Gao Yaojie dénonce inlassablement le scandale du sang contaminé en Chine. Inquiète du sort que lui réservent les autorités, elle doit annoncer publiquement qu’elle ne rentrera pas en Chine et restera aux Etats-Unis où elle se trouve.

« Je vais peut être devoir mourir en terre étrangère. Mais si je veux dire la vérité sur l’épidémie de Sida en Chine, je n’ai pas le choix», déclare la célèbre activiste âgée de 82 ans, dans une copie du discours qu’elle doit prononcer mercredi 2 décembre à Washington, et que s’est procuré le quotidien hongkongais South China Morning Post.
Elle y explique également que les persécutions dont elle est victime de la part des autorités n’ont pas cessé en 10 ans, jusqu’à son départ. Car d’après l’AFP, elle aurait secrètement quitté le pays en août dernier, avec l’aide de l’organisation China aid association,basée au Texas. C’est le sort réservé à Tan Zuoren, emprisonné au Sichuan en mars dernier pour avoir recensé les écoliers morts dans les écoles lors du séisme, qui aurait emporté sa décision de fuir la Chine.
Gao Yaojie se consacre depuis 1996 à aider les malades du Sida, tout particulièrement les paysans de sa province du Henan, contaminés massivement par les ventes de sang. Pékin a réagi depuis plusieurs années au «scandale du Henan» en apportant une aide financière, des traitements gratuits et en réglementant les collectes de sang.
Mais pour le docteur Gao, la contamination par le sang reste toujours la première cause de transmission du virus contrairement à ce que clament les autorités. Interviewée par Aujourd’hui la Chine en 2007, elle expliquait que des milliers d’anonymes ont été contaminés dans les hôpitaux d’Etat à travers tout le pays. En effet, une part substantielle du sang contaminé acheté aux paysans a été revendu aux hôpitaux, qui ont à leur tour transfusé leurs patients sans aucun test préalable. Le gouvernement tente par tous les moyens de nier cette réalité en faisant taire les activistes et les patients. Par conséquent, des milliers de personnes devenues séropositives après une transfusion continuent à ignorer leur état et à transmettre le virus. Les malades eux, tentent d’obtenir réparation, mais la moindre initiative est sévèrement réprimée par la police. Les tribunaux refusent d’instruire leurs plaintes.
C’est une catastrophe sanitaire à l’échelle du pays qu’elle entend dénoncer, ce qui expliquerait ses craintes : « Il n’y a pas que le Henan, c’est la même chose dans le pays tout entier, au début c’était par les ventes de sang et maintenant ce sont les transfusés : le trafic de sang continue illégalement, de même que les pratiques hospitalières aveugles ».
Cette petite femme qui semblait infatigable se considère maintenant trop vieille pour arpenter encore les villages, mais il lui reste les mots. Elle a décidé de consacrer ses dernières années, ses dernières forces à raconter la tragédie du Sida en Chine et rédige actuellement deux ouvrages sur la question.
En 2007, elle déclarait à ALC : « C’est une tragédie pour le peuple de Chine, vous pensez à mon âge, de combien de jours je dispose encore ? Si les contaminations continuent à ce rythme, que va devenir notre pays ? Est-ce qu’on peut étouffer le problème pendant 10 ans, 20 ans ? Et quand on ne peut plus le cacher, n’est-ce pas parce que le phénomène est devenu incontrôlable ? ».
Elle n’a jamais plié l’échine face aux pressions, convaincue d’accomplir son simple devoir de médecin. C’est encore son courage et son obstination à sauver des vies en brisant le silence qui la condamnent aujourd’hui à l’exil.
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