Quatre ans après la catastrophe du Sichuan qui a fait près de 70 000 victimes, l’heure est aux commémorations et au bilan – en demi-teinte – sur la reconstruction. De notre partenaire Chine Plus.

Les chiffres d’abord, vertigineux : 68 712 victimes, plus de 300 000 blessés, des milliers d’orphelins, des villages entiers rayés de la carte, 865,5 milliards de yuans de dons récoltés en quelques semaines (1) ! Le bilan humain du plus important séisme en Chine survenu depuis 1976 est extrêmement lourd.
Aujourd’hui, quid de la reconstruction des zones sinistrées ? Le travail a été fait, affirme en substance un récent article du magazine Caijing replaçant les propos de Wei Hong – un haut cadre du Sichuan – qui estimait en février dernier que 99 % des 29 692 programmes post-séisme sont terminés. Peu avant, rappelle l’hebdomadaire, le gouverneur de la province – Jiang Jufeng – avait lui même jugé que les travaux étaient « dans l’ensemble terminés ».
Pourtant, plusieurs affaires de détournements de fonds circulent – et ce depuis 2008 – dans la presse locale et internationale. Moins de quatre mois après la catastrophe, le New York Times publiait ainsi une enquête édifiante sur les méthodes de la police locale, proposant de l’argent aux familles endeuillées – décidées à réclamer justice – en échange de leur silence. Cette année, le Xinjing bao montre du doigt la gestion par les collectivités locales de l’argent dédié aux reconstructions. Depuis 2008, « il est apparu à maintes reprises que certaines danwei (entreprises d’État ou entreprises en général selon le contexte, ndlr) ont fait construire de luxueux immeubles de bureaux de façon irrégulière », écrit sans détour dans les colonnes de ce quotidien de Pékin, le journaliste Jiang Yanxin, assisté de Zhu Chengjiang.
Constructions non conformes
Et de détailler : « sur les 939 projets audités (qui représentent 203,18 milliards de yuans), 63 projets, 26 entreprises de travaux, 4 entreprises de prospection et d’aménagement et 8 entreprises de contrôle ont montré des problèmes de gestion non conforme, de prospections insuffisantes et d’aménagements défectueux ».
Pour Jiang Yanxin, il apparaît « très clairement » que certaines entreprises publiques ont aménagé des immeubles de bureaux « non conformes ». Parmi eux, un immeuble administratif du district de Santai (Sichuan) reconstruit en 2011, dont le plus grand bureau individuel atteint 66 m2, « ce qui est 6,3 fois plus grand », précise-t-il que la norme habituellement retenue pour les bureaux des cadres de ce type d’organismes. Dans une autre ville, relève le journaliste, le devis pour le renouvellement de l’équipement internet pour un projet de radio et de télévision était estimé à 2,2 millions de yuans. Mais en septembre 2011, « 7,6 millions de yuans avait déjà été versés, soit 5,4 millions de plus que prévu ».
Enfin, de nombreux bâtiments – récemment sortis de terre – présentent des vrais défauts de construction, note le Xinjingbao. Et de citer en exemple une école de Ping’an Xiwang dans laquelle « l’eau s’infiltre » quand il pleut et détériore les installations électriques, « ce qui met en danger les enseignants et les élèves »…
(1) Chiffres du département des affaires civiles du gouvernement du Sichuan.
(2) D’après un audit 2011 de la commission des comptes sur la reconstruction post-séisme
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« Je n’oublierai jamais la peur des gens qui avaient survécu »
Voici trois courts témoignages d’habitants de la ville Dujiangyu située non loin de l’épicentre, recueillis sur place par ChinePlus un an après la catastrophe.
– Madame Yu, 64 ans
« Tout le quartier s’est effondré sauf notre maison [une bâtisse en brique et toit en taule]. Nous sommes les seuls à être restés. Il y a eu beaucoup de morts par ici. De nombreux enfants ont perdu leurs parents. Deux amis à moi, qui vivaient plus haut dans la vallée, ont disparu. C’est une tragédie qui se répètera, j’en suis sûre. Ici ou ailleurs dans le pays. C’est un phénomène cyclique. Nous devons rester vigilants et se réjouir d’être en vie »
– Xu Hao, 29 ans
« Je suis revenu à Dujiangyan peu après le séisme. J’ai d’abord été frappé par la poussière. Il y a en avait partout, c’était irrespirable. Je n’oublierai jamais non plus la peur des gens qui avaient survécu. Beaucoup redoutaient des secousses plus importantes. Ils ont longtemps vécu avec cette peur. Les gens parlent, pour se souvenir des disparus, mais ils réapprennent à vivre »
– Wu Congbei, 41 ans
« Nous habitons dans ce camp [abritant, au cœur de Dujiangyan, plusieurs milliers de personnes] depuis plus d’un an. Bien sûr, il y a des problèmes, nous sommes très nombreux ici. Ce n’est pas simple de vivre les uns sur les autres. Nous recevons eau et nourriture tous les jours et nous devons rentrer avant la nuit, sinon les portes sont cadenassées. Quand pourrons-nous à nouveau vivre normalement ? Nous n’en savons rien »
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