Les PME chinoises vivent actuellement la pire période qu’elles ont jamais vécue depuis 2008. Ces piliers de « l’usine du monde » doivent faire face à une vague de faillites.

Ce mercredi 13 juillet 2011, lorsque 470 employés du groupe Suyi, à Dongguan (Guangdong), se rendent sur leur lieu de travail, ils ne savent pas que ce qui les attend : une notice du tribunal leur annonçant la faillite de leur entreprise de fabrication de jouets, qui vend la plupart de ses produits en Occident.
Un mois plus tôt, en juin, une autre grande entreprise de textile de Dongguan a baissé le rideau, laissant 2000 employés au chômage.
Selon une enquête du 19 juillet du Journal de Canton, la vague de faillites frappe pratiquement tous les métiers manufacturiers de cette région, véritable cœur de « l’usine du monde ». Les secteurs de la fabrication de jouets, de l’industrie textile et des câbles électriques sont les plus touchés.
« Depuis mai, nous nous sentons vraiment en grande difficulté », a déclaré Chen Yaohua, chef de l’Association de l’industrie textile de Dongguan, selon le Nanfang Zhoumo. « Nous ne prévoyons pas plus de 10% de fermetures d’entreprises, mais c’est déjà beaucoup », a-t-il ajouté.
Entre-temps, l’autre bassin industriel moteur du « Made in China » – le triangle de Shanghai- est lui aussi dans une période amère. Rien qu’en avril, trois grandes entreprises manufacturières ont annoncé leur faillite.
Pire : un quart des entreprises d’exportation basées à Wenzhou sont en déficit, et seulement 30% font encore des bénéfices, selon une enquête de la commission économique de Wenzhou.
Lâchées par les banques
Selon un rapport de l’Association des industries et du commerce de Chine, plus de 90% des entreprises interrogées ont des difficultés à obtenir des prêts auprès des banques.
« Ce n’est déjà pas mal si une petite entreprise arrive à décrocher un prêt de 2-3% d’intérêt mensuel, et parfois le taux s’élève jusqu’à 5% », précise un chercheur de l’association au magazine Caijing. « Prêter de l’argent ou pas ? Dans les deux cas, cela pose des difficultés ».
« En 2008, même s’il y avait moins de commandes de l’étranger, avec les soutiens des banques, les entreprises avaient quand même confiance. Maintenant, non seulement les commandes de l’étranger ne sont toujours pas revenues, mais en plus les banques ne sont plus là », explique-t-il.
« Il faut que les PME chinoises changent leur modèle économique et s’adaptent à la nouvelle situation mondiale. Mais sans argent, elles ne peuvent même pas vivre. Comment peuvent-elles se développer ? », commente le journal Nanfang Zhoumo.
Faiblesses fatales
Outre les difficultés de financement et l’augmentation du prix des matières premières, celle du coût de la main d’œuvre et la réévaluation de yuan pèsent également sur le coût de production, qui a augmenté en moyenne de 11,4% sur les six premiers mois de 2010, selon Caijing.
Certaines entreprises gagnent donc plus d’argent en revendant des matières premières qu’en vendant leurs propres produits, selon le rapport de l’Association des industries et du commerce.
Mais en même temps, il est difficile pour des PME d’augmenter leurs prix de vente, en raison de la forte concurrence du marché international. Cette année, les PME chinoises n’ont donc fait en moyenne qu’entre 2% et 3% de profit.
Retombées dans les mêmes pièges qu’en 2008 ?
Une autre vague de faillites des PME était apparue pendant la crise économique mondiale en 2008. Rien qu’à Canton, plus de 15 000 avaient mis la clef sous la porte.
Aujourd’hui, certains spécialistes prévoient une situation encore plus difficile qu’à cette période. « En 2008, même si l’environnement international n’était pas bon pour le business, l’ambiance à l’intérieur du pays était encore bonne. Maintenant ni l’un ni l’autre ne nous permet de faire des bénéfices », a expliqué Ding Li, chef du département des recherches de l’Académie de Canton, au Nanfang Zhoumo.
Le rapport de l’Association des industries et du commerce de Chine a été remis au gouvernement. Il prévoit un futur encore plus difficile pour les PME chinoises pour la deuxième moitié de l’année.
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C’était à prévoir… Peut être pas aussi tôt, la crise de 2009 a surement accéléré le processus, mais lorsque vous avez des voisins, qui se développent eux aussi petit à petit, avec une main d’oeuvre encore moins chère que la votre, puisque la votre augmente de plus en plus, et bien voilà le résultat… Maintenant comment remédier à cela?? C’est une très bonne question!
Par contre je ne comprends pas pourquoi la réévaluation du yuan » pèsent également sur le coût de production » ? Si quelqu’un peut m’expliquer… Et pourquoi les banques ne prêtent plus non plus??
不管黑猫白猫,能抓老鼠就是好猫 – 邓小平
A Chulian
Voici quelques éléments qui vous seront peut-être utiles.
Le demande de réévaluation du yuan vient principalement des USA qui reprochent à la Chine de pratiquer du dumping et d’éliminer toute concurrence possible grâce à leur prix d’exportation très bas. Le résultat est une balance commerciale dramatiquement déficitaire aux USA et positive en Chine (ce qui est aussi un problème pour la Chine qui se retrouve avec des réserves de change gigantesques et trop dépendante – économiquement et politiquement – de ses principaux clients ).
Une réévaluation progressive du yuan diminuerait les avantages concurrentiels des produits chinois et redonnerait une chance aux produits locaux des pays importateurs.
Ceci concerne les secteurs dans lesquels la Chine excelle: grandes séries de produits de qualité moyenne dans les technologies très bien maitrisées (textiles, injection plastique…)
Les hautes technologies sont moins bien maitrisées. De nombreux produits estampillés « made in China » sont envoyés en Chine pour l’assemblage final à faible valeur ajoutée.
Le niveau de prospérité montant rapidement en Chine entraîne des augmentations de salaire dans les régions riches. Le Guangdong faisait venir ses ouvriers du Hunan. Celà ne suffit plus. D’autres pays comme le Vietnam montent en puissance.
La Chine doit donc passer à une nouvelle phase de son développement:
– Ne plus dépendre de la manne de l’exportation donc développer le marché intérieur. C’est un processus en cours depuis plusieurs années sous l’impulsion en particulier de Zhu Rongji : marché automobile, développement des services et loisirs comme le tourisme.
– Développer les hautes technologies c’est-à-dire en avoir la maîtrise d’un bout de la chaîne de production à l’autre. C’est loin d’être le cas! Il y un monde entre réaliser un prototype de microprocesseur dans un labo à l’Université Qinghua et le produire en série. Et tout cela doit s’accompagner d’un effort énorme dans des secteurs qui peuvent créer des goulots d’étranglement : énergie et transports. De plus la haute technologie demande un personnel qualifié…Créer des postes de travail industriel coûte très cher etc… les ingénieurs chinois avec qui nous discutions de ces problèmes (je suis maintenant en retraite…) parlaient de processus de plusieurs dizaines d’années. La modestie de certains discours des dirigeants n’est pas feinte. La Chine a de fortes chances de réussir son pari de la modernisation mais elle peut aussi le louper, ce qui serait un malheur épuvantable pour eux…et aussi pour nous.
J’ai peu d’éléments sur le secteur bancaire. Des rapports indiquent qu’il souffre de certains défauts : opacité (qui s’est révélé être un avantage lors de la crise asiatique(!), dettes triangulaires, investissements maladroits (immobilier)..
Un grand merci pour cette explication qu’on ne peut faire plus précise! Tout devient plus clair maintenant 🙂 Merci bien!
不管黑猫白猫,能抓老鼠就是好猫 – 邓小平