La marque française Rougié réussit son pari de s’implanter en Chine. Un chemin pourtant semé d’embuches.

En ouvrant sa conserverie de foie gras en 1875 à Sarlat, Léonce Rougié n’imaginait certainement pas que son nom serait indissociable de la gastronomie française plus d’un siècle plus tard à l’étranger.
C’est son fils, Jean Rougié, qui va être à l’origine du développement de la marque à l’export. Engagé dans la Résistance, il se lie d’amitié à la libération avec un colonel américain qui le met en contact avec une chaîne de magasins et d’épiceries fines yankee. « Les Américains voulaient du foie gras et ont passé une commande à l’échelle du pays au début des années cinquante : dix tonnes de foie gras transformé, un véritable Plan Marshall du foie gras ! » explique Guy de Saint Laurent, directeur commercial export de la marque.
« Mon père a démarré en Asie il y a quarante cinq ans, pour ma part depuis trente cinq ans je suis le globe-trotter du foie gras ! Nous avons été un peu les pionniers et aujourd’hui nos parts de marché sont importantes, ce sont des marchés très porteurs» témoigne Alain Rougié.
Des débuts difficiles
En France, à partir des années quatre-vingt, les progrès techniques en matière de chaîne du froid permettent aux chefs cuisiniers de travailler le produit cru, un privilège jusqu’alors réservé aux établissements du Sud Ouest proches des fermes et des éleveurs. Une révolution qui dépasse rapidement les frontières hexagonales pour arriver jusqu’en Asie. « En Asie et surtout au Japon où nos ventes représentaient 80 %, les chefs voulaient vraiment travailler le produit cru. Contrairement aux producteurs de foies d’oie hongrois, nous n’étions pas prêts techniquement pour exporter. La famille Rougié a alors, présenté à son importateur Japonais des producteurs hongrois pour répondre à la demande immédiate » précise Guy de Saint Laurent.
Ne voulant pas pour autant abandonner le marché, Jean Rougié et son fils Alain ont alors l’idée de créer une ferme en Chine avec des partenaires chinois, afin de produire pour le marché japonais. Ils proposent à leur importateur nippon d’investir dans l’affaire et de jouer ainsi la proximité plutôt que d’importer des foies crus de Hongrie. La structure se met en place à trois cents kilomètres au nord de Shanghai, dans un pays où la tradition du gavage et du foie gras n’existe pas, à l’exception d’une méthode d’engraissement réservée aux canards laqués pékinois.
Les exportations vers le Japon se passent pour le mieux mais au bout d’un an, les partenaires chinois créent des structures parallèles et commencent à vendre directement au « pays du soleil levant ». La situation devient vite incontrôlable et, prétextant un cas de grippe porcine en Chine sans aucun lien avec les volailles, le Japon décide de fermer ses frontières.
Se sentant dépossédée du projet, la famille Rougié décide d’arrêter cette expérience . « Les Chinois se sont retrouvés avec une production à écouler, ils devaient payer leurs fermiers et ils ont commencé à vendre les foies d’oie au restaurateurs chinois. Les Chinois se sont mis à consommer du foie gras par obligation, c’est un exemple unique au monde » constate le directeur export.
La culture du foie gras se développe dans la restauration chinoise entre 1990 et 2005. Dans le même temps, des chefs renommés occidentaux s’installent en Chine et comme les importations et exportations de foies crus y étaient rigoureusement interdites, ils n’ont eu d’autre solution que d’utiliser les produits locaux, de qualité assez irrégulière par rapport aux standards de leurs recettes.
Une opportunité à saisir
« Grâce à Jacques Rougié, nous avons rencontré Madame Wang qui possédait déjà une petite ferme dans une région « bio » au nord est de Pékin. Un véritable petit bijou ! C’est dans cette région que nous avons décidé de nous installer à nouveau » se souvient Guy de Saint Laurent.
« Contrairement à notre première expérience, nous nous sommes installés à 100 % société Rougié. Nous avons démarré cette ferme il y a cinq ans avec la philosophie de servir la gastronomie locale en produisant des foies de canard et en utilisant une technologie que nous maîtrisons parfaitement, la surgélation à chaud du foie gras immédiatement après l’abattage.
Nous avons tout de suite eu beaucoup de succès auprès de la restauration locale. Les Chinois aiment le foie gras, ils reconnaissent que c’est un produit bon pour la santé ! Nous produisons uniquement pour le marché chinois mais il est très grand… Nous sommes loin de le satisfaire pour l’instant, il y a donc des potentiels non négligeables ! » déclare Alain Rougié, dont la marque est maintenant détenue par la coopérative Euralis, leader mondial du foie gras.
Un marché où les consommateurs privilégient la consommation du produit chaud par rapport aux terrines « la texture est assez proche du tofu et c’est très rare qu’ils mangent de la viande crue. Nous les habituons à manger du bon foie gras chaud ! » ajoute-t-il.
Succès à Hong Kong
Des habitudes de consommation qui passent par une étroite collaboration avec les chefs cuisiniers locaux et le développement de partenariats avec les professeurs dans les écoles hôtelières : l’entreprise met en place des modules de formation issus de son École du Foie Gras et offre les produits « pour que les élèves le travaillent véritablement ».
Une politique de fidélisation mise en place depuis deux ans à Hong Kong qui contribue au succès de la spécialité française dans l’ancienne colonie britannique. « En dix ans les ventes de foie gras ont doublé à Hong Kong, le marché est en croissance permanente. 30% de la consommation a lieu pendant les fêtes de fin d’année et la marque Rougié détient 45% des parts d’un marché annuel de 100 tonnes » témoigne Jacques Boissier, Président de Classic Fine Foods, importateur de la marque et partenaire de la famille Rougié en Asie depuis plus de vingt- cinq ans.
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Toutes mes felicitations, article interessant fort bien documente.
Donne une tres bonne vue des difficultes du developpement de telles activites en Chine.
C’est toi Gourmand2011 qui a écrit cet article?
Non, mais j’ai apprecie