Dans une démarche de rapprochement des masses populaires, les autorités chinoises ont ouvert la semaine dernière une page Internet censée permettre aux citoyens d’envoyer directement leurs messages aux membres du gouvernement. Avec, tout de même, quelques « restrictions ».

La page Internet, ouverte sur le site du Quotidien du Peuple, l’une des organes de presse du Parti Communiste, se veut un lien « direct » entre le peuple et les plus hauts dirigeants de l’Etat.
C’est en tout cas ce que son nom, ligne directe pour Zhongnanhai (le quartier gouvernemental, à Pékin), laisse entendre.
Ouverte assez discrètement la semaine dernière, cette « ligne » n’a pas tardé à avoir un succès fulgurant auprès du public : en quelques jours, des dizaines de milliers de messages y ont été postés, exprimant pour beaucoup les craintes des internautes sur divers sujets.
La lutte contre la corruption, combat dont le régime se fait lui même le fer de lance depuis des années (sans parvenir à des résultats probants), a été parmi les sujet les plus commentés.
« La corruption des officiels gouvernementaux est la base de tous nos problèmes. C’est le devoir premier du Parti que de gérer et contrôler ses officiels« , a par exemple écrit un internaute.
« Si vous vous sentez concernés par la vie des gens, montrez leur de la sympathie – tuez les officiels corrompus et les tyrans locaux« , a renchéri un autre, à l’intention du président Hu Jintao.
Les prix de l’immobilier, qui ont explosé ces dernières années au détriment des habitants, et que le gouvernement peine à réguler, ont également été l’objet de nombreux commentaires.
« Je n’ai pas les moyens d’avoir un appartement, je n’ai pas les moyens d’avoir une femme« , se lamente un internaute.
D’autres sujets, tels que l’éducation ou la santé, sont également apparus régulièrement, dans une masse de commentaires parfois ouvertement critiques envers les politiques gouvernementales.
26 restrictions
Il est difficile d’établir clairement si des messages ont été supprimés par les censeurs, bien que cela soit fort probable. Mais un commentaire, relevé par le le South China Morning Post, le suggère.
« Frère Hu, a déclaré un commentateur à destination du président, cela est très intéressant : j’ai posté tant de messages, tous ont été « harmonisés » (euphémisme régulièrement utilisé pour dire « censurés », ndlr). Ne pouvez vous pas nous laisser dire la vérité? »
Cependant, le forum est bel et bien l’objet de restrictions. Au nombre de 26, elles étaient énumérées clairement, et ont été traduites (en angais) par l’organisation Human Rights in China (HRIC).
Certaines restrictions reprennent des termes utilisés par le pouvoir dans sa condamnation des dissidents, des auteurs et des organisations qui lui déplaisent.
Cette rhétorique floue, dont le gouvernement s’arrange à loisir, inclut par exemple les expressions « mise en danger la sécurité de l’Etat », « subversion du pouvoir de l’Etat« , « atteinte à la réputation et aux intérêts nationaux« , « atteinte à l’ordre social« , etc.
Cependant, HRIC n’a pas rejeté à priori le forum.
« Le vrai test d’efficacité de ce forum en tant que véritable « ligne directe pour Zhongnanhai » sera les réponses que recevront ces messages, et la façon dont les autorités chinoises s’attaqueront aux causes des problèmes soulevées par les commentaires« , a estimé l’association dans un communiqué sur son site Internet.
Selon HRIC, « ce nouveau forum doit être vu dans le contexte d’une politique globale de contrôle d’Internet par les autorités, qui pensent d’une part que le Web représente une menace à la stabilité, et d’autre part que c’est un outil important pour unifier la pensée et guider l’opinion publique« .
Il doit également être vu dans un contexte de tentative du gouvernement de se rapprocher du peuple. Depuis quelques mois, les appels internes au Parti à ne pas se couper des masses populaires se multiplient.
Ainsi, en mai dernier, le vice-président Xi Jinpin avait appelé les cadres du PCC à rendre leurs discours moins longs, et à utiliser des mots plus simples, compréhensibles par tout un chacun.
un mois plus tôt, en avril, le premier ministre Wen Jiabao avait profité d’un hommage surprenant au réformateur Hu Yaobang, qui avait été limogé en raison de ses prises de positions trop ouvertes, pour souligner l’importance pour les dirigeants de ne pas se couper des masses.
Une démarche que le premier ministre, non content d’être considéré comme le dirigeant le plus proche du peuple en raison de ses nombreuses descentes sur le terrain, applique également sur Internet. Depuis deux ans, il s’adonne régulièrement à l’exercice du chat en ligne et en direct.
- Vous devez vous identifier ou créer un compte pour écrire des commentaires
Envoyez cette page à un ami