Bertrand Mialaret présente pour notre partenaire Rue 89 le dernier livre traduit en français, de Chi Li.

Si vous avez été conquis par les marchés de nuit en Asie ou en Chine avec leurs bruits, leurs odeurs, leurs restaurants en plein air, vous allez aimer ce livre.
Le dernier ouvrage de la romancière chinoise Chi Li vient d’être traduit : « Le Show de la vie » nous conte, à Wuhan, dans la rue du Bon Augure, la vie d’une jeune femme, Célé (Célébrité) et de son restaurant connu pour ses cous de canard, la spécialité locale.
Célé, chef de famille
Célé a assuré l’éducation de sa jeune sœur, Jade, devenue journaliste à la station de la radio locale ; elle protège Tété, son jeune frère, séduisant, séducteur et drogué. Quant à son aîné, chauffeur, elle le supporte malgré ses difficultés avec sa belle-sœur car elle a un cœur de mère pour son neveu Lai Jin Duo’er, qu’elle a allaité après la mort de son propre enfant.
Pour récupérer la maison familiale, il faut d’abord se réconcilier avec sa belle-mère et son père pour qu’ils ne s’opposent pas au projet et obtenir les bonnes grâces du chef du bureau du logement en mariant la serveuse du restaurant au fils de celui-ci, atteint de troubles mentaux !
Bref, une famille comme tant d’autres. Gérer sa vie est, pour Célé, plus difficile que de vendre des cous de canard. Une brève rencontre avec un client amoureux, mais un peu minable (comme presque tous les personnages masculins de Chi Li) ne règlera rien.
Sa vie n’est guère remplie, mais le marché de nuit et le restaurant prospèrent malgré les plaintes des riverains…
La petite musique de Chi Li
Un livre court, concis, qui se lit facilement et avec plaisir. Un roman sur la Chine des villes, la Chine actuelle ; réaliste bien sûr, mais sans misérabilisme et qui n’a jamais le ton de la dénonciation.
Chi Li s’est toujours tenue éloignée d’éventuels risques politiques même si dans son œuvre, certaines tares de la société chinoise actuelle sont décrites comme allant de soi. Ici par exemple, c’est la corruption de l’administration.
Une écriture précise, sereine, non dénuée d’humour ; un style plaisant mais parfois trop allusif qui ne contribue pas à donner de l’épaisseur aux personnages. Chi Li craint probablement de tomber dans la caricature de la patronne, forte en gueule, devant ses fourneaux avec ses brochettes qui grillent et son wok qui fuse.
Un personnage est très présent : la ville de Wuhan où est née Chi Li. C’est l’un des trois grands ensembles urbains de Chine qui étend ses 10 millions d’habitants sur les deux rives du fleuve Yangzi.
Une écrivaine discrète
Ce livre est le neuvième roman de Chi Li traduit en français et publié par Actes Sud, alors que pas une ligne n’est disponible en anglais. C’est le résultat des efforts d’Isabelle Rabut, professeur à l’Inalco et de plusieurs traducteurs.
Chi Li est une auteure discrète qui voyage très peu, qui se tient à l’écart. Elle a grandi dans une famille en rupture complète avec les traditions de l’ancienne Chine. Comme des millions de jeunes Chinois, elle est envoyée à la campagne comme « jeune instruite », puis devient institutrice. Elle fait ensuite des études de médecine et exerce pendant cinq ans.
Des études de littérature vont lui permettre de devenir rédactrice dans une revue littéraire et de commencer à écrire. Elle est maintenant vice-présidente de l’Union des écrivains de Wuhan.
Son livre a eu des conséquences peu banales : les cous de canard sont devenus, avec les nouilles sèches et chaudes, une spécialité de Wuhan connue dans toute la Chine.
► « Le Show de la vie » de Chi Li – traduit par Hervé Denès – Actes Sud 2011, 170 pages, 18 euros.
Retrouvez le blog de Bertrand Mialaret : mychinesebooks.com
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Comme présentée dans cet article, Chi Li, contrairement a Xinran, Qiu Xiaolong, Mo Yan … est « une auteure » discrète dont les oeuvres passent parfois inaperçues ce qui est dommage !
Je me permets notamment de conseiller « Trouée dans les nuages » : un huit clos qui présente la vie lisse et policée d’un couple chinois d’une quarantaine d’années. Apprécies et admires par leur voisinage et leurs collègues de travail pour l’harmonie (si chère a l’équilibre en Chine) qu’ils ont su instaures dans leur quotidien et leur vie de couple… Cette harmonie va soudain se transformer en tempête dévastatrice. Une violence décuplée par cet huit clos. Ces deux entres vont finir par se déchirer et se détruire avec une violence si insidieuse qu’elle en devient a la limite de l’horreur… Tous les non-dits accumules au fur et a mesure des années de vie commune et au nom de la sacro-sainte « face » vont voler en éclats et… le tremblement de terre passe… A LIRE !…
Ce que j’apprécie particulièrement chez Chi Li c’est effectivement sa capacité a ne pas nous fournir des caricatures… Elle écrit avec son coeur et non pas avec son compte en banque, contrairement a certains auteurs qui après quelques reels succès se sont laisses portes sur la voie de : » ce que les occidentaux veulent entendre ou lire » mais ceci n’est qu’un avis personnel. Je vis en Chine depuis 5 ans et suis parfois horrifiée par certains livres qui tente de nous ouvrir les portes de cette culture si différente…
Ann.S