rocher en rocher et en essayant de continuer à avancer« .
Quoi qu’il en soi, les superproduction chinoises ont pour l’instant du mal à passer les frontières.
« On reproche à la plupart de ces films d’être trop « chinois » pour avoir un vrai public en Occident. C’est vrai dans la majorité des cas, explique Luisa Prudentino. Certes, le genre en lui-même peut refroidir, surtout si l’on y voit un cinéma de propagande, mais parfois on peut y trouver des choses meilleures que ce que propose Hollywood aujourd’hui« .
Mais si certains films connaissent un certain succès à l’étranger, à l’instar de « If you are the one« , le précédent film de Feng Xiaogang, Aftershock ne s’est pas encore bien vendu hors de Chine. Selon la production du film, il sortira uniquement dans quelques pays asiatiques et en Grande-Bretagne. Aucune date de sortie en France n’est prévue pour le moment.
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